Réalisateur de films documentaires, l’Isérois Stéphane Granzotto plonge depuis trois ans au milieu d’un groupe identifié de cachalots, au large de l’île Maurice. Il prépare un ouvrage de photos et un film documentaire pour Arte.

 

Le cachalot est le plus grand des cétacés à dents. L’énorme tête de l’animal est distinctive. Elle représente près du tiers du cétacé et peut peser 16 tonnes. Photo Stéphane GRANZOTTO

Le cachalot est le plus grand des cétacés à dents. L’énorme tête de l’animal est distinctive. Elle représente près du tiers du cétacé et peut peser 16 tonnes. Photo Stéphane GRANZOTTO


 

Il a quitté pour quelques jours son Isère natale pour l’île Maurice. Stéphane Granzotto plonge cette semaine avec ses copains XXL : des cachalots prénommés Arthur, Eliot, Titan, Joue Blanche ou encore Miss Tautou. Ce réalisateur de films documentaires a fait leur connaissance il y a trois ans, grâce à un ami cadreur sous-marin, René Heuzé qui a notamment travaillé sur le film “Océans” de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud.

En finir avec le mythe de la baleine tueuse
« Je n’avais jamais vu une telle proximité avec ce mammifère marin », témoigne le quadragénaire qui pratique la plongée depuis plusieurs années, avec à son actif des films sur les dauphins et les requins. Piqué par la curiosité, le réalisateur s’envole pour l’Île Maurice et l’océan Indien. Là-bas, il plonge avec Hugues Vitry, guide local, seul habilité par le gouvernement mauricien à approcher d’aussi près ces cétacés. Le cinéaste, photographe à ses heures, prend ses premiers clichés. Il tombe immédiatement sous le charme de ces mastodontes qui se révèlent des êtres sociaux, pacifiques et très curieux.
« Cette espèce qui a été massacrée pendant des siècles pour son huile véhicule encore des préjugés », constate Stéphane Granzotto. La faute au mythe de la baleine tueuse qui inspira Moby Dick à Herman Melville. Il faut dire que le gabarit de l’animal impressionne. Les mâles peuvent dépasser 20 mètres de longueur et peser plus de 50 tonnes.
« Après des millions d’années d’évolution, le cachalot a une maîtrise totale de l’élément marin, s’émerveille le plongeur, intarissable sur le sujet. C’est le champion du monde de l’apnée : il peut rester jusqu’à 90 minutes sous l’eau. Il plonge à plus de 2000 mètres de profondeur pour chasser les calmars. Il nous repère grâce aux clics produits par son front et l’écholocation. On laisse toujours l’animal venir à nous. Il n’est pas rare qu’il nous frôle et soulève au dernier moment sa nageoire caudale pour nous éviter. J’en ai des frissons… »
Conscients qu’ils tiennent là un sujet rare, René Heuzé et Stéphane Granzotto font appel à François Sarano. Cet océanographe, originaire de Valence, a été le directeur scientifique du commandant Cousteau pendant 15 ans. Il constate bien vite que les cachalots forment un groupe social quasi-sédentaire, au large de l’île. Grâce aux images tournées et aux photos, il établit des fiches d’identification pour chaque cétacé, reconnaissable grâce aux scarifications et autres morsures sur la peau. À ce jour, 55 individus ont été recensés, et baptisés. Des femelles et leurs petits principalement, car les mâles, plus solitaires, partent chasser dans les eaux froides de l’Antarctique et ne reviennent que pour la reproduction.

Les cachalots ont été peu étudiés, et souvent depuis la surface »
Le groupe matriarcal devrait faire l’objet d’une thèse d’État. « Les cachalots ont été peu étudiés, et seulement depuis la surface », souligne Stéphane Granzotto. Comme dit François Sarano, « c’est comme si on étudiait l’être humain depuis un satellite ! »
De leurs côtés, les trois Français vont coréaliser un film documentaire de 90 minutes en prime time pour Arte, qui devrait être diffusé d’ici deux ans.
Dans l’immédiat, le cinéaste isérois souhaite publier en auto-édition un livre d’art compulsant ses plus beaux clichés. Plusieurs d’entre eux ont été primés, en particulier au festival de photo animalière à Montier-en-Der. Stéphane Granzotto a ainsi lancé une campagne de financement participatif sur la plateforme Ulule. « J’avais des contacts avec de gros éditeurs, mais j’aurais été contraint à leurs conditions. Là, je voulais choisir les meilleurs papiers, de l’encre végétale.» Le livre -forcément hors norme- sera édité à moins de 2000 exemplaires.
« J’espère transmettre les sensations ressenties lors de mes plongées. Et puis changer l’image de ce mammifère, le plus gros de la planète, mais aussi le plus méconnu. »

Source et photo : Le Dauphiné, 4/05/2016

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