Réseau-Cétacés

Dauphins abattus aux îles Féroé : chaque été, c’est pareil. Cessons ce massacre archaïque

Erik Christensen

Par Audrey Verdière
Militante « C’est assez ! »

Édité et parrainé par Louise Auvitu.

LE PLUS. Chaque année, les habitants des îles Féroé se livrent à une pratique cruelle qui consiste à rabattre et à tuer des globicéphales. Autorisés toute l’année, les massacres sont plus fréquents de juin à octobre, période pendant laquelle ces cétacés migrent le long des côtes de l’archipel. Pour Audrey Verdière, militante au sein de l’association C’est assez !, il est temps d’arrêter ce massacre.

Les îles Féroé se situent à mi-chemin entre l’Écosse et l’Islande. C’est une province autonome du Royaume du Danemark. Ces îles balayées par les vents offrent une nature brute et des paysages spectaculaires, avec de hautes falaises qui tombent à pic dans l’océan. Le vert des prairies offre un magnifique contraste avec le bleu de la mer, omniprésente dans la vie des insulaires.

Malheureusement, plusieurs fois par an, le bleu des baies laisse place au rouge du sang versé par les Féringiens qui pratiquent une chasse aussi cruelle qu’archaïque, appelée « Grindadrap ».

Chaque année, des centaines de globicéphales meurent dans l’archipel, au nom de la « tradition ».

Le grindadrap, le plus grand massacre de cétacés d’Europe

Depuis le XVIe siècle, les habitants des îles Féroé pratiquent la chasse aux globicéphales (aussi appelés baleines-pilotes). Ce qui était autrefois une chasse de subsistance n’est aujourd’hui qu’une barbarie inutile : les Féringiens ont un niveau de vie parmi les plus élevés d’Europe.

Bateaux très rapides équipés de sonars, moyens de communication… dans le monde actuel les Féringiens utilisent des méthodes bien lointaines de celles de leurs ancêtres vikings.

Le grindadrap ne laisse aucune chance aux cétacés qui migrent dans ces eaux. Ils sont rabattus dans des baies ; des familles entières s’y font massacrer tous les ans.

Les Féringiens ne font aucune distinction et n’hésitent pas à tuer des femelles gestantes et des juvéniles et ce en toute impunité. Le grindadrap est actuellement le plus grand massacre de cétacés d’Europe.

Les globicéphales, des mammifères marins pacifiques

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les baleines-pilotes appartiennent en réalité à la famille des dauphins. Comme tous les cétacés, elles sont dotées d’une intelligence et d’un langage complexes et ont conscience d’elles-mêmes.

Chez les globicéphales, le groupe prime sur les individus. Leur empathie serait telle que lorsqu’ils sont rabattus dans les baies, ils ne cherchent pas à fuir mais restent auprès de leur famille. Il en va de même lors des échouages, les globicéphales ne quittant jamais leur groupe malgré le danger. Cela expliquerait aussi pourquoi ces chasses au rabattage sont si meurtrières.

Le 6 juin 2015, plus de 150 globicéphales ont été tués en une seule matinée. Une mise à mort qui a duré près de quatre heures, durant lesquelles les dauphins ont assisté au massacre des leurs, pleinement conscients qu’ils n’échapperaient pas à la tuerie.

En juillet 2015, ils étaient 250 à périr dans les mêmes circonstances en l’espace d’une journée.

Une législation bafouée

Le globicéphale noir est pourtant une espèce protégée par la Convention de Berne, mais les îles Féroé ne sont pas signataires. Le statut particulier de ces îles, rattachées au Danemark, mais disposant d’une certaine autonomie, leur permet d’échapper à toute législation et de perpétuer cette barbarie sans craindre la moindre sanction.

L’année dernière, les îles Féroé ont adapté leurs lois afin que toute personne s’opposant au grind puisse être arrêtée et faire l’objet de poursuites judiciaires. Pire, toute personne voyant un groupe de globicéphales doit obligatoirement le signaler aux autorités féringiennes pour que le grind s’organise.

Ces mesures n’ont qu’un seul but : permettre aux Féringiens de perpétuer ces massacres en toute tranquillité, sans que personne ne puisse intervenir.

Si les Féroé ne sont pas membres de l’Union européenne, le Danemark en revanche en fait partie. À ce titre, il se doit de respecter les conventions signées. Mais en envoyant sa marine dans les Féroé pour protéger ces chasses, le Danemark viole les conventions internationales de Bonn (23 juin 1979 sur la protection des espèces migratrices) et de Berne (23 juin 1979 sur la conservation de la faune sauvage). Pourtant, le Danemark n’a pour le moment subi aucune remontrance de la part des instances européennes ou internationales.

Une viande toxique

En outre, la viande de globicéphale contient des polluants et des métaux lourds comme le mercure et a été jugée impropre à la consommation en 2008, en particulier pour les femmes enceintes et les enfants. Mais cela n’empêche pas certains Féringiens de continuer à consommer cette viande « gratuite ».

Par ailleurs, d’immenses charniers sous-marins ont été découverts il y a quelques années près des côtes de l’archipel. De toute évidence, les globicéphales dont on a retrouvé les squelettes n’ont pas été tués pour leur viande, mais lestés avec des pierres.

Pour quelle raison ? S’agirait-il davantage d’un « loisir » que d’une façon de se nourrir ?

Massacrer des globicéphale fait partie d’un rite initiatique

Bien que ces massacres soient complètement archaïques, ils constituent aux îles Féroé une sorte de rite initiatique pour les plus jeunes. Ainsi, il n’est pas rare de voir de très jeunes enfants participer à cette barbarie, encouragés par leurs aînés.

Aujourd’hui, si cette pratique se perpétue, il s’agit surtout pour les Féringiens d’affirmer leur identité culturelle. Cela justifie-t-il de tuer des centaines d’innocentes créatures ? Ne peuvent-ils pas affirmer leur identité autrement ?

Il est plus que temps que ces massacres cessent, et que les baleines-pilotes puissent enfin migrer sans être traquées et assassinées.

 
Photo: Erik Christensen
 
Source : L’Obs Le Plus, 26.06.2016

Quitter la version mobile