A quelques semaines de la tenue de la 61ème session annuelle de la Commission Baleinière Internationale (CBI), où les partisans de la chasse commerciale à la baleine tentent depuis plusieurs années d’entamer le moratoire, des chercheurs rappellent une période sombre et méconnue de la chasse baleinière.

De 1947 à 1973, alors qu’elle avait signé la convention internationale pour la régulation de cette chasse, l’Union Soviétique a poursuivi une pêche illégale, grâce à ses énormes bateaux-usines, communiquant de faux chiffres à la Commission Baleinière. L’URSS a ainsi prélevé des dizaines de milliers de baleines sur des populations déjà fragiles, éreintées par plusieurs décennies de chasse intensive, détaillent Phil Clapham et ses collègues dans la Marine Fisheries Review (1).

Ces chercheurs publient un décompte précis des prises soviétiques illégales dans l’hémisphère sud entre 1947 et 1973. Les navires sensés chasser dans l’océan Antarctique commençaient à tuer des baleines dès leur arrivée dans l’océan Indien. Toutes les espèces de baleines étaient tuées mais celles qui ont le plus souffert de ces activités sont les baleines à bosse. 48.702 baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) ont été tuées par les navires baleiniers soviétiques, relatent les chercheurs, dont plus de la moitié en seulement deux saisons dans l’Antarctique en 1959-60 et 1960-61.

Officiellement, l’Union Soviétique avait pris 2.710 baleines à bosse dans l’océan austral. Il existait en effet un système de double registre étroitement contrôlé par le KGB qui se chargeait de l’établissement des données officielles.

 

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Photo Marie Louis

 

Dès 1961, des flottes basées en Australie et en Nouvelle-Zélande ont vu leurs prises chuter brutalement. Elles ne remplissaient même plus leurs quotas autorisés. D’autres indices suggéraient que des baleines ‘disparaissaient’ illégalement. Un chercheur australien avait démontré dès 1965 que les prises officielles n’expliquaient pas les taux de mortalité observés.

Ce n’est qu’après la dissolution de l’Union Soviétique, au début des années 90, que quelques biologistes russes qui avaient été directement témoins de ces manipulations ont témoigné et livré des informations détaillées.

Dans l’hémisphère nord, pour lequel le décompte précis n’est pas encore terminé, le pillage soviétique a sans doute précipité les baleines franches de l’Atlantique au bord de l’extinction, soulignent Phil Clapham et Yulia Ivashcenko dans leur analyse. Globalement, 200.000 baleines auraient été tuées illégalement par la flotte soviétique. Il a fallu l’adoption de nouveaux quotas en 1973 pour que ce pillage s’arrête. Il explique en grande partie la difficulté de certaines populations de baleines à se remettre des pires années de chasse.

C.D.
Sciences-et-Avenir.com
11/06/09

(1) édition de juin 2009 ; revue éditée aux États-Unis par une agence fédérale, la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration).

Voir aussi l’article du Figaro : Les baleiniers soviétiques ont pillé les océans de 1947 à 1973

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