Ces cétacés ont un organe géant attaché à leur palais, et qui a les caractéristiques d’un… pénis ! C’est le résultat surprenant de plusieurs années d’études menées par des chercheurs en Arctique.

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Les baleines n’ont pas fini de révéler leurs secrets. Dans une étude étonnante à paraître dans la revue The Anatomical Record, une équipe de chercheurs américains et australiens, menée par Thomas Ford, Alexander Werth et J. Craig George, révèle l’existence d’un organe situé dans le palais des baleines à bosse ressemblant… à un pénis géant.

3,5 MÈTRES DE LONG.Son existence était soupçonnée, mais jamais prouvée jusqu’alors. Judicieusement nommé corpus cavernosum maxillaris(corps caverneux maxillaire), il mesure plus de 3,5 m de long pour 10 cm d’épaisseur. Il aurait pour fonction de réguler la température interne des cétacés, ainsi qu’un rôle sensoriel.

On peut se demander quel est l’intérêt pour une baleine vivant dans les eaux glacées de l’Arctique de faire baisser sa température… Les cétacés possèdent une épaisse couche de lard qui les isole du froid et leur permet de survivre dans les eaux des pôles. Les baleines à bosse peuvent compter sur une autre adaptation, leur bosse. La forme arrondie de leur corps leur confère un faible ratio de surface par rapport à leur volume global, ce qui permet de diminuer les échanges thermiques et limiter la perte de chaleur. Sauf que dans le cas des baleines à bosses, ces adaptations sont presque trop efficaces.

Un indice tiré des images thermiques

Olivier Adam, du Centre de Neurosciences Paris-Sud et acousticien spécialiste des baleines à bosse, explique : « ce sont des cétacés qui évoluent dans 2 zones totalement différentes : les zones froides (arctique/antarctique) pour l’alimentation et les zones tropicales pour la reproduction. Du coup, elles évoluent dans des températures d’eau de fort gradient… qu’elles supportent. Cet organe pourrait donc expliquer cette aptitude à passer d’eaux froides à eaux chaudes. »

Le corps caverneux, fortement vascularisé, se gonfle de sang chaud (tel un pénis) et entre en contact avec l’eau froide lorsque la baleine ouvre la bouche pour se nourrir. Le sang se refroidit alors très rapidement, et retourne irriguer le corps de l’animal, notamment son cerveau.

INFRAROUGES.L’équipe doit cette étonnante découverte à des photos infrarouges prisent sur des baleines mortes quelques heures plus tôt. En suivant des chasseurs Iñupiat en Alaska, au début des années 90, ils ont pu disséquer les têtes de sept baleines à bosse pour recueillir des données sur leur anatomie. Sur la photo, on constate que l’organe spongieux est plus chaud (entre 6 et 8 °C) que le reste du corps, corroborant l’hypothèse d’un rôle thermorégulateur. De telles dissections ne sont pas monnaie courante.

Olivier Adam raconte que « l’anatomie est difficile du fait de leur taille, mais aussi de l’accès : on peut y avoir accès lorsqu’elles s’échouent sur les plages, mais dans ce cas, leur état est parfois trop avancé pour se lancer dans des études anatomiques, notamment sur tout ce qui est muscle, tissus, nerfs… »

Ouvrir grand leur bouche permettrait aux baleines à bosse de se refroidir, tels les chiens tirant la langue

Mais ce n’est pas tout. En disséquant l’imposant organe, les chercheurs ont constaté qu’il est parcouru de nombreuses fibres nerveuses, le rendant sensible au toucher. Les baleines se nourrissent de krill et de petits poissons en ouvrant grand leur bouche pour filtrer l’eau grâce à leurs fanons, sortes de grandes soies qui capturent les petits organismes.

RENTABLE.Une telle entreprise est très gourmande en énergie, et pas forcément très rentable. Une fonction sensorielle pourrait donc les aider à mieux évaluer la quantité de nourriture présente dans l’eau qu’elles filtrent.

Joy Reidenberg, anatomiste de l’école de médecine du Mont Sinai à New York, pense que cet organe « existe chez tous les Balaenidae (famille qui comprend les baleines à bosse et les baleines franches), et probablement chez tous les mysticètes (baleines à fanons), mais doit varier de taille et de forme selon qu’elles se trouvent en eau froides ou tropicales ».

Olivier Adam conclut : « avoir de nouvelles informations sur les études anatomie de ces baleines permettra de mieux comprendre ce qu’elles sont capables de faire (et de ne pas faire), et pourra contribuer à nous donner des clés pour mieux interpréter leur comportement. » Ouvrir grand leur bouche leur permettrait aux baleines à bosse de se refroidir… tels les chiens avec leur langue !

Lionel Huot, Sciences et Avenir, 18/03/13
Source & photos : sciencesetavenir.nouvelobs.com    Source photo : wikimedia.org 

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