Alors qu’ils sont la coqueluche de certains parcs d’attraction, les dauphins vivent mal leur captivité. Tandis que des associations organisent des campagnes de sensibilisation auprès du public, une équipe de scientifiques a préféré imaginer, près de Marseille, le moyen de réapprendre l’autonomie aux dauphins.

 

Plailly (Oise), reportage

À l’arrivée de l’été et du beau temps, les parcs d’attraction ouvrent leurs portes un peu partout en France. Trois d’entre eux (Parc Astérix, Planète sauvage et Marineland) en profitent pour sortir leur atout majeur : les spectacles d’animaux marins. Dauphins, orques et phoques font le show jusqu’à trois fois par jour, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Ces animaux marins sont gardés dans des bassins au nom de la protection et la conservation des espèces menacées dans leur milieu naturel (pollution des milieux aquatiques, pêche industrielle, nuisances sonores).

Selon l’ONG Ifaw (Fonds international pour la protection des animaux), ces dangers sont les causes les plus communes de l’échouage des mammifères marins. Dans certains pays, comme le Japon, la chasse aux dauphins est devenue un véritable fonds de commerce. Des hommes piègent les dauphins dans une baie afin de les capturer et de les revendre. Ils sont essentiellement achetés par les delphinariums, qui pourtant revendiquent de protéger les dauphins.

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Le massacre de la baie de Taiji, révélé par le documentaire oscarisé en 2010 The Cove, la baie de la honte a réveillé quelques consciences. Le 7 mai 2016, une journée internationale d’action« Empty the Tanks » vider les bassins ») a tenté d’alerter sur cette situation. En France, une vingtaine de personnes se sont retrouvées ce jour-là devant le Parc Asterix, à Plailly, dans l’Oise, afin de manifester leur mécontentement et de sensibiliser les visiteurs au mal être des dauphins afin qu’ils n’aillent plus voir le spectacle. Organisée par l’association C’est assez, et accompagnée par Réseau cétacés, la manifestation a commencé à l’approche des premiers visiteurs. Au bord de la route, quelques manifestants ont distribué le DVD du documentaire The Cove.

Les voir en liberté

Alors que certains ont refusé catégoriquement le DVD, d’autres, curieux, ont baissé leurs fenêtres afin d’attraper l’objet. Les manifestants criaient quelques slogans à l’approche de voitures : « La captivité tue, n’allez pas voir les dauphins » ou « Les dauphins ne sont pas des machines à business ! ».

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Marion Racle, coordinatrice bénévole de C’est assez Ile-de-France, explique : « Notre objectif est de travailler avec le Parc Astérix pour stopper ce business. Le 7 juin, on va rencontrer le directeur dans les locaux du parc ainsi que les soigneurs et les scientifiques. On va pouvoir regarder le taux de chlore, la nourriture des dauphins, leur état, les compter… Et on voudrait discuter avec lui de la réhabilitation des dauphins dans une baie spécialisée sur laquelle nous travaillons, pour les remettre en liberté. »

L’association a d’autres projets : « On va travailler à des programmes pédagogiques pour sensibiliser les enfants. C’est chouette de voir les dauphins mais il y a des spots en France où il est possible de les voir en liberté. Dans un bassin, ce n’est pas le meilleur endroit pour eux : les anxiolytiques, les soins à vif, le chlore, les bagarres, la promiscuité, la nourriture… » Elle tente également d’agir au niveau législatif : « La loi française n’impose pas la fermeture des delphinariums mais on voudrait que soit pris un arrêté empêchant de nouvelles constructions. »

L’idée du Delphinovore

Le scientifique Guy Imbert est, lui, porteur d’un autre projet, celui du Delphinorove auquel n’adhèrent pas le Réseau-Cétacés et C’est Assez ! Il s’agit du Delphinorove. « Partout, des gens demandent la fermeture des delphinariums, et manifestent. C’est bien beau de manifester mais il faut trouver des solutions », dit-il. Mené par une quinzaine de personnes, le projet du Delphinorove vise la remise en liberté des dauphins captifs. « On dit souvent qu’un dauphin né en captivité ne sera jamais capable de revivre dans son milieu naturel mais cela n’a jamais été prouvé. »

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L’idée du Delphinorove est de réinsérer les dauphins captifs dans le canal du Rove, inutilisé depuis des années, et qui relie l’étang de Berre à la Méditerranée. Plusieurs dauphins y seront intégrés afin de recréer un groupe à l’image de ceux qui vivent dans le milieu naturel. Scientifiques et soigneurs, installés sur un bateau, apprendront aux dauphins à le suivre ; ils leur procureront la nourriture nécessaire jusqu’à ce que les mammifères marins s’approprient l’espace. Une fois le groupe soudé, les dauphins pourront être relâchés en mer, dans une aire protégée du golfe du Lion, puis habitués à se passer du bateau, jusqu’à retrouver une vie sauvage.

La réalisation de ce projet dépend du dégagement du canal. « À plusieurs reprises, des dauphins ont été retirés de leur delphinarium, mais comme nous n’étions pas prêts, ils sont partis dans d’autres delphinariums. » Ce fut le cas pour celui de Rimini, en Italie, en 2014. Les autorités, après avoir découvert les mauvaises conditions de vie des dauphins, ont fait fermer le parc. Les dauphins captifs n’ont pas pu être libérés et sont partis vers un autre bassin, à Gênes. « Lorsque ce n’est pas l’établissement qui est en cause, il se peut que les lois interdisent les spectacles d’animaux sauvages, comme c’est le cas pour les cirques en Catalogne. Appliquée aux dauphins, cette loi pourrait autoriser les parcs à garder les animaux mais pas la mise en place de spectacles. Les dauphins n’étant pas assez rentables, les parcs voudraient alors s’en débarrasser », dit M. Imbert, qui se fera un plaisir de les accueillir dans le canal du Rove.

 

Source : Reporterre, Isaline Bernard, 06.06.2016

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