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La famille est primordiale pour la survie des orques

Des biologistes français démontrent, pour la première fois, que « des orques ne peuvent pas vivre seules ». Un comportement social qui existerait aussi chez les éléphants et les babouins.

Dans l’océan Indien, au large de l’archipel Crozet (Terres australes et antarctiques françaises), s’est installée dans les eaux françaises, entre 1996 et 2002, une pêcherie illégale à la légine australe, un poisson à chair blanche, goûteux, et donc cher. Ce braconnage a eu pour effet de décimer la moitié de la population d’orques (de 180 à 90), un prédateur de légines, et de déstructurer leur organisation sociale.

L’orque (Orcinus orqua) est un cétacé à dent (odontocète) vivant en groupes familiaux centrés autour d’une femelle (matriarcat), suivie de sa descendance directe, fils et filles, petits-fils et petites-filles. Or, grâce à un suivi par photo-identification (les orques sont distinguables au moyen de la forme de leur aileron dorsal), une équipe de biologistes du CNRS et de l’Université de La Rochelle a montré que « la survie des orques est directement liée à leur appartenance à un groupe social stable », résume Christophe Guinet, écophysiologiste marin (1).

« Un comportement erratique »

En effet, depuis la fin du braconnage, l’effectif d’orques n’a jamais retrouvé sa valeur d’avant. Pourquoi ? Les scientifiques ont pu montrer que les « survivantes d’une famille décimée adoptent un comportement social erratique », passant d’un groupe social à l’autre sans être vraiment accueillies dans l’un d’eux.

« Moins ces associations sont durables, plus forte est la probabilité pour les orques de mourir, observe Christophe Guinet. Ces individus n’étant vraisemblablement pas pleinement admis par les groupes sociaux qu’ils visitent, ils n’auraient pas accès à la même quantité de nourriture et finiraient par dépérir », poursuit-il. En clair, « les orques ne peuvent pas vivre seules », estime le chercheur.

Activité humaine et organisation sociale d’une espèce

« Cette découverte met en évidence, pour la première fois, les conséquences à long terme d’un événement – ici une activité humaine illégale – ayant affecté la survie et l’organisation sociale d’une espèce de mammifère sauvage », conclut Christophe Guinet.

Cette observation est en train d’être démontrée chez des mammifères terrestres, comme les éléphants et les babouins. En effet, en Afrique, « l’expérience a amené les biologistes de la conservation chargés de la régulation des populations dans les parcs nationaux à supprimer une horde entière plutôt que de laisser vivants quelques individus qui, de fait, n’arrivaient pas à s’intégrer à un groupe par la suite », précise le chercheur.

Aujourd’hui « le taux de survie des orques de Crozet remonte, mais on n’a pas encore retrouvé l’effectif initial », note le biologiste. La zone française est bien surveillée et les palangriers sud-américains mis à l’amende, confisqués voire sabordés. Mais les zones périphériques internationales, où la pêche n’est pas illégale mais non autorisée, sont toujours fréquentées par des pêcheurs sans vergogne, ainsi que les biologistes du CNRS peuvent régulièrement le voir grâce aux mini-radars embarqués sur les albatros.

(1) Publié le 20 mai 2019 dans PNAS.

Source : la-croix.com, le 21.05.19
Photo : Christopher Michel, commons.wikimedia.org

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