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Quand les hommes préhistoriques chassaient avec des os de baleine…

Dans de nombreuses grottes des Pyrénées, on a retrouvé des pointes de lances ou des outils. On vient de découvrir que certains étaient en os de baleine… 800px-Fish8564_-_Flickr_-_NOAA_Photo_Library.jpg


Ils avaient sûrement la bougeotte, nos ancêtres ! Et devaient se promener entre le littoral atlantique et les Pyrénées, au gré du gibier et des saisons. Et pour fabriquer leurs outils, ils utilisaient les matériaux à leur disposition : et pourquoi pas les os des baleines !

C’est ce que vient de découvrir un chercheur toulousain (CNRS/ Université du Mirail), Jean-Marc Pétillon.

«Le point de départ, explique-t-il, ce sont mes recherches sur les équipements en os des hommes préhistoriques. Une bonne partie des objets du quotidien (aiguilles à coudre, poinçons…) mais aussi d’armes de chasse (pointes de sagaies, crochets de propulseurs…), sont en os de renne.»

Jean-Marc Pétillon a examiné des centaines de ces outils, provenant d’une dizaine de grottes des Pyrénées. Celles d’Isturitz ou d’Arudy au Pays Basque, celle d’Espélugues, à Lourdes, la fameuse grotte du Maz d’Azil en Ariège, les petites grottes dans la vallée de la Save à Lespugue en Haute-Garonne et non loin de là, celle de Gourdan. Certaines pièces sommeillaient dans les réserves des musées depuis plus de cent ans !

La solution chez les Esquimaux

Et parmi tous ces outils, certains ont attiré son attention. Des pièces énormes, d’une quarantaine de centimètres, voire plus, qui ne pouvaient donc pas provenir d’os de rennes ou de cheval.

«Je me suis alors mis à faire des recherches et à interroger tous mes confrères, pour leur demander s’ils avaient déjà vu ça quelque part…»

Les photos se sont promenées à la vitesse d’internet. Et la réponse est venue des scientifiques… d’Arctique ! Oui, ils ont déjà vu des lances comme ça. Elles sont fabriquées par les Esquimaux à partir d’os… de baleine ! Bingo ! Les instruments provenant des cavernes pyrénéennes appartiennent bien à des «grands cétacés, cachalots ou baleine ; les dauphins ont des os trop petits.»

Ces fragments sont peu nombreux : «A peine 1 % des outils dont on dispose. Mais cela montre que, soit les chasseurs, dont on sait qu’ils étaient nomades, allaient jusqu’à la mer. Soit que par des systèmes de troc ou d’échanges ou de cadeaux, ces outils ont voyagé depuis l’Atlantique jusque dans les Pyrénées.»

Bien sûr, il n’y avait sûrement pas encore de caravanes ou de livraisons à domicile au Magdalénien, mais :

«On sait aussi que les silex ont eux aussi pas mal voyagé, depuis les sites où ils étaient fabriqués, jusqu’aux endroits où les hommes vivaient et où ils les utilisaient.»

Les os de baleine étaient longs, robustes mais suffisamment souples, résistants à l’impact, et donc tout à fait recommandé pour en tirer des pointes de lances. Pas encore des parapluies.

L’Océan était plus loin

Au paléolithique supérieur, plus exactement le Magdalénien (-15 000 à – 18 000 ans), le niveau de la mer, à la fin de la glaciation était inférieur de 100 mètres à ce qu’il est actuellement. L’eau est remontée avec le réchauffement climatique qui s’en est suivi.

Cela signifie qu’au Pays Basque, les côtes étaient plus éloignées qu’aujourd’hui d’au moins 15 km. A la hauteur de Bordeaux, l’eau était à 100 km ! Nos chasseurs ont donc dû voyager beaucoup plus loin qu’ils ne le feraient aujourd’hui, pour aller glaner, sans doute sur les rivages, les os des grands cétacés.

Du coup, on ne retrouvera sans doute jamais les restes des campements ou des lieux de vie des hommes préhistoriques au bord des rivages : ces sites sont aujourd’hui engloutis sous les flots.

Dominique Delpiroux

Source : ladepeche.fr (13.11.13) Source photo : wikimedia.org

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