Réseau-Cétacés s’est récemment associé à Yvon Godefroid, fondateur du site « Dauphin Libre« , à la Dolphin Connection et à Connaissance & Protection de la Nature du Brabant, en co-signant la lettre ouverte ci-dessous destinée aux autorités compétentes et à la presse belge.
Flo aurait eu 14 ans le 18 juillet prochain. Elle naquit dans le bassin même où elle décéda, sans jamais avoir ressenti la caresse directe du soleil, de la pluie ou du vent sur sa peau, sans jamais avoir su ce qu’était la mer, les vagues, les algues, les rochers, les coquillages ou les poissons vivants, et sans jamais avoir eu la moindre chance de connaître un jour la liberté (1).
Selon le communiqué du delphinarium, Flo serait morte des conséquences d’une infection dentaire, alors qu’il semblerait qu’elle ait plutôt été victime d’une surdose d’antibiotiques. Récemment, deux autres dauphins sont morts pour la même raison au Connyland en Suisse. Une enquête est en cours pour faire toute la lumière sur les circonstances de ces décès, trop fréquents chez les dauphins captifs. (2)
En Belgique, il n’en a rien été. Malgré le fait que depuis son ouverture en 1971, le delphinarium ait officiellement perdu 18 dauphins et transféré 6 autres en Italie, en France, en Espagne et au Portugal, dont 2 sont morts, malgré la mise en place d’une première commission d’enquête parlementaire (3) et le dépôt d’une proposition de résolution en juin 2005 relative à l’interdiction de toute nouvelle implantation de delphinariums sur le territoire belge et au suivi médical et scientifique du delphinarium de Bruges (4), malgré un rapport accablant relatif à la détention d’animaux sauvages dans un environnement zoologique en Belgique rédigé pour ENDCAP par la Fondation Born Free (5), malgré une évaluation non moins critique de la détention des cétacés en Union européenne menée par Born Free et la WDCS (6), le SPF Santé publique (7) n’a pas bronché à l’annonce de ce 20ième décès. Les 2 rapports des 3 ONG cités plus haut ont pour leur part fait l’objet d’une fin de non-recevoir aussi expéditive qu’inexplicable par les mêmes services fédéraux et leur Ministre de tutelle, fin 2011. (8)
Il serait bon pourtant que l’on s’interroge enfin sur la pertinence de la présence d’un delphinarium en Belgique ainsi que sur l’avenir des six dauphins survivants au Boudewijn Sea Park de Bruges. (9).
Au vu du décès inopiné de Flo, de la mort de Milo en 2008, des menaces qui pèsent sur la vie du jeune Océan et de la fin prochaine de la vieille Puck, il semble clairement qu’il y ait urgence et qu’une enquête devrait être diligentée, tant pour vérifier les conditions de suivi sanitaire par le vétérinaire référent du parc que pour analyser la politique global du Boudewijn Sea Park en matière de « conservation de l’espèce». On le sait : ce delphinarium s’acharne à faire naître des dauphins qui meurent généralement au moment de l’adolescence ou avant l’accouchement. Il n’hésite pas non plus, lorsqu’il s’agit de dégager de l’espace, à expédier ses surplus vers des établissements non-conformes aux normes belges (10). Entre autres exemples, Linda (capturée en mer) et son fils Mateo sont détenus aujourd’hui à Gènes dans un bassin métallique où ils ne sont plus que 2. Leur isolement contrevient d’évidence aux règles imposant un minimum de 3 à 5 dauphins par bassin, chiffre qui correspond peu ou prou à celui d’une cellule familiale en milieu naturel.
Rappelons que depuis 2002, le Boudewijn Sea Park est géré par l’entreprise espagnole Aspro Ocio. (11) Cette multinationale, qui se proclame elle-même « leader du marché du loisir », détient une quarantaine de parcs marins ou zoologiques ainsi que divers centres d’attractions disséminés dans toute l’Europe, dont une « Sioux City» située aux Canaries. En tant que succursale de ce groupe sponsorisé par Pepsi et Nestlé, le Boudewijn Seapark peut-il raisonnablement être qualifié de « zoo » ? Ses objectifs sont-ils réellement de faire découvrir aux enfants les prodigieuses cultures des cétacés et de protéger une espèce classée sur la liste rouge de l’IUCN comme étant « peu menacée», en sachant par ailleurs qu’aucun dauphin de Bruges n’a jamais été remis en mer pour renforcer les populations sauvages ?
A cet égard, soulignons que si 13 États membres de l’Union Européenne, dont la Belgique, possèdent encore un ou plusieurs delphinariums, 14 autres États, à savoir l’Autriche, Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, le Luxembourg, la Pologne, la République d’Irlande, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et le Royaume-Uni, ont fait le choix d’y renoncer, ceci pour des raisons éthiques étayées par les récentes découvertes sur l’intelligence, le langage et la vie sociale de ces mammifères marins. Selon la cétologue de réputation internationale, le Dr Lori Marino, ceux-ci sont en effet bien trop évolués que pour supporter la vie captive. (12) Quant à la Grèce, qui n’a pas habilement transformé (et protégé) son delphinarium en zoo par la magie d’une loi, elle ne peut plus exhiber ses 11 dauphins de cirque d’Attika en vertu d’une récente législation.
Il est donc plus que temps que la Belgique dénonce enfin cette pratique inutile, obsolète, cruelle et destructrice que constituent les delphinariums. * Inutile, car sur le plan scientifique autant que sur celui de la conservation des espèces, les delphinariums sont largement disqualifiés depuis les années 70, du fait de la dégénérescence physique et mentale des spécimens qu’ils enferment, de l’impossibilité de remettre en liberté les individus nés captifs et du problème moral que pose la captivité. (13). La seule bonne manière d’aider les cétacés, c’est de les observer et de les protéger dans leur milieu naturel. C’est ce que font aujourd’hui tous les scientifiques sérieux. (14)
* Obsolète, car au niveau pédagogique, les delphinariums ne montrent aux enfants qu’une image humiliante de dauphins clowns et ne leur apprennent rien sur la culture, le langage, les modes de chasse ou la vie sociale de ces mammifères marins. Il existe désormais assez reportages et de voyages peu coûteux (les dauphins libres vivent partout le long des côtes européennes, y compris en Belgique !) que pour nous dispenser de ces prisons aquatiques.
* Cruelle, car aucun bassin nu ne remplacera l’océan pour ces créatures faites pour les grands espaces, les plongées profondes et la vie sociale. Le stress qu’ils y subissent constitue un facteur de morbidité bien connu des spécialistes indépendants de l’industrie du cétacé captif (14) mais également des scientifiques liés aux delphinariums (15).
* Destructriceau niveau environnemental, car les naissances en bassin ne tiennent pas leurs promesses : afin d’alimenter les nouveaux bassins qui s’ouvrent sans cesse dans le monde, des captures incessantes de jeunes femelles et de leur bébé ont lieu ou auront lieu dans tous les océans et provoquent à terme l’épuisement génétique et la disparition progressive des populations de cétacés. Ces captures ont toujours lieu dans le contexte d’une sauvagerie inouïe et parfois même sanglante, comme à Taiji, Japon. Quant aux nés captifs, ils semblent incapables de survivre au-delà d’une quinzaine d’années (le temps de vie moyen d’un dauphin libre est de 40 ans) et se reproduisent rarement entre eux. Un « fondateur» mâle, capturé en mer, s’avère encore nécessaire pour obtenir des naissances trop souvent couronnées par des avortements. (16)
Maintenir un « cirque aquatique» de ce genre en activité est une façon de cautionner cette pratique insensée, non seulement en Europe mais dans le reste du monde. En légiférant contre toute forme de captivité pour les cétacés, la Belgique encouragerait les autres nations à faire de même et à comprendre une fois pour toutes que les dauphins sont des créatures hautement intelligentes dotées de cultures propres qui sont faites pour nager en mer libre, et non dans une fosse en béton remplie d’eau chlorée. (17)
A cette fin, nous demandons aux autorités fédérales responsables qu’elles :* déterminent de quelle façon la fermeture du delphinarium de Bruges pourrait être menée à bien dans des délais raisonnables.
* fassent interrompre immédiatement le programme de reproduction.
* définissent les mesures à prendre pour que les dauphins actuellement détenus puissent à terme bénéficier d’un accueil décent dans une baie marine close en Croatie, Roumanie, Chypre, ou tout autre pays d’Europe opposé à la captivité et susceptible d’en prendre soin.
Yvon Godefroid
Membre du « Cetacean Freedom Network» depuis 1998
Délégué de La Dolphin Connection en Belgique
dauphinlibre.be La Dolphin Connection
ladolphinconnection.com Réseau-Cétacés
reseaucetaces.fr
Connaissance & Protection de la Nature du Brabant
cpnbrabant.eu Liens : (1) http://www.dauphinlibre.be/flo-le-dauphin-meurt-au-boudewijn-seapark-de-bruges.htm (2) http://www.tdg.ch/suisse/faits-divers/Les-deux-dauphins-sont-morts-a-cause-dantibiotiques/story/26633075 (3) http://www.dauphinlibre.be/giet.htm (4) http://www.lachambre.be/FLWB/pdf/51/1430/51K1430003.pdf (5) http://www.bornfree.org.uk/zooreports/Belgium-Fr/pages/BFF_EZR_BELGIUM_SML_FINAL_.pdf (6) http://www.ladolphinconnection.com/Rapport_WDCS_Delphinariums_UE.pdf (7) http://www.health.belgium.be/eportal/index.htm (8) http://www.dauphinlibre.be/zoos-en-belgique.htm (9) http://www.dauphinlibre.be/dauphinsbruges.htm (10) http://reflex.raadvst-consetat.be/reflex/pdf/Mbbs/1999/08/19/63330.pdf (11) http://www.aspro-ocio.es/index.php (12) http://www.dauphinlibre.be/dauphins-trop-intelligents-que-pour-rester-captifs.htm (13) http://www.plosone.org/article/info:doi/10.1371/journal.pone.0024121 (14) http://www.wilddolphinproject.org/ (15) http://onlinelibrary.wiley.com/maintenance/ (16) http://www.dauphinlibre.be/breeding.htm (17) http://www.blog-les-dauphins.com/conference-helsinki-declaration-de-droits-pour-les-cetaces-baleines-et-dauphins/