S’il est vrai, comme le pense l’ex-première ministre norvégienne Gro Harlem Brundtland, que « les régions polaires demeurent celles du monde sur lesquelles on a le moins de connaissances », les travaux présentés du 22 au 27 avril à Montréal, lors de la conférence de l’Année polaire internationale 2012, ont permis de mesurer les avancées scientifiques réalisées.     

océan_arctique_flickr_copyright_dibaer.jpg C’est particulièrement le cas pour les études concernant la présence en Arctique de métaux – comme le mercure – et de polluants organiques persistants (POP), dont les impacts sur la santé et l’environnement sont très nocifs.

Même si, en Arctique, les niveaux de mercure et de certains POP sont stables ou en baisse dans l’atmosphère depuis une vingtaine d’années, ils s’accumulent de plus en plus, à la faveur du réchauffement climatique, dans les plantes et les animaux, comme les poissons, les bélugas, les phoques et les ours polaires.
Cette intégration dans la chaîne alimentaire renforce les craintes sur la santé des Inuits, qui se nourrissent encore beaucoup de chair de béluga et de graisse de phoque.
« On pourrait penser que la moindre présence du mercure et des POP dans l’atmosphère va se refléter chez les espèces animales de l’Arctique mais c’est le contraire », souligne le chercheur canadien Gary Stern. « La hausse du mercure affecte plutôt l’ensemble de la chaîne alimentaire : algues, plancton, poissons, mammifères marins et ours polaires, puis l’homme. Et chez les poissons comme les chez mammifères marins, on trouve aussi de hauts niveaux de POP », constate-t-il.
LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE MIS EN CAUSE
La fonte de la banquise provoquée par le réchauffement climatique, poursuit-il, accroît la productivité du phytoplancton dans un milieu marin qui est un « réservoir de polluants ».
Ces derniers se concentrent par la suite dans le phytoplancton, puis passent dans la chaîne alimentaire. « Il y aurait deux fois plus de mercure chez le béluga et certains poissons qu’il y a vingt ans », avance-t-il.
Le réchauffement climatique affecte également le cycle global du mercure, souligne Jules Blais, professeur en toxicologie environnementale et chimique à l’université d’Ottawa.
La fonte des glaces et du pergélisol stimule une activité microbienne qui rend le métal plus toxique et plus concentré : c’est le méthylmercure – forme organique la plus toxique du métal.
Il contamine alors la chaîne alimentaire, du plancton au poisson, puis au béluga. Au point que le cétacé est désormais considéré comme une « espèce sentinelle », précise Sonja Ostertag, chercheur à l’Université du nord de la Colombie-Britannique (Canada), parce qu’il accumule les plus hauts taux de méthylmercure.
Certains POP, très volatils et portés par les vents, arrivent également d’Asie vers l’Arctique. Des chercheurs, comme Paul Bartlett, expert canadien en sciences de l’environnement, ont ainsi observé l’arrivée en cinq jours de pesticides asiatiques dans le nord du Canada.
PRODUITS INDUSTRIELS ET DOMESTIQUES
D’autres chercheurs ont aussi noté la présence de nouveaux polluants et prédisent leur augmentation en zone polaire. Ainsi, Les PBDE, servant d’ignifugeants dans les produits électroniques, sont retrouvés en concentration de plus en plus forte dans les animaux.
Même constat pour certains perfluorés comme le PFOA qui entre dans la composition de nombreux produits industriels et domestiques comme les poêles antiadhésives, les revêtements imperméables et antitache. « Et cette liste a toutes les chances de s’allonger », prédit Carey Friedman, spécialiste des POP au Massachusetts Institute of Technology (MIT), aux Etats-Unis.
Autant d’informations susceptibles d’inquiéter un peu plus les Inuits, dont on connaît depuis les années 1980 le fort degré d’exposition au mercure et aux POP, conséquence d’une alimentation riche en poissons, phoques et bélugas.
Le cocktail « mercure-POP », présent dans le lait maternel des femmes inuits, peut affecter les systèmes neurologique et immunitaire du nourrisson. « Pour l’adulte, le mercure est un facteur de risque de maladie cardiovasculaire et on parle maintenant d’un lien possible, bien que modeste, entre POP et diabète », explique Éric Dewaily, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec.
Cet expert défend l’idée que l’alimentation traditionnelle des Inuits, riche en fer, vitamines et oméga 3, sera toujours meilleure que la « junk food » qui fait des ravages dans le monde en termes d’obésité, Arctique compris.

Source :  lemonde.fr  (28.04.12)  Actualité récente en rapport : Les glaces du Groenland plus sensibles au réchauffement que prévu…Arctique : plus d’espèces marines mais moins d’oiseaux…

   

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