Nous sommes friands des boîtes de thon : pratiques et goûteuses, elles masquent pourtant des techniques de pêche particulièrement destructrices pour les ressources marines et les petits pêcheurs. Greenpeace France mène campagne pour que Petit Navire et Saupiquet soient cohérents avec leur communication rassurante sur la pêche durable.

Au niveau mondial, le marché du thon pèse un peu plus de 7 milliards d’euros. Les premiers consommateurs de thon en boîte sont les Américains, suivi des Britanniques. Les Français en sont également friands puisque près de 90 % possèdent une boîte de thon dans leur placard. Au total, chaque année, les ménages français en achètent 421 millions, soit plus de 15 boîtes par an et par ménage.

Les espèces de thon qui se retrouvent en boîte sont, dans l’ordre décroissant, le germon (Thunnus alalunga), en raison de sa chair blanche, puis l’albacore (Thunnus albacares) et le listao (Katsuwonus pelamis), qui est acheté aux pêcheurs à moins d’un dollar le kilo. Le thon mignon (Thunnus tonggol) est de plus en plus utilisé dans les conserveries et fait l’objet d’un commerce international intense. La consommation de thons et d’espèces apparentées en boîte ou en sashimi est en augmentation, indique la FAO.

En France, le thon albacore est l’espèce de thon tropical la plus consommée. C’est celle que l’on retrouve le plus souvent dans les boîtes de thon. Pratique, rapide, apprécié dans les sandwichs, la petite boîte de thon en aluminium masque pourtant une gestion catastrophique des ressources marines.

Le thon victime d’une pêche non-durable

La surcapacité des flottes thonières au niveau mondial est un fait. Deux tiers des stocks de thons sont victimes de la surpêche ou pêchés à la limite de durabilité biologique. Concernant les sept principales espèces de thon, on considère qu’un tiers des stocks sont surexploités.

Avec l’augmentation du nombre de consommateurs et l’ouverture du marché mondial, le thon en boîte a connu une demande croissante qui a même mené à une surproduction, explique la FAO. Malheureusement, les ressources halieutiques viennent à manquer : de nombreuses espèces de thon présentes dans les zones tempérées « sont d’ores et déjà surexploitées sinon épuisées. » ajoute la FAO. Et les espèces de thon vivant en milieu tropical subissent une pêche excessive, notamment le thon obèse et le thon germon que l’on retrouve bien souvent en boîte.

Le thon pourrait être exploité durablement, malheureusement une technique de pêche relativement récente représente une grave menace, pour les espèces de thon mais aussi pour les autres poissons. Il s’agit des dispositifs de concentration du poisson (DCP) qui sont dénoncés notamment par une nouvelle campagne de Greenpeace.

Dispositif de concentration de poissons (DCP) : définition

Un dispositif de concentration de poissons (DCP) est un assemblage d’objets flottants se prolongeant sous l’eau par des chaînes ou filets. De nombreuses cavités se forment et permettent aux poissons de s’abriter, de se nourrir, de se reproduire. Les petits poissons trouvant refuge dans les DCP attirent de plus gros poissons, attirant eux-mêmes les thons qui s’en approchent en bancs pour se nourrir.

Une fois que la quantité de poissons piégés par le dispositif est jugée suffisante, les thoniers se rendent sur la zone, déploient un grand filet, la senne, autour du DCP et remontent tout ce qui se trouve autour.


La pêche au thon sur DCP permet de multiplier les prises par 2, voire par 10 pour certaines espèces. Ce qui explique l’intensification de cette méthode industrielle. Ainsi, entre 1990 et 2000, les prises de thons tropicaux ont augmenté de 100%.

Cependant, elle n’est pas sans conséquences, à la fois pour les thons, les ressources marines dans leur ensemble et les pêcheurs à la ligne.

Une pêche destructrice pour les ressources marines

Tout d’abord, elle est non sélective. Elle va remonter à la surface des espèces non visées, telles que des requins, des raies ou des tortues, mais aussi des thons juvéniles qui n’ont pas encore eu le temps de se reproduire. Ces espèces non visées, que l’on appelle les prises accessoires, vont être rejetées à la mer mortes ou mourantes.

Au niveau mondial, la pêche thonière tropicale sur DCP génère 2 à 4 fois plus de rejets que la même pêche sans DCP, soit 100 000 tonnes par an. C’est autant que la quantité de thon péché… Ce gâchis colossal représente l’équivalent de 625 millions de boîtes de thon ! Résultat : aujourd’hui il ne reste plus que 35% à 55% des stocks existants avant la pêche industrielle…

Aujourd’hui, il n’y a pas de contrôle de l’usage des DCP. Les bateaux français pratiquant la pêche au thon peuvent avoir jusqu’à 150 DCP à bord. Ce chiffre peut atteindre plusieurs centaines lorsqu’il s’agit des bateaux espagnols. Ainsi, le nombre de DCP déployés par l’Espagne est estimé à 5 760 ! « Dans l’Atlantique oriental, par exemple, le problème est devenu si aigu que les flottilles industrielles (senneurs français et espagnols) mettent en place des mesures visant à limiter l’utilisation des DCP, qui s’appliqueront à elles-mêmes. » précise la FAO.

Au niveau mondial, le nombre de DCP dans l’océan est estimé à 91 000, sans aucun contrôle particulier, ni restriction. Ainsi, « les bateaux français pratiquant la pêche au thon peuvent avoir jusqu’à 150 DCP à bord. Ce chiffre peut atteindre plusieurs centaines lorsqu’il s’agit des bateaux espagnols. Ainsi, le nombre de DCP déployés par l’Espagne est estimé à 5 760 ! », note Greenpeace.

Une pêche destructrice pour les pêcheurs à la ligne

Les conséquences sont aussi dramatiques pour les communautés de pêcheurs traditionnels. En effet, les grands thoniers senneurs pêchent sans aucune distinction, et les poissons les plus jeunes sont sacrifiés. Ce n’est pas le cas des petits pêcheurs locaux qui visent que les gros poissons arrivés à maturité, grâce à des hameçons qui ne prennent pas les poissons juvéniles.

Malheureusement, les petits pêcheurs ne peuvent lutter contre les thoniers qui raflent toutes les prises et les proposent ensuite sur les marchés locaux à des prix défiant toute concurrence.

La pêche au thon sans DCP est possible

La pêche et la commercialisation du thon est un business mondialisé à la tête duquel on retrouve quatre grands groupes : FCF (Taïwan), Itochu (Japon) , Tri-Marine (USA) et Thaï Union Frozen Product (Thaïlande).

Les deux marques françaises, Petit Navire et Saupiquet, appartiennent respectivement à Thaï Union et Tri Marine. Le thon voyage énormément entre le moment où il est pêché et sa vente en boîte. Il peut être pêché dans l’océan Atlantique en Afrique de l’Ouest par un bateau coréen, mis en conserve en Côte d’Ivoire, et vendu en France.

Les bateaux de pêche français ne vendent pas l’intégralité de leur pêche aux marques françaises. Ils contribuent à environ 20% de l’approvisionnement des boîtes que l’on retrouve dans les rayons français.

« Les marques sœurs de Petit Navire en Angleterre et en Italie ont déjà pris l’engagement de s’approvisionner en thons pêchés sans DCP. Le groupe Bolton, qui possède Saupiquet à l’international, s’est également engagé dans ce sens mais l’engagement n’est pas appliqué en France, » dénonce Greenpeace France qui s’est invité chez Petit Navire et Saupiquet  pour les alerter.

L’Union européenne s’oppose à une restriction des dispositifs de concentration du poisson Fin mai 2014, à Colombo au Sri Lanka s’est tenue la conférence annuelle de la Commission des Thons de l’Océan Indien
(CTOI) , réunissant les pays impliqués dans la pêche aux thons tropicaux dans l’océan Indien. Ces pays comptent notamment la France et l’Espagne, représentées par l’Union européenne.

Si les destructions des dispositifs de concentration du poisson sont connus, aucune mesure de restriction ou d’encadrement n’a été adoptée lors de cette rencontre : les membres de la CTOI s’y sont opposés avec en tête de file l’Union européenne. Un refus qui s’explique notamment par sa volonté de défendre les intérêts de l’industrie de la pêche espagnole.

« Cette attitude est inacceptable, et elle est en contradiction complète avec les avancées de la nouvelle PCP (Politique Commune des Pêches), telles que la lutte contre les prises accessoires, la reconstitution des stocks ou la lutte contre les capacités de pêche excessives. L’Europe doit être cohérente et ne pas avoir des objectifs au rabais lorsqu’il s’agit de pêcher dans les eaux lointaines de l’océan Indien. » s’indigne François Chartier , chargé de campagne Océans chez Greenpeace.

Que pouvons-nous faire pour diminuer la pression sur le thon et les ressources marines ?

Cette pêche irresponsable n’est pas une fatalité, puisqu’il est tout à fait possible de :

– consommer moins de thon, voire s’en passer. C’est d’ailleurs une recommandation du Biodiversity Research Institute , qui met en garde contre l’accumulation de mercure dans les tissus des prédateurs marins.

– consommer du thon provenant de pêche à la ligne ou à la canne. Ces pêches plus durables sont mentionnées sur les étiquettes des boîtes, toutefois difficiles à trouver. Greenpeace propose également un guide concernant les marques de boîtes de thon vendues en France   pour s’y retrouver. Les marques « Phare d’Ekmühl » et « Système U » semblent être les plus responsables.  

– Préférer le label « Dolphin Safe » . En effet, depuis les années 1950, environ 7 millions de dauphins ont été des victimes collatérales de la pêche au thon. L’introduction de ce label dans les années 1990 aurait diminué de 98 % ce massacre.

Sources :

L’état des ressources halieutiques marines mondiales– FAO

De la surexploitation des océans  – Greenpeace France

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Source : notre-planete.info, http://www.notre-planete.info/actualites/4089-boite-thon-peche-durable


Christophe Magdelaine / notre-planete.info

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