Le pic de la saison des baleines à bosse est passé et les majestueux mammifères ne devraient pas tarder à reprendre leur migration vers l’Antarctique. Il est encore trop tôt pour dresser un bilan complet de ce cru 2010 mais un même souffle de satisfaction semble se dégager de la part des principaux intervenants du whale-watching.

Des tensions palpables étaient apparues ces dernières années autour de l’activité écotouristique générée par l’observation des baleines à bosse, à l’occasion de leur passage hivernal dans le lagon calédonien, pour se reproduire ou mettre bas. Mais à l’initiative des institutions et des opérateurs du secteur, des mesures ont été prises et 2010 pourrait marquer le début de l’âge de raison de la profession. La plupart des prestataires de sorties baleine se sont regroupés cette année sous la bannière de Calédonie Charter, avec la vocation affichée de travailler en commun sous forme de coopérative d’intérêt. La mise en place d’un système de réservation centralisée et de répartition du planning, l’application d’un tarif unique, une meilleure coordination sur site, une limitation à un bateau par société et une répartition des bénéfices en fin de saison ont été les bases principales de cet accord. Le premier résultat de cette entente « a été d’améliorer l’ambiance entre nous », témoigne Gilles Watelot, vice-président de l’association. « Nous avons eu une réunion avec nos douze membres samedi dernier et notre première conclusion est que ça s’est très bien passé sur le plan d’eau et que nous avons apprécié notre collaboration. »

Libérés du poids de la concurrence, dégagés des problèmes de gestion du planning, les équipages ont pu travailler sereinement. « Ça a tout changé : on ne parlait plus d’argent et on a pu se concentrer sur notre métier et gagner en professionnalisme et en crédibilité. On a eu un retour positif des clients, qui ont apprécié la bonne ambiance et ce lien fédérateur qui se dégageait », s’enthousiasme Christelle du catamaran Nirvana. « Les baleines ont également profité de ce changement : l’organisation mise en place limitait le nombre de bateaux en semaine, l’idée étant d’avoir deux ou trois bateaux bien remplis plutôt que six à moitié pleins, limitant d’autant la pression sur les animaux. »

En attente des résultats financiers pour confirmer le bien-fondé de leur opération, les membres du collectif s’accordent donc à dire que ce fut une saison plutôt rose, comme la couleur de la baleine qui leur sert d’effigie. « De plus, la météo a été exceptionnelle : pas de vent et une seule annulation pour cause de pluie. Les baleines étaient bien au rendez-vous et le taux de réussite pour les voir est de 85 %. On en est à plus de 4 000 passagers embarqués et il reste en encore deux semaines pour augmenter ce chiffre », précise-t-on au bureau de réservation central.

Pour Armelle, capitaine du catamaran à moteur Manta, dont la société ne fait pas partie de Calédonie Charter, les motifs de satisfaction demeurent : « On est contents. On a un produit différent des autres et la vitesse et l’autonomie de notre navire nous permettent, au départ de Nouméa, d’aller observer les baleines sur d’autres spots plus éloignés sans interférer avec les autres. Nos clients apprécient. » Même contentement du côté du service de la mer et de la protection du lagon de la province Sud. « Cela s’est très bien passé pour deux raisons principales : l’entente et l’organisation des professionnels et les moyens supplémentaires mis en place cette année par la province », analyse Christophe Chevillon, le responsable du service. Cette satisfaction générale semble de bon augure, alors qu’à l’initiative des gens de l’île Ouen se prépare déjà une « fête de la baleine » pour l’année prochaine.

L’observation scientifique se poursuit

Loin de l’activité commerciale du whale-watching, les scientifiques s’intéressent pour d’autres raisons à l’observation des baleines à bosse. Comme tous les ans depuis 1995, l’équipe d’Opérations Cétacés mène des travaux de recherche pour collecter les informations nécessaires à l’étude et au suivi de la population qui fréquente les eaux calédoniennes. Interrogée sur l’exercice 2010, Claire Garrigue explique : « Il est encore trop tôt pour donner des résultats car nous n’avons pas fini notre travail : si la première partie de notre mission dans le grand lagon sud vient de s’achever, il nous reste encore la partie océanique. » A bord d’un catamaran à moteur affrété pour l’occasion, une équipe de chercheurs vient tout juste de quitter Nouméa pour ce complément d’enquête dans le sud de l’île des Pins et ne sera de retour qu’à la mi-septembre. En donnant rendez-vous à cette date pour en savoir plus, la spécialiste confie cependant quelques premières informations : « Les baleines ont bien été ponctuelles en arrivant à la mi-juillet. Leur présence a été relativement bien étalée avec un pic de fréquentation relevé à la mi-août. Nous avons pu en observer une centaine, mais la population estimée est assez stable et représente environ 500 individus dont un quart reviennent d’une année à l’autre. »

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« On observe de nets progrès »

Questions à… Patrice Plichon, capitaine de l’un des bateaux de surveillance du lagon.

• Les Nouvelles calédoniennes : En quoi consiste votre mission ?

Patrice Plichon : Notre présence sur l’eau pendant la saison des baleines fait partie de notre mission au titre de la compétence provinciale en matière de conservation des espèces protégées, parmi lesquelles se trouvent les mammifères marins. Notre rôle est donc d’informer, de contrôler, voire de donner des avertissements pour que la pression sur ces animaux reste limitée. Les baleines viennent en Nouvelle-Calédonie pour se reproduire, c’est une période déterminante pour elles.

• Comment cela s’est-il passé avec les professionnels du whale-watching ?

La province a entrepris depuis 2008 des démarches pour tenter de les amener à une pratique plus responsable et plus respectueuse, en les incitant à signer une charte développée au niveau international sur la conduite à tenir lors de l’observation des cétacés. Des formations ont été dispensées par des spécialistes étrangers. Cette année, nous avons pu constater les premiers fruits de ce travail, car s’il reste encore quelques mauvais élèves, force est de constater qu’il y a de réels progrès dans l’application pratique de la charte sur l’eau.

• Les comportements sont-ils en train de changer ?

Des moyens supplémentaires ont été mis en place en 2010 avec la présence d’un deuxième bateau et l’instauration d’une surveillance visuelle à partir du cap Ndua le week-end. Au mois d’août, nous avons eu jusqu’à 71 bateaux voulant observer les baleines le même jour sur la même zone. Une vingtaine de professionnels mais aussi beaucoup de plaisanciers. Pour ces derniers, un travail d’information est souvent nécessaire, mais en règle générale ils se comportent plutôt bien et sont assez respectueux. En dehors de certains pics, nous avons cependant noté que la présence des plaisanciers tendait à diminuer.

• La pression sur les baleines a-t-elle vraiment baissé ?

Le nombre de bateaux demeure le problème principal et il faudra certainement trouver des solutions pour le limiter. Des alternatives existent dans d’autres pays dont on pourrait s’inspirer : mise en place de système de licences tournantes, système de zones. Il faut y réfléchir et essayer de trouver des solutions en commun. En résumé, nous sommes satisfaits des progrès constatés cette année, nous avons moins eu à intervenir et nous avons apprécié le travail effectué par les professionnels entre eux.

Source : lnc.nc  (07.09.10)

 

 

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