Le décret a été publié dans le cadre de la loi biodiversité. L’article 106 a ainsi acté le principe d’une obligation d’équipement des navires de plus de 24 mètres battant pavillon français d’un dispositif de partage des positions avec les cétacés dans les aires marines protégées Pelagos, en Méditerranée, et Agoa, dans les Antilles françaises. Ce décret s’applique aussi bien aux navires d’État (hors armée) et aux navires marchands qu’aux navires de transport de passagers.

Des compagnies conscientes des enjeux

Sur le trafic passager Corse-Continent, la compagnie Méridionale a été pionnière en la matière en équipant ses bateaux de dispositifs anticollisions il y a déjà une dizaine d’années. Les autres se sont mises au diapason avec l’entrée en vigueur du décret.

Même la Corsica Ferries, qui ne bat pas pavillon français et qui n’est donc pas soumise à l’obligation légale, a décidé de s’équiper d’un système embarqué de repérage des cétacés sur quatre de ses bateaux. ‘L’installation est en cours, précise la chargée de communication Sophie Ferger, une partie de l’équipage sera formée à l’utilisation du dispositif de repérage pour que, dès cet été, des essais grandeur nature soient réalisés.’

Consciente des enjeux de préservation du patrimoine biologique méditerranéen, la compagnie apporte également depuis 10 ans un soutien opérationnel aux études menées sur la présence des cétacés dans le sanctuaire Pelagos en nouant des partenariats avec les scientifiques pour des opérations d’observation et de suivi des cétacés depuis ses navires.

Corsica Ferries a décidé de franchir aujourd’hui une étape supplémentaire en équipant quatre navires dès cet été du logiciel Repcet. Si le bilan des premiers essais est satisfaisant, nous équiperons progressivement le reste de la flotte’, a assuré Pierre Mattei, président du directoire Lota Maritime-Corsica Ferries.

Sanctuaire Pelagos : des risques plus élevés

Une initiative saluée par WWF France, qui s’est particulièrement impliquée sur ce dossier anti-collision auprès du précédent gouvernement. L’association a d’ailleurs pesé de tout son poids afin que cette nouvelle obligation soit inscrite dans la loi biodiversité.

Et pour cause. Les aires marines sont aujourd’hui particulièrement vulnérables car elles abritent une forte concentration de cétacés. Le sanctuaire marin international pour la protection des cétacés en Méditerranée (Pelagos), qui englobe la Corse, recouvre la zone de plus forte densité de mammifères marins en Méditerranée occidentale.

La collision avec les navires est ainsi la première cause de mort non naturelle chez les cétacés. ‘Nous avons pu reconstituer les itinéraires des navires dans le périmètre Pelagos, sur un an, cela représente 450 fois le tour de la Terre. Cette fréquentation, notamment le fort trafic entre les îles Corse et Sardaigne, dans une aire où il y a une concentration de cétacés importante, a forcément un impact négatif, avec des risques de collision trois fois plus élevés qu’ailleurs en Méditerranée. On estime ainsi à plus de 3 000 par an la probabilité où un cétacé se retrouve dans un même périmètre de 50 mètres avec un bateau, c’est-à-dire dans une situation de collision’, indique Denis Ody, responsable océans et côte à WWF France.

Et de préciser que les cétacés, dans ce type de situation, esquivent le risque la plupart du temps, ‘mais parfois ils se loupent’. Les gros cétacés sont les premières victimes, assure Cathy Cesarini, cétologue et membre du réseau national échouage en Corse. Les raisons sont multiples. ‘On pense que les baleines dorment profondément à la surface de l’eau pour respirer, elles sont moins actives que les dauphins, dont un des deux hémisphères cérébraux reste en éveil même pendant le sommeil. On retrouve parmi les victimes aussi les jeunes cétacés qui n’ont pas encore atteint la maturité.’

Deux espèces sont plus particulièrement concernées : le rorqual commun et le cachalot. Ces ‘loupés’, où le cétacé n’arrive pas à éviter la collision, sont estimés dans une large fourchette entre 8 et 40 par an. ‘Ce n’est pas anodin quand on connaît le faible taux de reproduction de ces espèces’, indique Denis Ody.

L’équipement des navires de systèmes anti-collision est ainsi une mesure indispensable dans le sanctuaire Pelagos.

Mais encore insuffisante selon WWF, ‘quand on sait que les bateaux italiens représentent le plus gros du trafic’. L’objectif est donc aujourd’hui de convaincre les compagnies italiennes de suivre l’exemple de la Corsica Ferries, ‘si on arrive à associer les deux principaux pays concernés par le périmètre du sanctuaire Pelagos on aura déjà réglé la moitié du problème’.

 

Source : corsematin.com (16.07.17)

Photo : wikipedia.org

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