Des signes récents de déclin et des cas inexpliqués de mortalité chez les jeunes font craindre pour les bélugas de l’estuaire du fleuve. Qu’adviendra-t-il de ces mammifères marins devenus le symbole de la lutte contre le projet de port pétrolier de Cacouna ?

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Un texte de Jean-Pierre Rogel avec la collaboration de Pier Gagné de Découverte

1) Pourquoi les bélugas du Saint-Laurent sont-ils en danger de disparition ?

C’est une petite population de moins de 1000 individus, isolée depuis au moins 7000 ans de leurs cousins bélugas de l’Arctique. Depuis novembre dernier, elle est officiellement classée comme étant « en voie de disparition » par le comité fédéral chargé d’évaluer les espèces menacées.

Cette population vit dans un environnement stressant (pollution de l’eau, forte densité de navigation, projets de développement industriel…) qui est loin d’être idéal pour des mammifères marins. Historiquement, on pense que les bélugas étaient au moins 10 000 à fréquenter l’estuaire du fleuve Saint-Laurent. Mais ils ont été intensivement chassés, et on n’a interdit la chasse qu’en 1979. Depuis, on espérait une reprise de la croissance, mais cela n’a pas été le cas.

2) Sont-ils plus en menacés aujourd’hui qu’il y a 10 ans ?

Les chercheurs ont tendance à le penser. Au cours des années 1980, ils ont prouvé que ces petites baleines blanches étaient en très mauvaise santé, ce qui était largement dû aux contaminants toxiques qui ont été déversés dans le fleuve depuis les années 1950. Les bélugas avaient notamment beaucoup de cancers.

Au cours des années 1990, la situation a semblé s’améliorer et on a observé une légère remontée des effectifs. Mais depuis le début des années 2000, les chiffres sont à la baisse, la population étant aujourd’hui estimée à 900 individus. Au cours des dernières années, les chercheurs ont observé des mortalités inexpliquées de nouveau-nés et ils ne peuvent expliquer ce phénomène, d’où leur inquiétude.
3) Peut-on rétablir cette population en danger ?

Pour chaque espèce menacée, la loi fédérale oblige à rédiger un Programme de rétablissement. Ce document identifie « ce qu’il faut faire pour arrêter ou renverser le déclin d’une espèce en péril ». Celui sur le béluga du Saint-Laurent a été publié en 2012, mais sa mise en œuvre est lente. Ce qui est certain, par contre, c’est que le rétablissement est considéré comme faisable. Deux conditions essentielles ont été remplies: il y a assez de bélugas capables de se reproduire pour maintenir ou augmenter la population, et il existe des habitats convenables pour soutenir cette population. Selon les chercheurs, c’est donc faisable et il n’est pas trop tard pour sauver le béluga du Saint-Laurent.
4) Tout projet de terminal pétrolier dans l’estuaire nuit-il à la capacité de rétablissement de la population ?

Selon les chercheurs, tout projet de développement de ce genre situé au milieu de ce qu’on appelle l’habitat essentiel du béluga – la zone où les femelles mettent bas et élèvent leurs petits – met en péril la capacité de rétablissement. C’est pourquoi le projet de terminal pétrolier à Cacouna de TransCanada Pipelines a fait l’objet de vives critiques, notamment de la Society of Marine Mammologists, un organisme qui regroupe les chercheurs internationaux en cétacés.

Par contre, un projet du même type hors de l’habitat essentiel du béluga serait plus défendable par un promoteur. Lequel aurait tout de même à prouver que le projet n’aura pas d’impact important sur les bélugas. Ce sont des contraintes de la réglementation en vigueur.
5) Que peut-on faire immédiatement pour favoriser le rétablissement des bélugas ?

Les experts que nous avons consultés suggèrent qu’on prenne des mesures pour lutter contre les impacts négatifs de la navigation commerciale. Bien que celle-ci soit en très forte augmentation sur le fleuve et sur la rivière Saguenay, peu d’efforts ont été faits en ce sens.

Il faut comprendre que les bélugas dépendent des sons pour communiquer, se déplacer et se nourrir. Exposés à des niveaux sonores supérieurs à certains seuils, ils fuient les zones bruyantes ou cessent de s’y alimenter. Certains navires sont plus bruyants que d’autres, il va de soi, mais la vitesse joue aussi un rôle. À titre d’exemple, un porte-conteneurs lancé à 15 nœuds émettra des sons pouvant atteindre 120 décibels à 6 km alentour, causant un dérangement certain aux bélugas.

Toute réduction de la vitesse des navires commerciaux à 10 nœuds dans les secteurs les plus sensibles serait bénéfique aux bélugas. Une telle réduction a récemment été proposée et acceptée par l’industrie maritime entre Tadoussac et Les Escoumins. Mais elle est établie sur une base volontaire, et seulement dans le chenal nord entre ces deux points de navigation, situés dans l’habitat essentiel du béluga.


Les bélugas du Saint-Laurent

La population de l’estuaire est celle qui vit le plus au sud. C’est un reliquat de la dernière glaciation.

Le mammifère marin habite le fleuve depuis 10 000 ans.

Il a longtemps été chassé pour sa viande, sa peau et sa graisse.

Vers 1870, on estime qu’il y en avait de 7800 à 10 000 dans le fleuve.

En 2012, Pêches et Océans Canada estimait leur nombre à 889.

Source, infos complémentaires & capture d’écran :  radio-canada.ca (15.02.15)


Actualité récente en rapport : Canada – Les bélugas moins nombreux que jamais dans le Saint-Laurent… TransCanada ne viendra pas à Cacouna… !

Plus d’infos sur l’espèce & fiche pédagogique téléchargeable :

Le béluga

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