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Au Pakistan, un dauphin d’eau douce victime des barrages…

C’est un dauphin d’eau douce au corps brunâtre et au long rostre, que l’on ne trouve que dans le bassin de l’Indus, au Pakistan. L’espèce ne compte plus, d’après les estimations des scientifiques, qu’un millier d’individus. Depuis le milieu du siècle dernier, sa population  a fondu de plus de moitié et elle risque de s’étioler encore au cours des prochaines décennies, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui l’a classé sur sa liste rouge des espèces en danger.




Le dauphin de l’Indus (Platanista gangetica minor) est en fait victime des multiples barrages construits au fil du fleuve, à des fins d’irrigation, avec pour conséquence de morceler son milieu de vie. C’est ce que conclut une étude de chercheurs écossais et pakistanais, publiée mercredi 16 juillet dans la revue Plos One. Ce travail confirme les causes du déclin du cétacé déjà suspectées, en les étayant par la recension de données historiques et d’observations recueillies auprès des pêcheurs.

« RECUL MASSIF »

Jusque dans les années 1870, époque de l’aménagement d’un premier grand barrage sur l’Indus, le dauphin était présent sur toute la longueur du fleuve, de l’Himalaya jusqu’à l’océan Indien, ainsi que dans ses affluents, les rivières Jhelum, Chenab, Ravi et Sutlej. Un siècle et demi et une vingtaine de barrages plus tard, il ne subsiste plus que dans six des dix-sept sections – parties du cours d’eau délimitées par deux retenues – de l’Indus et de ses affluents, tandis qu’il a disparu de dix autres et que sa présence est incertaine dans la dernière. Encore le cétacé se concentre-t-il aujourd’hui dans une courte bande fluviale, entre les barrages de Guddu et de Sukkur, distants de moins de 200 km, où a été aménagée une réserve pour dauphins. Ailleurs, il n’a plus été vu depuis plusieurs décennies, parfois depuis les années 1950.

Cette étude « montre que ce sont la fragmentation de l’habitat par les barrages et les prélèvements d’eau pour l’irrigation qui ont causé le recul massif de la présence du dauphin de l’Indus », résume son premier auteur, Gill Braulik (Institut océanographique de St-Andrews, Ecosse). A la segmentation du territoire du cétacé s’ajoute en effet le détournement de l’eau des rivières pour les cultures, qui réduit son espace vital et provoque une hausse délétère de la température du milieu où il évolue.

POLLUTION CROISSANTE

Ce n’est pas la seule menace à laquelle il doit faire face. S’il n’est théoriquement plus chassé pour sa viande ou son huile, et que son négoce est strictement interdit par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), il est encore victime de prises accidentelles dans les filets de pêche. En outre, note l’UICN, la pollution croissante par des effluents industriels et agricoles non traités « pourrait affecter la viabilité de l’espèce ».

« Les cétacés d’eau douce qui vivent dans les principaux fleuves himalayens, Indus, Gange, Brahmapoutre, Yangzi, Mékong et Irrawaddy, forment collectivement l’un des groupes de mammifères les plus menacés au monde », écrivent les auteurs de l’étude. Ils ajoutent : « Il est essentiel que, là où sont prévus des aménagements hydrauliques, soient menées des études d’impact pour trouver un équilibre entre les besoins humains en eau d’irrigation et les besoins de l’écosystème fluvial vital pour l’homme ».

Pour le dauphin de Chine, ou Baiji, qui abondait naguère dans les eaux du Yangzi, il est trop tard. En 2007, l’Académie des sciences chinoise a annoncé sa disparition définitive.

Source & capture d’écran :  lemonde.fr (16.07.14)

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