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La baleine qui chante faux existe-t-elle vraiment ?

Oui, elle existe ! Dans les mers arctiques nage une baleine dont le chant n’a pas la même longueur d’onde que ses congénères. Les raisons de cette particularité restent un mystère…

Repérée en 1989 au large de l’Alaska, cette baleine détonne drôlement : elle vocalise à une fréquence de 52 Hz, alors que toutes les baleines enregistrées jusqu’ici chantent entre 16 et 20 Hz ! Depuis trente ans, les biologistes l’écoutent dans leurs hydrophones à la saison des amours et l’ont d’ailleurs baptisée « 52 Hz ». Cette cantatrice des profondeurs chante-t-elle faux ? En tout cas, elle est la seule baleine au monde à émettre sur cette fréquence. Des expéditions ont tenté de la débusquer.

En attendant, sa fréquence est certes extravagante, mais la structure du signal, sa répétitivité et sa durée (une suite de deux à six chants, de cinq à sept secondes chacun) indiquent qu’il s’agit bien d’une baleine. Probablement une baleine bleue, puisque la zone géographique et la date à laquelle elle se manifeste, chaque année dès le mois d’août, correspondent à la saison des amours de cette espèce. Et comme ces cétacés peuvent percevoir une gamme de fréquences bien plus large que celle de leurs vocalises, nul doute que « 52 Hz » s’adresse à ses congénères…

Malformation, nanisme… plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer son chant bizarre

Mais quel est son problème, à cette baleine ? Est-ce une difformité au niveau de la trachée, des conduits nasaux ou du larynx qui modifie la tonalité de son chant ? Aurait-on affaire à une baleine naine ? Chez les cerfs, par exemple, la stature de l’animal conditionne la fréquence de son brame.

A moins qu’il s’agisse d’un problème d’apprentissage – les baleines apprenant à chanter au sein du groupe ? Serait-elle le dernier locuteur d’un patois très local du Pacifique nord-est ? Après tout, les baleines bleues possèdent un répertoire distinct selon leur zone d’habitat. Sauf que l’on parle ici d’un seul individu.

De là à imaginer que 52 Hz serait le dernier représentant d’une espèce disparue… Les spécialistes s’attendent plutôt à découvrir un animal hybride, car son chant combine certaines harmoniques propres aux baleines bleues et au rorqual commun ; deux espèces qui ont déjà engendré des hybrides.

Bègue, dyslexique, naine, bâtarde ou survivante, l’histoire de la baleine qui chante faux révèle surtout notre profonde méconnaissance du paysage sonore sous-marin.

Source : Science et vie – Publié le 17 Novembre 2017

 

 

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