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Un mystère de taille : le secret de la formation des fanons enfin élucidé !

Qu’est-ce qui attend un diplômé dont le mémoire de maîtrise a élucidé une énigme biochimique qui a confondu des générations de zoologistes ?

Cette question, Lawrence Szewciw, 28 ans, a dû se la poser récemment lorsque lui et ses professeurs de l’Université de Guelph ont identifié le processus physiologique qui permet à certaines baleines de transformer les poils de leur mâchoire en lamelles incurvées.

À l’origine carnivores, les baleines naissaient avec des dents. Or, il y a 30 à 40 millions d’années, certaines espèces de ces cétacés ont adopté une nouvelle stratégie alimentaire. Ils aspirent quelques 68 000 litres d’eau – assez pour remplir un autobus – remplis de krill, de mollusques et crustacés, de sardines et d’autres petits aliments qu’ils filtrent grâce à des lamelles fibreuses, appelées fanons, agissant comme un genre de peigne biologique. Implantées sur leur maxillaire supérieur, les fanons sont composés de kératine alpha, un constituant principal des poils, des plumes, de la laine, des griffes, des sabots et des cornes.

Le jeune diplômé indique que le mystère biophysique de la formation des fanons avait été soulevé par Douglas Fudge, son directeur de recherche, dans sa propre thèse de doctorat.

« Selon la croyance populaire, l’air causait le durcissement de la kératine », explique ce dernier. Mais, il n’y a manifestement pas beaucoup d’air dans la bouche remplie d’eau d’une baleine.

Alors qu’il contemplait ce phénomène, Szewciw a observé de grandes quantités de sels de calcium dans les tissus des baleines. Se demandant à quoi ils pouvaient bien servir, il a utilisé diverses technologies d’imagerie afin de trouver un lien entre la kératine et la présence de sels. Après avoir examiné les cellules des fanons au microscope électronique en transmission et au microscope optique, Szewciw et Fudge ont découvert que les sels de calcium renforçaient la kératine et la transformaient en matière plus rigide. Si l’on retire le calcium des fanons de baleine, le peigne biologique perd environ la moitié de sa rigidité.
  Suite à cette découverte, les deux chercheurs ont fait appel à la physicienne Diane de Kerckhove de l’Université de Guelph pour les aider à élucider une autre énigme. Pourquoi observe-t-on des différentes quantités de sels de calcium d’une espèce à l’autre ?

De Kerckhove a effectué une analyse de l’émission de rayons X chez trois espèces de baleines. Elle a établi un lien entre la rigidité nécessaire aux fanons de chaque espèce et la concentration et la distribution des sels de calcium dans les tissus des baleines.

Le rorqual boréal, par exemple, qui se nourrit de minuscule plancton, a besoin de plus de calcium étant donné que ses fanons doivent être plus fins et plus rigides que ceux des baleines dont l’alimentation se compose de plus grosses proies.

Bien que leurs recherches portent sur la biologie fondamentale, les deux scientifiques estiment que leur découverte pourrait nous aider à prévoir comment les changements futurs dans la chimie de la mer, telle une acidité accrue, pourraient modifier la composition de la bouche de la baleine. Par exemple, la perte éventuelle chez le mammifère marin de la capacité à produire les lamelles fibreuses essentielles à sa bonne alimentation.

La découverte des deux chercheurs a été publiée dans des revues scientifiques majeures et des articles sur le sujet sont apparus sur les sites Web portant sur les baleines partout au monde. Pour sa part, Szewciw a entrepris la mise à jour de l’information sur les fanons de baleine sur Wikipedia, ce qui lui a permis de partager sa découverte avec le grand public.
Source :  innovationcanada.ca   (06.10.10)

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