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Ric O’Barry, entraîneur de « Flipper » : « N’achetez plus de billets ! »

Il a dressé «Flipper» puis est devenu un inlassable militant anticaptivité. Ric O’Barry demande aux Suisses de ne plus se rendre dans le seul delphinarium du pays.  Les dauphins «Shadow» et «Chelmers» ont-ils été empoisonnés ? Une nouvelle piste était évoquée hier : l’implication possible d’un médicament chinois. Mais l’enquête se poursuit autour des mystérieux décès survenus en six jours à Connyland, à Lipperswil (TG), le seul delphinarium du pays. Avec, en marge, un débat politique qui prend de l’ampleur : la Suisse doit-elle interdire l’importation de cétacés et condamner le parc aquatique, comme l’exige la conseillère nationale Brigitta Gadient (PBD/GR) ? « Evidemment ! » tranche l’Américain Ric O’Barry, 72 ans. O’Barry ? Il a été l’entraîneur du célèbre «Flipper» le dauphin, dans les années 1960. Puis est devenu le plus acharné des militants pour la fermeture des delphinariums. Il nous a répondu hier par téléphone.

Ric O’Barry, deux dauphins viennent de mourir mystérieusement en Suisse. Vous êtes au courant ?

Bien sûr. Et, pour Connyland, ça fait maintenant huit morts en trois ans. C’est énorme.

Le débat politique est lancé en Suisse : faut-il interdire les importations de cétacés ? Et fermer le delphinarium ?

Je suis d’abord sidéré qu’il existe encore un delphinarium dans un pays aussi avancé et intelligent que le vôtre. Mais voilà ce que je veux dire aux Suisses : ça ne dépend que de vous. Si vous achetez de l’ivoire, vous êtes responsable de ce qui arrive aux éléphants. Si vous allez au delphinarium, vous êtes responsable de la souffrance des dauphins. Alors s’il vous plaît, n’achetez plus de billets pour Connyland.

En clair, vous voulez un boycott.

C’est un appel à la responsabilité. Et je ne veux pas la mort du parc mais la fin du spectacle avec les dauphins. A Connyland de le remplacer par des attractions non cruelles.

Si vous n’aviez droit qu’à un argument pour dénoncer la captivité des dauphins, lequel choisiriez-vous ?

Je dirais de regarder ce qui se passe au Japon, de voir le documentaire auquel j’ai participé, «The Cove» (ndlr: «La baie de la honte» en français). Chaque année, des milliers de dauphins sont capturés et beaucoup massacrés, tout ça pour en vendre quelques-uns aux delphinariums. Qui prétendent participer à la conservation des espèces : un énorme mensonge ! C’est une industrie qui tue. Ces parcs ne sont qu’un business basé sur la souffrance. On ne parle ici que d’argent, rien d’autre.

Vous plaidez pour les dauphins: mais alors pourquoi accepter qu’il existe d’autres espèces dans les zoos ?

Je ne peux parler que de ce que je connais, mais il existe de multiples spécificités propres aux dauphins. D’abord, dans un zoo, un zèbre, un lion ou un éléphant n’a pas à donner un spectacle pour être nourri. Un dauphin si ! Ensuite, les dauphins ont au moins deux caractéristiques primordiales. Leur incroyable sensibilité aux sons et les relations familiales ou «amicales» complexes qu’ils nouent en liberté. La captivité les prive de ces relations, les bruits les exposent à un stress massif.

Le dauphin serait donc une exception ?

Je ne sais pas, mais voici un autre exemple : allez dans un vivarium admirer un serpent. Il a un environnement, de l’herbe, des branches, des pierres pour se cacher des visiteurs. Maintenant mettez un masque et plongez votre tête dans le bassin de Connyland. Vous verrez une boîte, blanche, vide, triste. Les serpents sont mieux traités que les dauphins.

Vous avez entraîné et même capturé des dauphins pour la série «Flipper». Quand avez-vous changé de camp ?

En 1970, quand «Kathy», un des dauphins qui incarnait «Flipper», est morte dans mes bras. Elle s’est laissée mourir. Je l’ai raconté tant de fois qu’on me reproche aujourd’hui encore de faire de l’argent avec «Flipper»… C’est faux : j’étais un simple salarié. Si je voulais m’enrichir, j’ouvrirais un delphinarium aux Bahamas et je gagnerais 5 millions de dollars par année.

Reste que depuis «Flipper», les delphinariums se sont popularisés. Comment le vivez-vous ?

La série a fait connaître les dauphins au grand public et a suscité une sympathie. Mais il faut être clair et honnête: «Flipper» a purement et simplement engendré l’industrie qui exploite les dauphins. «Flipper» a créé les delphinariums, «Flipper» a créé Connyland. Et j’y ai participé.

Vous sentez-vous coupable ?

J’ai longtemps été dans cet état d’esprit. La culpabilité a même été mon moteur, la première raison de mon engagement. Mais maintenant je regarde en arrière, je regarde mes cinquante ans consacrés aux dauphins et je suis plus paisible. Je n’ai plus de culpabilité : si je n’avais pas participé à l’émission, je n’aurais pas eu les armes pour lutter contre cette industrie qui s’engraisse sur le dos des dauphins.
  

  O’Barry en 2 dates-clés

1970
A Miami, Ric O’Barry travaille pour la célèbre série TV «Flipper le dauphin». Il a dressé les cinq cétacés qui incarnent «Flipper». L’un d’eux meurt. «Il s’est suicidé, il a volontairement cessé de respirer», dira-t-il. Il fonde le Dolphin Project, contre les détentions de dauphins. Et consacrera sa vie à lutter contre les delphinariums.

2009
Sortie du film «The Cove», qui suit O’Barry dans une baie japonaise. Des milliers de dauphins y sont massacrés, une poignée capturés pour être vendus aux parcs aquatiques. Oscar du meilleur documentaire.

Source :  lematin.ch   (16.11.11) Actualité précédente en rapport :  Suisse – Affaire Connyland : rave-party, dauphins morts et politique…    Mort de dauphins : l’enquête contre Connyland pourrait être rouverte…    

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