Le fondateur de l’organisation Sea Shepherd est sous le coup d’un avis de recherche international lancé par Interpol. Rencontre.

 

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Depuis juillet dernier, l’américano-canadien vit à Paris. Marié en février dernier avec une Russe, il attend qu’elle obtienne un visa pour retourner aux Etats-Unis. La France n’a pas reconnu la notice rouge lancée par Interpol  (ou avis de recherche international en vue de son arrestation provisoire) à l’égard de celui qui a fondé l’organisation Sea Shepherd il y a près de quarante ans.

Nous l’avons rencontré sur les quais de Seine.

Pourquoi cet exil en France ?

Pour tenter d’échapper à la persécution des Japonais. A leur demande, Interpol a publié une notice rouge à mon encontre le 14 septembre 2012. Personne n’a jamais été mis sur cette liste pour « complot contre la pêche ». Aucun bien n’a été détruit, personne n’a été blessé. Ce mandat est la preuve du pouvoir économique du Japon. Pour être extradé, il faudrait que l’acte soit considéré comme illégal en France. Or, en droit français, ce dont on m’accuse n’est pas considéré comme un « crime ».

Cette histoire remonte à 2002 ?

En travaillant avec les rangers du parc national des îles Cocos, sanctuaire pour des bancs de requins situé à 550 km au large de la côte pacifique du Costa Rica, on a dérangé. Le Costa Rica est un des pays les plus corrompus au monde. De nombreuses personnalités impliquées dans la préservation de l’environnement y ont été assassinées et aucun de ces meurtres n’a été résolu. Notre plus grand crime a été de révéler cette corruption. Nous étions tombés sur un bateau qui tuait des requins, coupant leurs ailerons. Nous les avons stoppés. Quand on a accosté au Costa Rica, l’équipage a prétendu que j’avais tenté de les tuer. Nous avons montré à la Cour les images tournées pour le film Sharkwater  et les charges ont été abandonnées. Plus tard, j’ai été poursuivi pour « agression physique » et les charges ont encore été abandonnées. Je n’ai plus jamais entendu parler de cette histoire jusqu’au 13 mai 2012 lorsque j’ai été arrêté en Allemagne pour «navigation dangereuse ». Ces nouvelles charges ont succédé à une rencontre à Tokyo entre le premier ministre japonais et la présidente du Costa Rica, Laura Chinchilla. Le Costa Rica a reçu un don de 9 millions de dollars pour son parc national deux mois après mon arrestation. Le Japon veut ma peau, pas le Costa Rica.

Parce que vous vous opposez à la chasse à la baleine ?

Sea Shepherd est un opposant aux activités illégales. Si un bateau braconne, tue des baleines, pêche illégalement, notamment dans le sanctuaire de l’Antarctique, nous nous opposons à eux. En 2014, le Japon s’est fait épingler par la cour européenne de Justice de la Haye : leurs chasses à la baleine sont illégales, ce qu’on serine depuis des années. Donc j’interfère avec des activités qui ont été jugées illégales. Pourquoi devrais-je être celui qui est recherché ? Ce sont eux les criminels ! Mais Interpol me court après, et pas après le Japon. Interpol est devenu un outil utilisé par certains Etats pour jouer à de petits jeux politiques.

En mars, Sea Shepherd a œuvré contre d’autres bateaux…

Nous avons poursuivi durant 110 jours le Thunder, bateau espagnol qui naviguait sous pavillon nigérian et qui s’est sabordé début avril dans le golfe de Guinée. En Antarctique, il avait largué 72 km de filets maillants interdits et nous les avions montrés à Interpol, ce qui avait permis de lancer des perquisitions dans une société espagnole. Depuis une dizaine d’années, cette entreprise reçoit des subsides de l’Union Européenne. Sans le savoir, l’UE subventionne la pêche illégale à coup de millions d’euros à travers le monde! L’Espagne est le leader des pays les plus impliqués au monde dans la pêche illégale. Pendant longtemps, personne n’a agi. Mais depuis que nous avons initié une opération nommée Icefish (protection de la légine) , ça commence à bouger.

A quoi servent les traités de protection, alors ?

A rien. Il y a des tas de lois, de traités maritimes mais il n’y a pas de force d’intervention pour appliquer les lois, parce qu’il n’y a pas d’intérêt économique à court terme à les appliquer. Il y a beaucoup d’argent à se faire en détruisant les océans. Mais il n’y a pas d’argent à se faire en protégeant les océans. Là réside le problème.

Pour en savoir plus sur Paul Watson et sa fondation Sea Shepherd :

Son actu, ses combats sur le site internet de Sea Shepherd .

A lire :
Entretien avec un pirate.Par Lamya Essemlali (Editions Glénat). Un livre sous forme de questions-réponses sur la pollution, la surpêche, Greenpeace…

EarthForce. Manuel de l’éco-guerrier. Par Alice Ferney (Editions Actes Sud). Sur les manœuvres qui ont permis à Sea Shepherd de sauver des animaux depuis 38 ans.

Source :  leparisien.fr (21.05.15)

Source photo : wikipedia.org 

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