Réseau-Cétacés

“Blackfish”, la bête noire des parcs aquatiques

En 2013, un documentaire dénonçait les conditions de captivité des animaux marins, générant une véritable onde de choc, dont certains parcs ne se sont toujours pas remis. Quatre ans après, deux films, visibles sur YouTube et Arte, viennent de nouveau alimenter le débat.

Le documentaire Blackfish n’en finit pas de faire des vagues : dernier coup d’éclat, le parc Seaworld d’Orlando est visé, depuis le 23 juin 2017, par deux enquêtes fédérales, l’une émanant du ministère de la Justice américain (Department of Justice), l’autre de la Commission des Opérations en Bourse (Security and Exchange Commission). Elles visent à vérifier à quel point Seaworld a minimisé l’impact de Blackfish sur ses résultats financiers. Car, depuis la sortie du film, le groupe de parcs d’attraction d’animaux marins a bien du mal à émerger. Baisse de la fréquentation, diminution de la valeur des actions, rupture de contrats avec des partenaires commerciaux, boycott de célébrités qui avaient l’habitude de s’y produire : les contre-performances s’accumulent. Sous la pression de l’opinion publique et des organisations de défense des animaux marins, la compagnie a même été contrainte d’annoncer la suppression des spectacles d’orques dans ses parcs d’ici 2019, et la fin de la reproduction des orques en captivité.

Sorti en salles en 2013 aux Etats-Unis puis diffusé sur CNN en 2014 où il a réuni près de vingt-et-un millions de téléspectateurs, Blackfish, de Gabriela Cowperthwaite, raconte l’histoire de Tilikum, une orque acquise par Seaworld, morte en 2017, et responsable de trois décès durant sa captivité, dont celui de la dresseuse chevronnée Dawn Brancheau, sous les yeux du public en 2010. Dans son film, la réalisatrice revient en détail sur les circonstances du drame et pointe les désastreuses conséquences de l’enfermement sur les mammifères marins. Habitués à nager 160 kilomètres par jour, ils peuvent devenir agressifs et dangereux, en particulier à l’égard de leurs soigneurs et dresseurs. Gabriela Cowperthwaite met ainsi clairement en relation les conditions de captivité des orques et la mort de Dawn Brancheau, et réfute les arguments de Seaworld, qui avait tenté de prouver que la victime avait sa part d’erreurs et de responsabilités dans le drame.

Les deux enquêtes lancées le 23 juin pourraient démontrer que Seaworld a délibérément minimisé l’impact de la sortie du film sur ses résultats financiers.

« Les porte-paroles de Seaworld ont sous-estimé les retombées du documentaire »analyse John J. Hargrove, ancien dresseur de la compagnie qui a démissionné après la mort de sa collègue et amie, Dawn Brancheau.

« Ils savaient qu’ils perdraient de l’argent mais ont continué à encourager les investisseurs à les accompagner. Du coup, ils se sont décrédibilisés et certains se sont retournés contre eux. » « La deuxième enquête porte sur un volet plus économique », explique Sandra Guyomard, présidente de Réseau-Cétacés.

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« Et quand il s’agit d’économie, on ne rigole plus. Depuis la sortie de Blackfish, l’action Seaworld a chuté. Il est triste de se dire que les résultats financiers ont plus d’impact sur l’attitude de la compagnie que la maltraitance animale elle-même, mais au moins cela permet d’attirer l’attention sur la question de la captivité des orques et de continuer à ternir l’image de Seaworld auprès de l’opinion publique. »

Toutes les ONG de défense animale (Réseau-Cétacés, Sea Shepherd, La Dolphin Connection…) s’accordent en tout cas à souligner les conséquences positives de la sortie de Blackfish pour la défense des mammifères marins en captivité dans le monde entier. En France, un arrêté interdit ainsi toute reproduction des dauphins et des orques retenus sur son territoire depuis mai dernier.

« Les retombées du film montrent, et c’est un point fondamental, que le public a de plus en plus conscience des problèmes liés à la captivité des orques, et qu’il a un rôle à jouer »confie Ludovic Lefevre, président de la Dolphin Connection.

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