La nouvelle campagne de « pêche » a commencé début septembre et continuera jusque mars. Tous les ans, au large de Taiji, au Japon, plus de 20000 dauphins sont capturés avant d’être tués ; seuls quelques uns seront épargnés pour vivre ou plutôt survivre dans un delphinarium. C’est le documentaire « the cove (la baie de la honte) » qui a permis de révéler cette pratique. Prudents, les auteurs de cette « pêche » masquaient la réalité de manière quasi paranoïaque, et après avoir visionné le film, on comprend pourquoi. Ainsi, il aura fallu dépasser de nombreux obstacles et s’affranchir de la légalité pour permettre à la vérité de triompher. C’est ce qui a été la matière à polémique de ce film. Pour autant, aucune critique sur la forme ne pourrait prévaloir sur un raisonnement de fond. En effet, contrairement à la pêche classique, cette « pêche » pose de nombreux problèmes.

Le premier d’entre eux étant un problème éthique

Le dauphin n’est pas un poisson comme les autres, d’abord ce n’est pas un poisson du tout, c’est un mammifère. Le dauphin, certaines espèces en particulier, est décrit comme étant joueur, doué d’imagination par ceux qui ont eu la chance de l’approcher dans son milieu naturel. Il est très souvent venu en aide à des hommes en difficulté, raison pour laquelle il fut vénéré et protégé en Grèce antique : c’est un ami de l’homme. C’est aussi l’animal au sourire permanent, qui égaie les enfants.

Il a passé avec succès le test du miroir, un test crucial, révélateur de la conscience de soi. Longtemps perçue comme étant l’apanage de l’homme, cette considération ne cesse d’être battue en brèche : de nombreux animaux posséderaient cette conscience (éléphant, chimpanzé, etc.). Les scientifiques estiment que d’autres animaux pourraient également révéler qu’ils ont conscience d’eux-mêmes, en utilisant des tests appropriés à leur sens prépondérant (qui n’est pas toujours la vue).

Non content d’être conscient, c’est aussi un animal intelligent, ce don témoigne ces capacités d’apprentissage élevées. Les dauphins sont dressés au moyen de la langue des signes. Des études tendent à penser que certaines espèces de dauphins pourraient même être plus intelligentes que les chimpanzés. Dans les delphinariums, ils sont dressés à faire des tours. L’armée américaine les utilise depuis les années 1960, ils servent entre autres, à la détection de mines, à la recherche d’objets et à la surveillance des flottes maritimes. Une grande partie des recherches menées sur les dauphins furent déclassifiées en 1992.

Mais ce qui pourrait faire la véritable supériorité du dauphin sur toutes les autres espèces animales, c’est sa capacité à communiquer. Les recherches sur ce point sont encore controversées, principalement en raison de la rémanence des anciennes recherches (les premières datent de 1960). En effet, le langage des dauphins semble être extrêmement sophistiqué et les moyens anciens ne permettaient pas de saisir ses subtilités. Cependant, les études récentes tendent à démontrer qu’il y a indiscutablement une communication sophistiquée au moyen d’un langage, chez les dauphins et très probablement chez les cétacés de manière générale. Vous trouverez sur ce site une excellente synthèse d’expériences menées avec les dauphins, certains résultats sont stupéfiants.

Le second problème tient en la maltraitance animale

En effet, les dauphins sont déjà complètement paniqués par la capture, mais surtout, la mise à mort est délicate. Il est impossible d’abattre proprement un dauphin dans l’eau. Les dauphins sont actuellement tués à coup de lance, rares sont les coups mortels et souvent les dauphins agonisent pendant de longues minutes, dans une mer Rouge de leur propre sang et du sang de leurs semblables ou de leurs petits. Pour un animal conscient, c’est une souffrance morale et physique. D’un point de vue humain, cela relève purement et simplement de la barbarie.

Le troisième problème concerne la santé publique

La « pêche » au dauphin soulève d’autres problématiques. « Péché » au large des côtes japonaises, sa chair est contaminée au mercure et à d’autres produits éminemment toxiques. En effet, situé en haut de la chaîne alimentaire, c’est un bioaccumulateur: il concentre petit à petit les polluants contenus chez ses proies. Et il faut préciser que les eaux japonaises sont particulièrement contaminées au mercure, l’industrie japonaise, l’entreprise Chisso en particulier, ayant abondamment rejeté ses polluants dans la mer pendant une trentaine d’années, ce qui est à l’origine de la maladie de Minamata. Le mercure est hautement toxique, il est même écotoxique, c’est-à-dire qu’il est toxique pour toutes les formes du vivant.

Les taux de concentration de mercure dans la viande de dauphin atteindraient jusqu’à 36 fois les normes autorisées. Mais le mercure n’est pas le seul poison à se concentrer dans la chair des dauphins, il faut aussi compter d’autres métaux lourds et des polluants organiques persistants. De même, les problèmes de bioaccumulation ne concernent pas uniquement les dauphins, mais tous les grands prédateurs. Les autres cétacés, les requins, les thons, etc.. Tous sont contaminés à des niveaux divers. Pour le consommateur, le risque est variable, il dépend de l’intensité de la consommation et de l’âge du consommateur. Or, le Japon est par nature un grand consommateur de produits de la mer, et sans aller jusqu’à craindre un nouveau Minamata, on peut légitimement s’interroger sur le laisser consommer de produits contaminés à des taux particulièrement élevés d’un élément dont on sait qu’il est toujours, quelque soit sa concentration, toxique.

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Conclusion

La « pêche » aux dauphins, c’est donc s’en prendre à un animal doué d’intelligence, d’une conscience et très probablement d’un langage. Rien que pour ça, la « pêche » aux dauphins devrait relever d’une forme de transgression. Il faut rajouter que la « pêche » aux dauphins se fait dans des conditions inadmissibles, assimilable à de la maltraitance animale. Mais elle est aussi et surtout une hérésie, sa chair étant contaminée à des degrés divers, notamment par le mercure. Pour refuser et dénoncer la « pêche » aux dauphins, il existe une pétition.

Alors, bien sûr, le dauphin est un animal emblématique, qui suscite l’empathie, peut-être de manière disproportionnée. Pour autant, il ne faut pas oublier qu’il appartient à l’ordre des cétacés, vaste groupe dont les membres présentent tous des caractéristiques similaires à celles des dauphins. C’est l’intégralité de ce groupe qu’il convient de protéger.

Enfin, il semble que les problèmes de bioaccumulation soient largement éludés, par exemple, il ne me semble pas normal que seuls les initiés soient au courant des recommandations de l’afssa sur la consommation des poissons prédateurs sauvages chez les femmes enceintes et les jeunes enfants. Je crois qu’il est temps de relayer l’information.

Source : lemonde.fr  (16.09.10)

 

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