De plus en plus de marsouins, cousins des dauphins, échouent sur nos plages. Comment expliquer ce phénomène ? Nous avons posé la question à un biologiste et un vétérinaire qui autopsie les cadavres à Liège.

800px-Verwesender_Schweinswal_5.JPG


Il y a une dizaine de jours, des promeneurs ont trouvé des marsouins échoués sur la plage du Coq (De Haan). Une découverte qui en a surpris plus d’un. Ces échouages ne sont pourtant pas exceptionnels à la côte belge. « Plusieurs bébés dauphins se sont échoués sur la plage au Coq. Comment cela peut-il arriver ? Je trouve cela bizarre », nous a confié Frédéric via notre page « Alertez-nous ».  Depuis trois ans, cet ouvrier communal de 29 ans s’occupe de la maintenance des toilettes et des douches publiques de cette cité balnéaire de Flandre-Occidentale. Ce sont des promeneurs allemands qui l’ont prévenu qu’il  y avait des « dauphins morts »sur le sable près de la mer. En réalité, il s’agissait de marsouins, des petits cétacés qui peuplent notamment la baie sud de la mer du Nord. Leur taille moyenne est de 1,5 mètre, tandis que le dauphin peut mesurer jusqu’à 3 mètres. Ils ont donc à peu près la même taille qu’un delphineau.

Après cette découverte fortuite, la police locale et les pompiers de Wenduine sont arrivés sur place. « Ce sont les hommes du feu qui viennent chercher les dépouilles de mammifères marins échoués », indique Thierry Van Rijswijck, responsable notamment des sauveteurs au Coq. « A l’arrivée des pompiers, l’un des deux, qui était dans un état de décomposition avancé, avait déjà disparu, emporté par les flots », assure Frédéric. Les populations de marsouins se sont déplacées vers le sud de la mer du Nord et donc en Belgique De plus en plus de marsouins échouent sur le littoral de notre pays. L’année passée fut celle de tous les records: 170 cadavres, soit un record presque mondial. La Belgique connait en effet une des densités les plus élevées au monde si on rapporte le nombre de morts par kilomètre de Côte. « Ici, au Coq, cela arrive une dizaine de fois par an », assure Thierry Van Rijswijck. Une dizaine de jours plus tôt, un autre marsouin avait d’ailleurs été retrouvé mort sur la plage, probablement tué par un phoque gris. « Ce n’est plus exceptionnel comme il y a cinq ans car les marsouins sont de retour en abondance dans cette zone de la mer du Nord. Quand le vent souffle en direction du nord, les cadavres de ces animaux marins échouent sur la côte belge », explique Francis Kerckhof, biologiste marin au département de la mer du Nord de l’Institut royal des sciences naturelles à Bruxelles. Ce département spécialisé coordonne les recherches sur les oiseaux et les mammifères marins en perdition.

On estime la population des marsouins à 350-370.000 individus sur l’ensemble de la mer du Nord, donc de la Norvège jusqu’aux côtes du nord de la France. On assiste à un déplacement de la population vers le sud. Il y a donc plus de marsouins le long des côtes belges qu’auparavant. Pourquoi ce déplacement ? Il y a beaucoup d’hypothèses et pas de preuves formelles. L’une des hypothèses est que les marsouins suivent leur nourriture, les poissons. Le marsouin est une espèce qui doit se nourrir en permanence. « S’il ne mange pas pendant trois jours, il meurt », nous apprend le vétérinaire Thierry Jauniaux qui autopsie les cadavres de marsouins à l’université de Liège afin d’établir la cause de leur mort. Qu’est-ce qui explique une mort aussi rapide en cas de disette ? Les marsouins vivent dans un environnement très froid. S’ils ne mangent pas, ils consomment leur couche de graisse. Mais avec moins de graisse, ils ont d’autant plus besoin d’énergie pour combattre le froid.
Principale cause de mortalité: les filets des pêcheurs Les marsouins échouent sur les plages de la mer du Nord pour deux raisons principales. Thierry Jauniaux indique que 40% sont morts asphyxiés dans des filets où ils ont été capturés artificiellement. Lorsqu’ils remontent leur filet, les pêcheurs rejettent les marsouins morts à la mer. Ceux-ci finissent par aboutir sur les plages. Les 40 autres pourcents des animaux morts relèvent de maladies naturelles. Même si, dit le vétérinaire, « on pense qu’une partie de ces maladies sont provoquées par la pollution ». Restent 20 pourcents dont on ne sait pas déterminer la cause. C’est le cas notamment des individus morts depuis plusieurs semaines et qui se trouvent dans un état de décomposition trop avancé. Ces autopsies s’avèrent donc très utiles pour faire avancer la recherche scientifique. « Nous recevons les résultats et nous les analysons. Ce qui nous permet de réaliser des études sur les marsouins », souligne Francis Kerckhof. Les informations collectées permettent notamment de déterminer le nombre des populations et leur évolution, ainsi que de mettre le doigt sur les problèmes auxquels ces animaux sont confrontés (pollution, pesticides, surpêche, captures, filets de pêche, etc).
Le phoque gris, un prédateur redoutableBien que pas la plus importante, une cause de mortalité des marsouins suscite l’intérêt et la curiosité des scientifiques: le phoque. Thierry Jauniaux évoque les « Dents de la mer n°5 »pour les marsouins quand il aborde ce phénomène qui n’avait jamais été décrit en Europe. « De nombreux individus sont attaqués et tués par des phoques, on a toutes les preuves », avance le vétérinaire. Il s’agit d’une espèce en particulier: le phoque gris dont le mâle adulte pèse jusqu’à 300 kilos. Ce prédateur chasse seul et est rapide. « On pense qu’ils ont développé une technique spéciale: ils viennent par en-dessous attaquer les marsouins », explique le scientifique. Soignés au SeaLife de Blankenberge Enfin, ceux qui sont par chance retrouvés vivants sont placés rapidement dans des centres d’accueil spécialisés, comme le SeaLife à Blankenberge. Là, ils sont soignés avant d’être relâchés dans la mer. Début avril, quatre phoques ont ainsi pu retrouver leur milieu naturel teinté de bleu.
Source :  rtl.be (23.04.14)  Source photo :  wikipedia.org 

 

 

Loading...