Une équipe de biologistes marins vient de réussir à comprendre pourquoi un groupe de dauphins a pris l’habitude de se coiffer d’éponges pour chasser. Les conditions environnementales semblent jouer un rôle important dans l’émergence de ces comportements innovants.
  (C) Eric Patterson.jpg L’Homme s’est longtemps cru le seul capable d’utiliser des outils. Mais depuis plusieurs années de nombreuses études en éthologie montrent que beaucoup d’animaux ont développé ce comportement. Des chimpanzés, plusieurs oiseaux et même un poisson ont été observés manipulant qui une brindille, qui une pierre pour améliorer leurs performances de chasse ou de construction. C’est également le cas des mammifères marins, dont les capacités d’apprentissage ne sont plus à démontrer. Eric Patterson et Janet Mann du Département de biologie de l’université de Georgetown ont réussi à percer le mystère d’un groupe de grands dauphins (Tursiops truncatus) australiens particulièrement étonnants.Dans Shark Bay, à l’ouest de l’Australie, vivent plusieurs hordes de dauphins. Mais seuls ceux de la troupe vivant dans les chenaux peu profonds ont l’habitude de se recouvrir le rostre d’éponges qu’ils cueillent sur le fond. Ainsi coiffés, ils partent explorer le fond dur et caillouteux pour en déloger les habitants dont ils se nourrissent. Mais pourquoi n’utilisent-ils pas leur sonar naturel pour repérer ces poissons au lieu de fouiller de long en large les sédiments grossiers ? D’habitude, les dauphins arrivent à repérer leurs proies par écholocalisation, même lorsqu’elles sont enfouies dans le sable.Poissons furtifs et museau sensibleIl a fallu que les chercheurs imitent les dauphins en labourant le fond avec une perche recouverte d’une éponge pour trouver la solution. Il se trouve que les proies délogées de cette manière sont principalement des perches de sable. Or ces poissons sont dépourvus de vessie natatoire, sorte de poche gonflée de gaz permettant à l’animal de contrôler sa flottabilité. Et la présence de cet organe, en renvoyant un fort écho, permet normalement aux dauphins de localiser sans problème leurs autres proies. Les perches de sable sont donc furtives. Alors, le cétacé doit explorer une grande surface du fond pour trouver de quoi se nourrir. À force de frotter son bec sur les cailloux, il risque de le blesser.

L’extraordinaire c’est qu’un jour, un dauphin de ce groupe a trouvé l’idée d’utiliser une sorte de gant protecteur, l’éponge. En rendant disponible des proies d’habitude délaissées, ces dauphins se sont écartés de la concurrence que représentaient leurs congénères ou d’autres prédateurs. Les biologistes appellent cela une niche écologique. Ce comportement leur donnant un avantage, les anciens l’ont transmis aux jeunes, de génération en génération. Pour les chercheurs, il est clair qu’il s’agit d’un comportement culturel appris et non pas inscrit dans les gènes de l’espèce au fil de l’évolution.« C’est un résultat intéressant, conclut Eric Patterson, car il montre comment des conditions environnementales favorisent l’innovation. » C’est aussi une voie de recherche pour comprendre la façon dont a émergé l’utilisation d’outils dans la nature, chez les espèces sauvages.

Source : futura-sciences.com (été 2011)Actualité récente en rapport : Un dauphin qui chasse à l’électricité…  

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