Dans le golfe du Maine, les baleines à bosse ont adopté une façon de piéger les poissons inventée par l’une d’entre elles en 1980.

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Quand un homme découvre une nouvelle technique de chasse, il la propage dans son entourage. Une équipe de chercheurs écossais et américains vient de montrer, dans un article publié par la revue Sciencedu 26 avril, qu’il en allait de même pour les baleines à bosse.

Pour attraper leurs proies, les cétacés utilisent une technique très sophistiquée : ils plongent puis remontent en décrivant des cercles et en lâchant de grandes quantités d’air qui forment des nuages de bulles. Ainsi enfermés et poussés vers la surface par ce filet d’air, les petits poissons dont elles se nourrissent deviennent des proies faciles que les baleines engloutissent la gueule grande ouverte. Or, en 1980, «une innovation a été observée dans la façon de se nourrir d’une baleineévoluant dans le golfe du Maine» (un grand golfe de l’océan Atlantique sur la côte nord-est des États-Unis), peut-on lire dans l’article. Pour la première fois en effet, l’une d’entre elles s’est mise, avant de plonger, à frapper de grands coups dans l’eau avec sa nageoire caudale. Les scientifiques ont remarqué que cette nouvelle attitude était apparue alors que les bancs de harengs – un de leurs aliments de prédilection – s’effondraient. Les baleines se sont alors reportées sur une autre petite espèce de poisson : les lançons. «On pense que c’est pour cette raison qu’elles ont modifié leur technique, mais ce n’est qu’une supposition, on n’a aucune certitude», explique Luke Rendell, biologiste à l’université de Saint Andrews (Écosse).

Transmission culturelle

Ce qui importe pour les chercheurs, c’est surtout qu’en trente ans la baleine qui a innové a transmis sa technique à un grand nombre de ses congénères. En 2007, près de 40 % des baleines à bosse, espèce emblématique pouvant mesurer 13 ou 14 mètres, qui reviennent chaque année dans la région pour se nourrir, avaient adopté cette méthode de ­chasse. «Ce qui est remarquable dans cette étude, c’est que les chercheurs américains qui disposent d’une très longue série d’observations sur ces baleines à bosse ont pu assister année après année à l’extension de cette technique», explique Olivier Adam, chercheur en bioacoustique au centre de neuro­sciences de l’université Paris-Sud et spécialiste des baleines. L’étude montre par ailleurs que cette transmission d’un nouveau comportement concerne les baleines adultes mais qu’elle ne se fait pas entre les mères et leurs baleineaux. Une transmission culturelle qui dure depuis une trentaine d’années et sur plusieurs générations «peut être considérée comme une tradition», tout comme la transmission des chants. «Cette population de baleines à bosse doit être considérée comme porteuse de multiples traditions», expliquent les chercheurs dans leur article. «Ces études comportementales ne se faisaient pas auparavant», précise Céline Liret, directrice scientifique d’Océanopolis. Un nouveau champ de connaissances s’ouvre grâce aux nouveaux outils d’investigation. «On met beaucoup plus de moyens financiers sur l’observation», ajoute Olivier Adam. Chaque année qui passe apporte ainsi son lot de découvertes témoignant de la richesse du comportement des animaux, de leur capacité à transmettre, à s’adapter, à évoluer…

Source : lefigaro.fr (26.04.13)

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