La saison d’observation commence un peu plus tard que d’habitude. Si les yeux étaient évidemment rivés, hier, à Teahupo’o, sur les meilleurs surfeurs du monde, un baleineau et sa mère ont tenté de leur voler la vedette. Prévenue de sa présence, l’association Mata Tohora se rendra aujourd’hui sur le site “pour sensibiliser les nombreux bateaux pendant la Billabong”, indique sa présidente, la biologiste Agnès Benet. Humpback_Whales_-_Flickr_-_Christopher.Michel_(40).jpg

Depuis quelques jours, il semble que la saison soit enfin lancée. Les premières baleines avaient été aperçues vers la mi-juin, elles avaient été “observées en grand nombre aux Tuamotu et à Tetiaroa, ainsi qu’à Tahiti et Moorea, mais ensuite, il n’y a eu aucune observation pendant deux semaines”, rapporte Agnès Benet. Alexandre Deliere, moniteur patenté et pilote lagonaire chez Fluid, explique que “les baleines enceintes restent le plus longtemps possible au niveau du pôle Sud pour accumuler des réserves d’énergie, puisqu’elles mangent là-bas alors qu’elles mangent très peu dans les eaux polynésiennes. Les dernières baleines qui arrivent, sont donc les mamans, qui vont mettre bas leur bébé. Et cela vient de commencer, on a déjà vu des bébés et on va en voir de plus en plus. Le club de plongée Fluid a commencé à faire des sorties baleine début août, mais seulement sur demande. On conseillait aux gens d’attendre, on leur expliquait qu’ils n’avaient que 20 % de chance de voir des baleines, mais les touristes de passage voulaient prendre le risque. À partir de maintenant, on propose des sorties baleines de manière régulière, parce que, dimanche, on en a aperçu cinq du côté de Te Maru ata, au PK 16. Ça veut dire qu’elles sont là”, témoigne Alexandre Deliere. Effectivement, beaucoup de plaisanciers ont aperçu leurs premiers couples baleine-baleineau, le week-end dernier, comme Laurent Desprats. “J’en ai vu un dimanche midi, en face de l’aéroport. Le baleineau et sa mère se dirigeaient en direction de la passe de Taapuna. Et des amis m’ont dit qu’il y en avait au moins quatre, l’après-midi, à Sapinus, alors qu’on n’en avait pas vu depuis début juillet”, raconte-t-il. Pour Franck Chasbœuf, chef du centre TopDive de Tahiti, ce début de saison est encore timide. Le club de plongée propose des sorties baleines depuis le début de la semaine dernière, et si “à chaque fois, des baleines ont pu être observées, il faut aller assez loin. Hier matin, on est allé jusqu’à Papara, on a fait quasiment 40 km sans en voir”. La saison démarre donc tout doucement, et Franck Chasbœuf se demande si ce n’est pas à cause des conditions climatiques : “À notre avis, les baleines ont traîné à arriver parce que la température de l’eau n’est pas encore assez basse. Elle tourne à 27° alors que le gros de la troupe arrive quand l’eau est à 25°-26°.” Une intuition qu’essaie justement de vérifier Agnès Benet : “Je suis en train de regarder la température des eaux de surface, pour voir si ça a un rapport, ou s’il y a eu des perturbations dans nos eaux à ce moment-là. Habituellement, on a plus d’observations début août, mais après, c’est la nature…” Respecter les règles d’observationTous s’accordent à dire que la grosse saison reste septembre-octobre. Pour profiter au mieux du spectacle, les professionnels rappellent qu’il y a des règles à respecter (voir ci-dessous). La gendarmerie nautique multiplie les patrouilles, à cette période de l’année, et l’association Mata Tohora ne cesse de faire de la prévention auprès des particuliers, en week-end comme en semaine. Passionnée par les cétacés, cette association précise qu’elle “n’encourage pas l’observation des mammifères marins en captivité, l’objectif étant d’accompagner les plaisanciers sur l’eau pour observer les baleines et les dauphins dans leur milieu naturel, sans les déranger”. Le week-end dernier, Agnès Benet et d’autres membres de l’association étaient donc sur l’eau pour “expliquer aux gens en quoi leur présence peut être dérangeante pour les baleines s’ils sont trop près, s’ils bloquent le mammifère contre le récif. On est aussi intervenus, avec d’autres bateaux, pour renvoyer deux baleines adultes vers le large, alors qu’elles se rapprochaient de la passe Taina.” Les centres de plongée sont très au fait des règles de sécurité à respecter, “ils ont été formés, avec les whale-watchers professionnels, en 2013, par la Direction de l’environnement”, indique Agnès Benet. En revanche, certains plaisanciers ignorent les bonnes manières d’approcher les baleines. “C’est pour ça que la campagne sur l’eau a vraiment son intérêt”, explique Agnès Benet, qui constate que son message “passe bien. Lorsqu’il y a un problème, c’est que souvent, au départ, il y a un manque d’informations.”

Observer les cétacés sans les mettre en danger

Depuis 2002, le whale-watching est réglementé afin de préserver et de valoriser cette activité, mais aussi de limiter les risques d’impact sur les espèces observées et de protéger les observateurs. Ces règles élémentaires sont indiquées dans un guide d’approche des mammifères marins, édité par le ministère de l’Environnement. Pour minimiser au maximum le stress de chaque animal et les effets néfastes sur les groupes et leur comportement, il est nécessaire de suivre ces onze règles : • Réduire la vitesse à 3 nœuds dans un rayon de 300 mètres autour des cétacés ; • Garder toujours le moteur en route et le mettre au point mort si l’animal se rapproche volontairement de l’embarcation ; • Interdire tout changement brusque de direction et de régime de moteur ; • Respecter les distances d’approche (50 mètres et 100 mètres en présence d’un baleineau), notamment en période de reproduction, en raison des risques que peuvent occasionner les parades amoureuses des grands cétacés pour les navires ; • Suivre une route parallèle aux animaux en déplacement ; • Ne pas dépasser les animaux en déplacement ; • Ne pas s’approcher des petits non accompagnés ; • Ne jamais séparer les membres d’un même groupe ; • Ne jamais bloquer un cétacé entre le récif ou une terre

• Ne pas encercler les animaux.

Amoureux des baleines, participez à la recherche

Pour recueillir des informations sur les mammifères marins, les scientifiques sollicitent de plus en plus l’aide des observateurs amateurs. Et les systèmes de collecte d’information s’améliorent, grâce aux nouvelles technologies. Ainsi, un organisme régional soutenu par le World Wildlife Fund (WWF) vient de lancer une application pour smartphone permettant aux observateurs de baleines et autres mammifères marins de recenser à tout moment leurs observations en mer : MObI, Marine Mammal Observers of Oceania by Internet. Mais cette application a été pensée pour la Nouvelle-Calédonie, et son adaptation en Polynésie française rencontre quelques problèmes, comme l’explique le Dr Agnès Benet, biologiste marin et présidente de l’association Mata Tohora : “Il y a un petit bug pour le moment. Ceux qui gèrent MObI ne savent pas eux-mêmes où sont stockées les données, alors que les mammifères marins sont des espèces protégées, et donc que les données doivent automatiquement être recensées au niveau du Pays, de la Direction de l’environnement (Diren).” Si vous voulez aider la recherche, il est donc conseillé, pour le moment, de transmettre vos observations à Mata Tohora, association pour la protection des mammifères marins de Polynésie. Là, ce n’est pas sur smartphone, mais sur le site Internet de l’association que les données sont transmises : “On a mis en place une carte avec un SIG (système d’information géographique) sous Google, où les gens indiquent où, quand et quels mammifères ils ont pu observer. Ces données sont envoyées à la Diren, où elles sont stockées. Et la Diren est en train de reprendre cette idée pour faire un observatoire officiel de la Polynésie française”, précise Agnès Benet. La présidente de l’association Mata Tohora explique que cela permet non seulement de faire un suivi à grande échelle, mais aussi de faire de la sensibilisation : “Ça nous permet d’avoir des statistiques pour expliquer ensuite aux amateurs combien on a de baleineaux et de dauphins cette année, de communiquer autour de ce sujet.”

Pour consulter la carte ou transmettre vos informations, il faut se rendre dans la partie “études scientifiques” du site www.matatohora.com.


Source & photos :  ladepeche.pf (19.08.14)

Source photo :  wikimedia.org

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