Réseau-Cétacés

Une histoire d’amour avec le Japon, et un cœur brisé dans la baie

Article de Vicki Kiely – Traduit par Aurélie Dutailly et Emilyne Van Der Beken pour Réseau-Cétacés :

Depuis notre retour du Japon, ma fille et moi ressentons un manque. Ce voyage était différent cette fois, peut-être parce qu’il y avait moins de militants, peut-être parce que la police s’est montrée très amicale et serviable, peut-être même aussi en raison de la réunion chaleureuse et accueillante que nous avons eu avec le Maire de Taïji.

C’était mon 7ème séjour à Taïji et le 3ème de ma fille Imogen. Elle avait déjà remis des courriers en mains propres auparavant, mais uniquement à l’un des membres du personnel de la Mairie, qui nous assurait qu’ils seraient transmis au Maire. Je doute qu’il ne l’ait jamais fait. Cette fois, comme vous le savez, nous nous sommes présentés, sans rendez-vous, le 1er septembre, date du Japan Dolphin Day 2016 et miraculeusement, on nous a dit que nous obtiendrions une entrevue de cinq minutes avec le Maire. Cet entretien s’est transformé en un moment très agréable de trente minutes, où on nous a enfin donné des explications relatives à nos nombreuses questions.

Qui sait s’il nous a menti ? Mais là encore pourquoi le ferait-il ? Il a raison, les pêcheurs ne violent pas la loi, ils ont des permis qui leur ont été accordés par le gouvernement, et c’est de cette façon qu’ils gagnent leur vie. Comme l’a dit son traducteur : « Ce n’est ni un jeu, ni un divertissement, c’est de cette façon que ces hommes vivent ». Et je sais qu’il a raison. Je sais que c’est l’industrie de la captivité qui entretient la chasse, et je sais que la seule façon maintenant pour la stopper serait que le peuple japonais mette la pression sur le gouvernement pour que la chasse au dauphin et à la baleine soit déclarée illégale, comme dans la grande majorité du monde. Est-ce que cela va arriver ?  Qui sait ?

Le Japon est un pays ancré dans la tradition, ancré dans les convenances, ancré dans les bonnes manières. Vous ne pouvez pas marcher dans la rue sans que quelqu’un ne vous salue en disant « Konichiwa ». C’est un peuple respectueux des personnes et des êtres humains en général. L’Occident aurait beaucoup à apprendre de ce peuple de l’Orient en ce qui concerne les bonnes manières et le respect des convenances.  Il gagnerait à s’inspirer de quelques pages arrachées aux manuels japonais de civilité et de bienséance.

 

 

Oui, la chasse des baleines et des dauphins est atroce, mais il y a tant d’autres choses qui sont aux antipodes et qui m’ont coupé le souffle.  La beauté de la côte, la campagne, les petites maisons et les petites rues pleine d’originalité. Par exemple, les gens sont gentils et veulent vous connaître. Ils ne se moquent pas de vous si vous essayez de parler leur langue et que vous faites des erreurs, ils sont heureux que vous fassiez au moins l’effort d’essayer. Dans d’autres pays, les gens se moquent de vous ou vous ignorent lorsque vous faites l’effort de parler leur langue et que vous vous trompez.

Le Japon est un pays très propre, où le crime n’existe pas : vous vous y sentez très en sécurité. Vous pouvez laisser votre voiture ouverte avec votre sac à l’intérieur et vous pouvez être sûr à 100% qu’il y sera toujours quand vous reviendrez. Cela n’existe pas dans le monde occidental. Ils sont très fiers de leurs villes et tiennent à les garder propre et arborées. Ils aiment leurs animaux.

Oui, la consommation de viande de baleine est une tradition de longue date tout comme, désormais, la chasse au dauphin. Je ne sais pas comment nous allons pouvoir aller au fond des choses et changer cette pratique, mais il est injuste de mettre au pilori tout un peuple et toute une nation pour les actes perpétrés par une poignée d’hommes à Taïji. Les gens ne sont pas tous cruels et insensibles à Taïji, il suffit d’être ici pendant quelques jours pour voir la bonté dans les yeux des gens, et la crainte qu’ils ont pour beaucoup d’entre nous qui séjournons dans leur ville chaque année. Voilà pourquoi il est essentiel que nous nous montrions respectueux et bienveillants dans notre approche, que nous essayions de nous comprendre les uns les autres à tous les niveaux.

Dans la ville de Nachi Katsuura où nous séjournons, je me dépêchais un jour de rentrer à l’hôtel pour récupérer mes sacs et prendre le train. J’ai réalisé que je n’avais pas de liquide et j’ai demandé à la dame du restaurant « Deericious », juste à côté, où était le distributeur le plus proche. J’ai couru pour retirer de l’argent en lui laissant mes bagages afin de pouvoir payer le chauffeur de taxi. Pour une raison ou une autre, je n’ai pu retirer de l’argent et elle a payé mon taxi. Quand je suis revenue quelques mois plus tard, je suis allée lui rembourser l’argent du taxi. Elle a catégoriquement refusé de le prendre.  Elle a pris mes deux mains dans les siennes et m’a souri en disant « C’est réglé ». Ce fut un moment émouvant et je me sens éternellement redevable envers elle. En fait, ce restaurant est devenu notre préféré quand ma fille Imogen et moi séjournons là-bas.

Source : Vicki Kiely – Publié le 23 Septembre 2016

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