À quelques encablures des éléphants vivant dans la forêt équatoriale qui vient mourir sur la plage, quatre baleines à bosse s’ébattent dans un langoureux ballet amoureux, devant l’estuaire menant au port de Libreville, la capitale gabonaise.
800px-Ballena_jorobada_y_ballenato_en_Bahía_Málaga.JPG

«Restez calmes et faites-leur confiance…», chuchote Arnaud Duffy, le guide, tandis que les quatre cétacés d’une trentaine de tonnes chacun enlacent lentement sa frêle embarcation. Dans un silence émerveillé, les quelques passagers privilégiés observent le spectacle.

Tout à coup, une baleine sort la tête de l’eau et dans un souffle bruyant arrose le bateau. Puis les géants s’éloignent tranquillement.

Tout sourire, Arnaud Duffy, a une fois de plus réussi son coup: imprimer un souvenir indélébile dans la mémoire des quelques visiteurs qu’il a amenés au large des côtes gabonaises. «Ça fait 25 ans que je joue avec les baleines et je ne crois pas m’en être déjà lassé», avoue-t-il.

La quarantaine burinée par le soleil et le sel, le «capitaine» aux cheveux décolorés est un contemplatif passionné, devenu au fil des années un expert autodidacte de la vie des baleines.

À une dizaine de mètres du bateau, les baleines à bosse se lancent dans une dernière danse, plongent en agitant leurs queues, puis se propulsent hors de l’eau dans un énorme fracas. Le bateau redémarre à la recherche d’un autre groupe «de filles», chaque année plus nombreuses lors de la période d’accouplement.

«Quand j’ai commencé à prendre la mer, il était vraiment rare de voir des baleines, c’était tout à fait exceptionnel. Aujourd’hui la population grandit grâce aux mesures de protection de la faune aquatique», explique Arnaud, qui reste pourtant l’un des seuls à proposer l’inoubliable balade aux touristes.

Un tourisme embryonnaire

Dans ce pays côtier d’Afrique centrale où la forêt tutoie l’océan, la nature offre tout ce qu’elle a de plus beau: buffles, éléphants, gorilles, crocodiles, baleines, panthères… Mais le tourisme y reste embryonnaire, faute notamment d’infrastructures hôtelières adaptées et en raison des tarifs des liaisons aériennes.

«Il y a vraiment des observations incroyables, il n’y a pas assez d’études pour expliquer pourquoi elles sont aussi joueuses, et pourquoi elles se laissent approcher et viennent même au bateau», explique Koumba Kombila, expert «pêche» auprès de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN), dont le programme «Gabon bleu»vise à préserver les côtes d’un pays dont l’exploitation pétrolière offshore est la principale source de revenus.

L’augmentation du nombre de baleines à bosse, il l’explique par la politique de Gabon bleu. «Cette année nous avons régulé la pêche et fait respecter les limites au niveau de la pêche», afin de préserver les zones où les cétacés viennent se reproduire, ajoute-t-il.

«Peut-être que cette quiétude vient du fait qu’il y a beaucoup moins de chalutiers», résume-t-il, affirmant que des experts se sont étonnés à plusieurs reprises de la proximité toute particulière qui existe ici entre les hommes et les cétacés.

Une touriste n’en revient toujours pas: «C’est quelque chose de spectaculaire, j’en ai encore des frissons. Franchement, on ne peut pas s’en rendre compte avant d’y avoir été», explique-t-elle d’un ton enjoué.

Derrière elle, le soleil commence doucement à se coucher, dissimulé par le ciel gris de la saison sèche qui touche à sa fin. Bientôt les baleines se feront plus rares et disparaîtront une année durant, avant de revenir – encore plus nombreuses, espère Arnaud Duffy – à la saison des amours. Source : canoe.ca  (03.09.13)

Source photo : wikimedia.org  

Loading...