Réseau-Cétacés

Des cétacés sur le sable…

À intervalles réguliers, des baleines viennent achever leur existence sur le littoral corse. La découverte de leur cadavre est le fait de promeneurs le plus souvent. Le relais est ensuite passé aux membres du réseau national d’échouage, puis au centre de recherche de La Rochelle. Les cétacés meurent tandis que la science avance.
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Parfois, les baleines s’égarent et viennent mourir sur la terre ferme, le long du littoral de Corse. En règle générale, ce sont des promeneurs qui découvrent les cétacés sans vie, comme à la mi-mars, sur la plage de Ventiseri, à deux kilomètres de l’embouchure du Travu.

Cette fois, la victime est une baleine Cuvier aussi appelée « baleine à bec d’oie ». Elle mesure 5 mètres et pèse près de deux tonnes. Elle est la troisième, en l’espace d’une année, à terminer sa course sur les rivages de la plaine orientale dans un espace compris entre Aleria, Casabianda et Travu. La liste des malheureux est longue. Elle inclut une majorité de rorquals communs. Les échouages se répètent à intervalles réguliers. En janvier 2012, le cadavre d’une congénère est repéré sur la plage de la Tonnara, dans l’extrême Sud de l’île. En juin 2011, un autre drame se joue pour une baleine dans l’anse de Murtoli. Des cétacés de la même famille, après avoir couru la Méditerranée ou les océans, connaîtront une triste fin sur la plage du Caruchettu à L’Île-Rousse, à Portigliolo sur la rive sud du golfe d’Ajaccio, du côté de la pointe de la Revelatta, aux Île Sanguinaires, ou sur le sable de Moriani. La plupart finiront dans les locaux d’une entreprise d’équarrissage.

Les plus gros spécimens seront rendus à la Méditerranée, à l’aide de grues et de treuils, après avoir été lestés de corps-morts de plusieurs tonnes, à l’écart des voies de navigation. Auparavant, tous les mammifères feront l’objet de prélèvements d’organes et de tissus grâce à la mobilisation des membres du Réseau national d’échouage. Le protocole appliqué à ce stade est classique. Il doit permettre de rendre compte de « l’état sanitaire de l’animal, d’étudier les paramètres démographiques tels que l’âge et l’état reproducteur. »

Une fiche d’échouage à remplir

D’un point de vue écologique, l’accent est placé sur « le régime alimentaire des populations concernées. Ce qui s’avère être très utile afin de déterminer la place occupée par ces espèces dans les écosystèmes marins et d’évaluer leur interaction biologique avec la pêche par exemple. » Le dispositif mis en œuvre fait appel à des correspondants locaux, à l’image de Cathy Cesarini, installée à Corte. C’est elle qui se livrera aux premiers examens de la baleine à bec d’oie. Sa tâche consiste aussi à remplir la fiche d’échouage. Sur le document figurent « des informations de base comme l’espèce concernée, le sexe, la taille, l’état. La date et le lieu de la découverte sont mentionnés de façon systématique », indique-t-on au sein du Réseau. Les chercheurs prennent d’autres thématiques au sérieux, comme l’embonpoint de l’animal, différents indices concernant les raisons du décès. Les notes ainsi collectées seront ensuite transférées au Centre de recherche sur les mammifères marins (CRMM) à La Rochelle. Le passage de relais coïncide avec l’enregistrement et le classement des observations de terrain. L’intérêt de la démarche est « d’obtenir une série de données de qualité, comparables sur le long terme », explique-t-on. Au final, les baleines corses, comme leurs homologues échouées sur les rivages continentaux, joueront un rôle décisif dans les pages de la « Synthèse annuelle des échouages sur le littoral français remise au ministère chargé de l’Environnement et à l’ensemble des correspondants du Réseau », poursuit-on. Il y a des leçons à tirer de chaque accident. Les cétacés ne se sont pas échoués pour rien. Ils ont été des facteurs d’accélération du processus de connaissance. Sur l’espèce et sur les menaces qui pèsent sur elle. Très souvent, c’est la maladie qui serait à l’origine du trépas. Les catégories d’âge situées aux extrémités de la pyramide démographique sont plus vulnérables que les autres. On meurt de vieillesse dans les profondeurs de la Grande Bleue. Mais la tension pèse aussi sur les individus jeunes. Et la solitude post-sevrage risque d’être fatale pour certains d’entre eux. Comme l’excès d’audace. Gare à ceux qui s’aventurent en eaux peu profondes.

Le sable et les pentes légères

D’autres périls guettent les cétacés, comme les épisodes météorologiques extrêmes assortis de houle et de bourrasques, la férocité des prédateurs tels que les requins et les orques. Les terreurs des mers prennent un malin plaisir à poursuivre leur proie, à l’acculer sur la zone côtière. Le risque d’échouage s’accroît. Les sonars militaires et autres sources comparables font monter la pression. Car ils portent un coup à la bonne circulation des ondes. Dans cet environnement perturbé, les cas de désorientation ne sont pas rares. Les animaux perdent leur sens de la navigation. Ils s’en iront errer vers le large ou vers la côte. Tout dépend où les courants et les coups de nageoire aléatoires les mènent. Le paysage sous-marin, lorsqu’il est tourmenté, peut également exercer un effet perturbateur sur les mammifères marins.

De l’avis des chercheurs, baleines, dauphins et autres cétacés redoutent « les bras de mer et des avancées de terre en forme de crochet ». Ils éprouveraient aussi quelques difficultés à trouver leur chemin dans des aires sous-marines « un peu sablonneuses, boueuses et en pente légère ». La croissance du trafic maritime complique encore les choses. L’évolution s’accompagne d’un recours de plus en plus fréquent à des navires rapide. La convergence d’une navigation à vitesse accrue augmente le nombre de morts à la surface des mers. Le phénomène préoccupe les scientifiques de Méditerranée, en particulier s’agissant « du rorqual commun et du cachalot pour lesquels ces accidents pourraient majorer gravement la mortalité naturelle ».

En réaction, l’association Souffleurs d’écume, depuis Marseille, s’est engagée dans la lutte contre le risque de collision. Elle a noué des partenariats étroits avec les institutions scientifiques et avec les compagnies maritimes. La collaboration a débouché sur la mise en œuvre d’un programme de veille spécifique, sur la création d’un réseau collision et sur l’installation à bord des navires du système Repcet ou « repérage en temps réel des cétacés ». L’outil « informatique et collaboratif à l’usage de la navigation commerciale » est conçu pour permettre « le partage en temps réel des positions connues de baleines sur les routes de navigation, grâce à une communication satellite », détaille-t-on au sein de l’association. Une manière de plus de préserver la sécurité des mammifères marins et des navires, au cœur du sanctuaire Pelagos, 87 500 km2, entre Monaco, la Corse et l’Italie. Le « cuvier » débarque à la Réunion

L’espèce a fait son apparition dans les eaux réunionnaises. L’Observatoire Marin de La Réunion s’est mobilisé au sujet du cétacé.

Depuis l’Océan Indien, les scientifiques décrivent un animal pourvu d’une « large queue susceptible d’atteindre jusqu’à 1/4 de la longueur du corps long et robuste. » Comme les hommes, le cétacé blanchit sous le harnais. Ainsi, « chez les vieux mâles, le dos pourrait devenir presque blanc en avant de la nageoire dorsale. » La baleine Cuvier se définit comme une « espèce très discrète, connue surtout d’après les échouages. » Elle affiche des dimensions fort honorables : « Alors que le nouveau-né fait entre 2 à 3 m de long (250 kg environ), l’adulte atteindrait des tailles de 5,5 à 7 m de long pour un poids de 2-3 tonnes. »

Les cétacés sont des apnéistes remarquables. Au point de rivaliser avec les champions de la discipline. Selon différentes sources, les baleines à bec seraient des concurrentes directes des cachalots en matière d’apnée. En effet, depuis des dizaines d’années, les scientifiques étaient d’accord pour dire que les grands cachalots et les éléphants de mer étaient les créatures marines à poumons qui plongeaient le plus longtemps et le plus profondément au cœur des océans.

Mais récemment, des études utilisant des balises ont prouvé que les baleines à bec venaient chambouler les données. Les performances enregistrées sont édifiantes : « Sur 10 individus balisés, certains ont pu plonger jusqu’à 1900 mètres de profondeur et durant plus de 1 h 25, soit 2 fois plus profond et 24 minutes plus longtemps en moyenne que les cachalots. » 2,7 mètres à la naissance

La baleine Cuvier, comme celle qui est venue mourir à Ventiseri, affiche en moyenne une taille comprise entre 5,30 et 6,70 mètres chez le mâle adulte et entre 6 et 7 mètres chez la femelle adulte. L’animal mesure 2,7 mètres à la naissance.

Description : corps fusiforme assez robuste en forme de cigare. Tête petite dotée d’un rostre non marqué. Coloration très variable du gris au brun. La tête du mâle et la partie du corps antérieure à l’aileron dorsal très clair. Le corps est marqué de cicatrices longues provoquées lors d’interactions sociales. Les marques rondes sont générées par de petits requins parasites. La femelle présente une coloration plus claire et brune. Le caudal est proportionnellement large. Les pectorales peuvent s’insérer dans de légères dépressions sur les côtés.

Régime alimentaire : plusieurs espèces de calmars, crustacés et de poissons benthiques. La baleine a bec saisit sa proie par succion avant de l’ingérer.

Comportement : comportement farouche, longues immersions, espèce très discrète en surface. Elle tend à éviter et fuir les embarcations. Il lui arrive parfois de s’approcher des bateaux et de sauter hors de l’eau. Sa vitesse de déplacement est de 2 à 3 nœuds, mais peu atteindre 10 nœuds. Assez grégaire, en petits groupes comportant jusqu’à 25 individus.

Période de reproduction : peu connue. La maturité sexuelle est atteinte à 6 mètres chez la femelle et 5,50 mètres chez le mâle. Les mises bas semblent prédominer en automne.

Statut de conservation : espèce pélagique peu étudiée.
Source : corsematin.com (06.04.13)
Source photo : wikimedia.org
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