Réseau-Cétacés

Réseau-Cétacés à Taïji (Japon), du 21 janvier au 4 février 2018 – Retour sur un voyage marquant…

Du 21 janvier au 4 février 2018, Sandra et Valérie – respectivement présidente et chargée de communication de Réseau-Cétacés – se sont rendues à Taïji, au Japon, afin d’intégrer l’équipe des Cove Monitors du Ric O’Barry’s Dolphin Project.

Les Cove Monitors sont des bénévoles venus du monde entier, qui se rendent chaque année sur le terrain pour documenter la chasse annuelle au dauphin qui a lieu de septembre à mars à Taïji.

Après plus de 10 ans de soutien à l’organisation de Ric O’Barry, notre équipe a décidé cette année de sauter le pas, et de se rendre sur place pour, notamment, renforcer l’équipe des Cove Monitors mais également pour que notre statut de « témoins directs » donne plus de poids à nos mots afin de convaincre l’opinion publique et les autorités compétentes d’œuvrer pour la protection des dauphins au Japon, et pour la fin des spectacles de cétacés dans les parcs.

Retour sur un séjour marquant :

Après environ 13 heures de vol et 4 heures de train, nous sommes enfin arrivées à destination. A la gare,  nous avons été directement accueillies par Molly.

Molly est originaire du Royaume-Uni, c’est l’une des responsables des Cove Monitors. Sur le terrain depuis début décembre 2017, elle a passé 4 semaines à effectuer seule le travail colossal de documentation. C’est une jeune femme très courageuse qui s’est révélée être notre ange gardien tout au long de notre séjour.

Elle nous a aussitôt expliqué que nous devions nous rendre au poste de police pour nous présenter et répondre à différentes questions. Sur la route, Molly en a profité pour nous montrer les différents endroits « clés » de Taïji.

Taïji, c’est seulement un peu plus de 3200 habitants (dont 24 chasseurs) et 6 km². Mais 6 km² où sont entassés des dizaines de dauphins, dans de nombreux petit enclos de mer, mais également dans 2 delphinariums : le Taïji Whale Museum et le Dolphin Resort.

C’est également 6 km² où l’on chasse, tue, découpe et consomme du dauphin. Où l’on exploite les « rescapés » des chasses d’une manière difficilement descriptible tant les conditions d’enfermement sont abominables : les « enclos de stockage » – que l’on peut voir un peu partout – sont minuscules et ressemblent à de petites fermes à poissons.

Arrivées sur le parking du poste de police, Molly nous fît prendre conscience que nous étions face à la « baie d’abattage des dauphins ». Après quelques secondes, nos pensées se sont immédiatement envolées vers tous les dauphins qui ont souffert dans cette si petite crique.

La présentation aux policiers s’est très bien déroulée. Ces derniers ont scanné nos passeports, nous ont posé quelques questions sur nos intentions, puis nous ont laissé repartir au bout de trois quarts d’heure. Nous en profitons d’ailleurs pour préciser que les policiers de Taïji se sont toujours montrés courtois et bienveillants à notre égard. En réalité, ils sont très certainement plus présents pour notre sécurité que pour perturber le travail des bénévoles qui documentent les chasses.

Ensuite, nous avons pris la direction du restaurant où nous avons rencontré Xin et Jan, deux bénévoles qui ont également rejoint l’équipe des Cove Monitors. Xin vient de Tokyo et parle très bien japonais. Jan, quant à lui, vient d’Allemagne et nous a tout de suite impressionnées par sa carrure, bien qu’il soit un grand gentil.

Au restaurant, nous avons rencontré Izumi Ishii. Nous connaissions bien cet homme, même si nous ne l’avions jamais rencontré physiquement auparavant : c’est un ancien chasseur reconverti en fervent défenseur des cétacés ! Izumi a passé un moment avec nous, et nous a offert, à chacun, un bracelet jaune symbolique de notre amour commun pour l’océan.

Le lendemain, mardi : premier réveil et… premières angoisses mais nous sommes prêtes. Nous retrouvons tout le monde à 6h pour nous rendre en voiture à Taïji – notre hôtel étant situé dans une petite ville à proximité. Arrivés à l’entrée de la ville de Taïji, nous rencontrons la police qui nous attend. Elle nous escortera tout au long de la matinée et à chaque déplacement que nous ferons à Taïji.

Arrivés au port (1er point d’observation), nous attendons le départ des bateaux, nous les comptons et nous filons, ensuite, vers une pointe (2ème point d’observation) qui permet d’avoir une excellente visibilité sur l’activité des chasseurs en mer.

Molly nous explique où se situent le nord et le sud, et comment savoir lorsque les bateaux sont en formation : ils forment généralement une ligne à l’horizon et dégagent une épaisse fumée noire qui nous sera tristement familière les jours suivants… Cela signifie qu’ils ont repéré des dauphins.

Pas ce matin-là en tout cas, car nous apercevons les bateaux rentrer au port à peine 1 heure après leur sortie. Direction le port pour s’assurer qu’ils sont tous amarrés, puis nous rentrons à l’hôtel. Cet après-midi-là, Vanessa, nouvelle bénévole venue d’Australie, a rejoint l’équipe et, tous ensemble, nous terminons la journée par un dîner.

Le surlendemain, mercredi, première chasse… A peine 45 minutes après avoir quitté le port, les chasseurs ont trouvé un groupe de dauphins bleus et blancs qu’ils ont conduits dans la baie. Nous devons donc nous rendre au 3ème point d’observation – celui qui surplombe la baie d’abattage – afin de nous préparer à prendre des photos et faire des vidéos pour les diffuser ensuite sur les réseaux sociaux.

Arrivées sur place, c’est l’horreur absolue, nous sommes un peu perdues mais, contre toute attente, nous « tenons mieux le coup » que nous ne l’avions imaginé. On filme, on photographie, on garde les dents serrées. On entend pour la première fois le bruit des marteaux qui frappent sur ces barres en métal, qui désoriente les dauphins. Nous entendons même les rires des chasseurs qui résonnent entre les rochers qui entourent la baie d’abattage. Tout va très vite. Les dauphins se battent pour survivre, le bruit des éclaboussures s’intensifie puis très rapidement plus rien… Un moment de silence qui nous laisse deviner que les dauphins ont tous été tués…

Vient ensuite ce moment où les barques quittent la baie avec les corps. Encore une fois, on met nos sentiments de côté et on court de l’autre côté de la colline pour prendre un maximum de photos. Ces photos s’avèrent cruciales pour le bilan de la chasse et elles permettent ainsi de déterminer l’espèce chassée, ainsi que le nombre d’individus.

Alors que nous sommes tous secoués, chez les chasseurs, aucun état d’âme n’apparaît, tout est millimétré. Nous sommes assez stupéfaites par leur organisation et l’utilisation systématique de bâches pour cacher l’abattage, mais pour cacher également les dépouilles dans les barques et le découpage dans la boucherie.

Après quelques heures, Molly poste un premier bilan sur les réseaux sociaux puis nous rentrons à l’hôtel pour faire un débriefing. C’est un moment éprouvant mais indispensable qui suit chaque battue.

Ce jour-là, 34 dauphins bleus et blancs ont trouvé la mort sous nos yeux…

L’après-midi, nous reprenons les voitures et nous retournons sur Taïji, toujours escortés par la Police. Nous venons observer l’activité autour des enclos en mer. Nous avons assisté à des séances d’entraînement, à des hydratations forcées, à des délivrances médicamenteuses. Le tout sur des dauphins traumatisés par le processus de sélection qu’ils ont subi et, la majorité du temps, par la vision du massacre des membres de leurs groupes.

Là aussi, les scènes sont terribles et nous continuons de serrer les dents.

Dans les jours qui ont suivi, nous avons assisté à quatre autres chasses : trois visaient des dauphins de Risso et une visait des dauphins bleus et blancs.

Avec toujours plus d’horreur, nous avons été témoins d’images difficiles à décrire… Des dauphins se prenant dans les filets et finissant par s’asphyxier. Ces mêmes dauphins qui se retrouvent ensuite attachés par la queue, puis traînés sous les bâches, quitte à ce que la barque chargée de chasseurs leur passe dessus. Mais aussi des dauphins tellement paniqués, qu’ils finissent par se heurter aux rochers, avant de se vider de leur sang. Là encore, sans ménagement, les plongeurs attachent les dauphins aux barques et les emmènent jusqu’à leur mort, bien à l’abri des regards…

La cruauté des chasses n’est pas la seule à laquelle nous nous heurtons à Taïji…

Visite du Taïji Whale Museum :

Ce « musée de la baleine » est le plus gros delphinarium de Taïji. Ici sont parqués des dizaines de dauphins, tous d’espèces différentes et que l’on retrouve dans les quotas de chasse délivrés par le gouvernement japonais.

Nous avons dû payer 1500 yens japonais pour notre ticket d’entrée (avec un goût amer), ce qui représente environ 11€.

Une fois passés les portiques d’entrée et l’énorme boutique à goodies, nous arrivons directement sur les enclos de mer. Nous avons devant nous, une pseudorque, des dauphins de Risso, des globicéphales, des grands dauphins et des dauphins à flancs blanc du Pacifique, toutes espèces mélangées ensemble dans ces minuscules espaces… La scène est difficilement supportable, mais le pire vient lorsque nous nous approchons des animaux sur le ponton. Tout de suite, les dauphins se sont agités, et nous ont réclamé (nous présumons) de la nourriture… Certains réalisaient même des « figures » sans recevoir aucun ordre de notre part… Le regard de ces dauphins en disait long sur leur souffrance… Ils nous ont laissé sur le moment avec une impression d’impuissance. Au même moment, Molly sort la caméra, et filme un dresseur en pleine séance d’hydratation sur un dauphin de Risso.

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Nous quittons ensuite difficilement cet endroit pour continuer la « visite » et ainsi, arriver dans le « tunnel ». Ici se trouvent plusieurs dauphins, notamment 1 grand dauphin albinos (Angel), 2 dauphins à flancs blancs du Pacifique, 1 dauphin de Risso albinos et 2 dauphins communs.

Le bassin est là aussi minuscule et d’une saleté à faire frémir. Certains dauphins stagnent à la surface et d’autres (dont Angel) tournent littéralement en rond.

Angel, c’est une femelle de l’espèce des grands dauphins et qui a la particularité d’être albinos, donc toute blanche. Cette particularité est malheureusement ce qui l’a menée dans ce bassin, il y a 4 ans, alors que toute sa famille a été massacrée devant elle. Depuis, elle tourne en rond ici et se montre curieuse dès qu’une personne entre dans le tunnel. L’ennui doit être immense…

 

A chaque fois que nous quittons un secteur du musée pour en atteindre un autre, nous pensons avoir vu le pire mais nous sommes continuellement surprises. 3ème « secteur », un petit bassin divisé en trois parties, face à des gradins, avec un nombre incalculable de dauphins entassés dedans. Là encore, nous avons été témoins du stress ressenti par ces animaux… Sur la partie de droite, se trouvaient plusieurs dauphins communs. Une des espèces qui ne survit que très peu en captivité. Nous les avons vus tourner en rond à grande vitesse.

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Nous ressortirons bouleversées de cet endroit. Ce Taïji Whale Museum est, sans aucun doute, en haut de liste des pires établissements en terme de souffrance animale.

Sur place, durant ces 2 semaines, nous avons compris que le travail des Cove Monitors est primordial. C’est grâce à leur travail – et notamment les live stream – que de plus en plus de personnes ouvrent les yeux sur ce qu’il se passe à Taïji.

Qui d’entre vous supporterait de savoir que les massacres ont lieu, sans être documentés et rapportés ?

De manière à décompresser un peu avant le retour sur Paris, nous avons passé notre dernière journée à Kyoto et nous en avons profité pour visiter le fameux Golden Temple. Sur place, se tenait une cérémonie bouddhiste qui permettait de formuler un souhait en l’écrivant sur une petite planche en bois. Nous avons formulé un vœu de paix pour les dauphins. La petite planche de bois a ensuite été conduite à un bûcher par un Moine afin qu’elle brûle et que le vœu se matérialise.

 

L’expérience de Valérie et Sandra en quelques mots :

Valérie : je n’oublierai jamais la souffrance des dauphins (captifs & chassés) ainsi que l’indifférence des personnes travaillant dans l’industrie à Taïji (chasseurs & dresseurs) face aux dauphins. 

Sandra : les tout petits enclos d’eau de mer, sortes de « ferme à saumons », dans lesquelles les dauphins sont « stockés » dans l’attente d’être vendus sont profondément marqués dans ma mémoire.  J’ai également été marquée par le nombre de bâches qu’utilisent les chasseurs. Ces bâches servent à tout cacher : la mise à mort des dauphins, les dépouilles des dauphins sur les bateaux et l’entrée de la boucherie. Et puis, il y a la formation caractéristique des bateaux lorsqu’ils ont repéré des dauphins : 12 bateaux en ligne qui forment un escadron de la mort et crachent une fumée noire…

Valérie : j’ai été marquée par la gentillesse des policiers mais également la rencontre avec Kunito & Izumi (deux activistes japonais) et les liens créés avec  l’équipe des Cove Monitors.

Sandra : je n’oublierai jamais les rencontres humaines : ce moment où j’ai montré, à un policier, des vidéos où l’on voit un dauphin solitaire et familier venir au contact des hommes, j’ai vu ses yeux pétiller ; Molly qui a passé 2 mois à Taïji, dont un mois seule, m’a donné beaucoup de force ; Kunito et Izumi qui se battent seuls pour faire changer les choses ; l’équipe des Cove Monitors et nos moments de franche rigolade les jours off.

Valérie : videz-vous la tête quelques jours avant le départ et n’oubliez pas de garder un esprit positif (même si ça semble difficile) de manière à pouvoir travailler objectivement sur place mais également pour les dauphins. Sur place, il est important d’entretenir l’esprit d’équipe avec les Cove Monitors et partager des moments « off » pour souffler.

Sandra : je n’avais jamais eu le courage de regarder un live stream avant de partir donc je doutais énormément de ma capacité à tenir le coup sur place. Je crois que, si j’y suis parvenue, vue mon degré de sensibilité, beaucoup d’autres personnes trouveront la force. Sur place, on se sent utile et ce sentiment change la donne. Profitez des moments off pour faire des choses que vous aimez et qui vous permettront de lâcher prise.

Valérie : enrichissante & éprouvante.

Sandra : une expérience bouleversante, empreinte de positivité malgré tout. Il y a un « avant » et un « après » Taïji. « L’après » renforce la détermination.

Liens utiles ⤵

Agir pour la sauvegarde des dauphins au Japon

Devenir Cove Monitor

 

Afin que nous puissions partager notre témoignage et sensibiliser le public, merci de nous aider à financer des projections du documentaire « The Cove, la baie de la Honte » en faisant un don.

 

 

Photo de Une : Dolphin Project – Molly, Xin, Valérie, Vanessa, Sandra et Jan posant avec la banderole signée par les défenseurs français des dauphins lors du Japan Dolphins Day 2017.
Autres photos : © Réseau-Cétacés. N’hésitez pas à les utiliser, elles ont été prises pour ça mais n’oubliez pas de citer la source, merci.

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