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Bangladesh : contre la marée noire, le remède pourrait être pire que le mal…

Alors que 357 000 litres de pétrole ravagent la plus grande mangrove du monde, les experts français du Cedre, à qui Ségolène Royal 
a demandé d’apporter leur aide dans ce dossier, craignent que les moyens mis en œuvre créent plus de dommages qu’autre chose.


Voilà près de dix jours qu’une nappe de fuel repeint en noir la plus grande mangrove du monde, dans l’indifférence générale. Le 9 décembre dernier, un cargo percute un pétrolier chargé de plus de 357 000 litres de mazout. Touché coulé. Le navire de la Bangladesh Petroleum Corporation gît à présent au fond de la rivière Sela, au sud du Bangladesh. Cet affluent du Gange sillonne la région des Sundarbans, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, connue pour être la plus grande forêt de mangrove au monde, à cheval entre l’Inde et le Bangladesh et dont les innombrables canaux terminent leur course dans le golfe du Bengale. Un milieu complexe, à la biodiversité d’une richesse infinie, souillé par une marée noire qui menace aujourd’hui son fragile équilibre. Le temps est compté. La presse pakistanaise estime déjà à 350 kilomètres carrés l’étendue de la nappe. Pourtant, c’est par un silence assourdissant que la communauté internationale a répondu au désarroi des habitants de la région. L’État bangladais, qui a autorisé la navigation commerciale sur le Sela en 2011, a seulement dépêché sur place, plusieurs jours après la collision, quelques dizaines d’ouvriers, équipés de bambous et d’éponges, pour une opération dérisoire de nettoyage manuel à laquelle les pêcheurs des Sundarbans prêtent main-forte.

« Savoir de quel type de carburant il s’agit précisément »

Mardi, Ségolène Royal a demandé au Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre) de mettre à disposition son expertise et son assistance aux autorités du Bangladesh. Spécialisé dans les méthodes de lutte et de dépollution, le Cedre attend qu’une demande précise et officielle lui soit faite par l’État bangladais, avant d’envoyer ses équipes sur place. « Nettoyer une mangrove, c’est très compliqué, confie Christophe Rousseau, adjoint au directeur du Cedre. 
Ce sont des zones dans lesquelles nous ne pouvons accéder qu’en bateau et où il est très difficile d’acheminer du matériel. » Pour ce qui est du cas précis de la marée noire des Sundarbans, « nous attendons surtout de savoir de quel type de carburant il s’agit précisément », poursuit l’expert. D’après les informations et les clichés qui circulent sur la Toile, « il s’agirait a priori de fuel lourd de distribution pour une chaufferie », une précision qui inquiète Christophe Rousseau. « Apparemment, du dispersant aurait été utilisé pour dépolluer le site. Or, dans le cas d’une pollution au pétrole lourd dans un milieu où le volume d’eau est faible, l’action de ce produit est formellement déconseillé. »

Des molécules trop grosses 
pour être fractionnées

L’agent dispersant (produit chimique à faible toxicité selon les scientifiques) fractionne les nappes d’hydrocarbure en micro-gouttelettes, multipliant les surfaces de contact, ce qui facilite la biodégradation du carburant par l’action des bactéries. Mais dans le cas d’un pétrole lourd, 
« le dispersant ne se mélange pas au pétrole, qui plus est si la colonne d’eau n’est pas importante, comme c’est le cas dans une mangrove », détaille Christophe Rousseau, qui préconise, dans le cas de la marée noire en question, des opérations de « récupération », c’est-à-dire, « de monter des barrages pour pouvoir pomper le pétrole en surface et de rincer les berges ». Une opération, certes longue et fastidieuse, mais qui ne risque pas d’empirer une situation déjà catastrophique. À la différence des pétroles plus légers, « ce type de fuel lourd, si on ne le récupère pas très vite, peut rester très longtemps dans la zone, ses molécules étant trop grosses pour être fractionnées et digérées par les bactéries », précise Christophe Rousseau avant de conclure : « Quoi qu’il en soit, il faut que l’homme donne un coup de main à la nature. » Source :  humanite.fr (18.12.14) Source photo :  wikimedia.org 

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