Samedi, au détour d’une balade ensoleillée sur la plage de Lacanau, le promeneur achoppe sur une masse à l’odeur fétide. Un dauphin. Raide mort… Le bec dans le sable. Les badauds, dont la majorité n’en avait jamais vu, défilent à son chevet. Une cérémonie de recueillement qui durera toute la journée.

« Ohhh regarde le sang », pointe un gamin en s’approchant. « Touche pas ! », tonne le père. « Oh le pauvre… C’est trop triste », renchérit le rejeton. « Il est peut-être mort dans les filets des pêcheurs », conclut son père, en pointant la corde qui enserre la nageoire caudale du cétacé. Un Canaulais rectifie : «Une équipe s’est déplacée hier pour l’embarquer, avec l’aide d’un pick-up, mais la corde s’est cassée.»

Que faire en cas de découverte

Marche à suivre en cas de découverte d’un cétacé sur la plage. S’agissant d’animaux protégés, il faut aussitôt alerter les autorités locales (mairie, police, gendarmerie, office du tourisme). On peut également contacter le Centre national d’études des mammifères marins de La Rochelle (05 46 44 99 10) en indiquant la date et le lieu de l’échouage, mais aussi la taille, la forme (notamment au niveau de la tête et de l’aileron dorsal) et la couleur de sa peau. Si l’animal est vivant, il doit rester calme et au frais, aussi à l’aise que possible. Sa peau est extrêmement fragile et ne doit surtout pas sécher. Il faut alors l’entourer d’une serviette humide sans couvrir l’évent (l’orifice par lequel il respire) ni les yeux ce qui pourrait le faire paniquer. Il s’agit ensuite de laisser faire les secours. Si d’autres dauphins naviguent à proximité de la côte, il s’agit de les empêcher de rejoindre leurs congénères échoués. Pour cela, il suffit de former une barrière humaine en bordure de la plage.

Notre dauphin, qui se serait passé d’être la gloire posthume du tout-Lacanau, fait jaser. « C’est pas beau à voir… Peut-être est-il mort de vieillesse, d’un accident de pêche ou encore à cause des ordures que déchargent au large les bateaux ? », s’interroge un couple de retraités, tandis que d’autres le touchent du bout du pied et l’immortalisent en photos. Un cabot lui renifle même sa couche de graisse déjà entamée par le soleil. C’en est trop ! La magie du dauphin n’opère plus… « C’est dommage qu’il soit dans cet état-là, mais au moins t’en auras vu un ! », dit une mère à sa fille.

200 à 300 autres attendus

Quatorze cadavres de dauphins et marsouins ont été retrouvés en fin de semaine dernière sur la côte atlantique, dont onze entre Lacanau et Le Porge. Des dauphins du plateau continental mais aussi deux dauphins bleus et blancs océaniques, morts en mer il y a dix ou quinze jours. D’autres encore, pourraient faire leur apparition alors que débute la saison des échouages (jusqu’à mi-avril).

« C’est très rare qu’on en voit lorsqu’on est à l’eau », concède Lilian, surfeur canaulais. « Ça m’est arrivé il y a deux ou trois ans, un banc de dauphins n’arrêtait pas d’aller et venir. La dernière fois, c’était il n’y pas longtemps, vers la fin novembre. J’étais en train de courir quand j’en ai vu un, le ventre en l’air, qui était en train d’échouer vingt mètres après la digue. Heureusement, quelqu’un est vite intervenu pour le repousser à l’eau. »(C) jreydiaz_Flickr.jpgOraison funèbre

Lilian, comme les autres, ignorent les raisons de cet échouage. Mais tous attendent, les enfants surtout, d’en savoir un peu plus.

En octobre dernier, les passereaux n’avaient pas connu une telle oraison funèbre. Et pourtant, des dizaines d’oiseaux retrouvés morts jonchaient le front de mer de Lacanau, devenu en quelques jours un cimetière à ciel ouvert. Et là, ils étaient moins nombreux à s’émouvoir avec tant d’empathie du sort des volatiles. Morts ou vifs, les dauphins ont la cote, c’est évident.

Pourquoi les cétacés s’échouent

Onze dauphins se sont échoués en moins d’une semaine sur la côte médocaine. Une poignée de cétacés a été acheminée au Centre national d’études des mammifères marins de La Rochelle pour comprendre les circonstances de leur mort. Mais le phénomène, bien qu’ancien (Aristote en parlait il y a 2 400 ans), reste mystérieux. Il existe toutefois un faisceau d’explications. D’abord il y a une « saison » de l’échouage, généralement de la mi-janvier à mi-avril : « Difficile d’expliquer ce phénomène. Cela relève du cycle de la vie explique le docteur Jean-Charles Massabuau, directeur de recherche au CNRS basé sur le bassin d’Arcachon. En général, les dauphins meurent naturellement et leur cadavre vient nourrir la faune et la flore des hauts fonds. Le phénomène actuel peut s’expliquer par les vents d’ouest et les courants enregistrés sur le secteur. Cela peut ramener les dépouilles vers la côte. »

Rencontres fatales

200 à 300 dauphins peuvent être retrouvés sur le littoral atlantique durant ladite saison. Le scientifique précise qu’il n’y a a priori pas d’habitude de migrations chez les dauphins. Il semble que les échouages ne sont pas liés à des dauphins égarés. « Il y a cinq ans, un groupe de dauphins avait pris ses habitudes dans le bassin d’Arcachon. Puis ils sont partis. » C’est en se rapprochant des côtes qu’ils peuvent faire des rencontres fatales bien souvent liées aux activités humaines : se faire prendre dans les filets des pêcheurs, percuter des embarcations ou des infrastructures côtières. Il faut également compter avec le facteur pollution. Il se peut aussi que les dauphins s’égarent, suite à une défaillance de leur système de navigation ou soient piégés par la marée. Dans ce cas-là, les animaux peuvent être retrouvés vivants. Autre hypothèse avancée par des scientifiques en des cas précis : les dauphins sont perturbés par des sons. Certains sonars militaires ont déjà provoqué des accidents en Grèce, aux îles Canaries ou au Canada. Ces sons affectent les cétacés, parfois à des milliers de kilomètres. Il est possible que certains animaux proches du sonar subissent des lésions de l’oreille interne. Les analyses effectuées à La Rochelle permettront d’en savoir davantage.

Source : sudouest.fr  (17.01.11)

  

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