Les dauphins sont connus pour être des animaux très sociaux qui se réunissent en groupes organisés et complexes. C’est également le cas d’autres cétacés comme les baleines à bosse, les orques mais aussi les bélugas (Delphinapterus leucas). C’est ce que confirme une nouvelle étude menée par une équipe internationale de chercheurs et publiée dans la revue Scientific Reports.

On savait déjà que ces mammifères marins reconnaissables à leur corps entièrement blanc sont très grégaires. Ils vivent en groupes composés de quelques à plusieurs dizaines voire centaines d’individus et possèdent un répertoire vocal sophistiqué. Autant de particularités qui suggèrent que, comme d’autres cétacés, les bélugas forment des sociétés complexes.

Jusqu’ici, la vie sociale de ces animaux restait toutefois relativement méconnue. C’est pour combler ces lacunes que des scientifiques ont entrepris une vaste étude afin d’analyser les comportements de groupe, leurs relations, leurs dynamiques ainsi que les parentés entre leurs membres. Des recherches inédites qu’ils ont menées dans dix régions et différents habitats à travers l’Arctique.

Des membres apparentés ou non

Les bélugas étudiés comprenaient aussi bien des petits groupes résidents que des populations insulaires réduites ou des grandes populations migratrices. Et les résultats ont livré des conclusions inattendues. Non seulement, les baleines blanches interagissent régulièrement avec leurs parents proches mais elles s’associent aussi à long terme à des individus plus éloignés voire qui ne leur sont pas apparentés.

Au sein des différents habitats, les chercheurs ont ainsi constaté que les cétacés forment une grande variété de types de rassemblements. Certains ne sont composés que de duos mère-petit, d’autres ne comptent que des mâles adultes apparentés ou non quand d’autres encore comprennent des individus d’âge et de sexe mélangés.

« Contrairement aux orques et aux globicéphales, et comme certaines sociétés humaines, les bélugas n’interagissent pas uniquement et principalement avec leurs parents proches », explique dans un communiqué Greg O’Corry-Crowe, professeur au Harbor Branch Oceanographic Institute de la Florida Atlantic University et principal auteur de l’étude. « A travers une grande variété d’habitats et au sein des populations migratrices et résidentes, ils forment des communautés d’individus de tous âges et des deux sexes qui atteignent régulièrement des centaines et potentiellement des milliers d’individus », a-t-il poursuivi.

Et contrairement à ce qu’on pensait, ils ne semblent pas présenter un système particulièrement matrilinéaire.

Un système matrilinéaire bousculé

Des hypothèses avançaient en effet que, comme les orques ou les éléphants, les bélugas nouaient des relations étroites autour de femelles qui leur étaient apparentées. Mais les observations ont bousculé cette théorie. Les petits comme les grands groupes comprenaient des individus qui n’étaient pas étroitement liés et les relations mises en évidence impliquaient davantage des parentés paternelles que maternelles.

D’après les scientifiques, ces variations suggèrent que les bélugas présentent une société de type « fission-fusion », autrement dit des groupes qui se composent et se séparent, en fonction du contexte social, écologique ou comportemental.

« Mais elles peuvent aussi être le reflet d’une société à multiples niveaux plus rigide comprenant des unités sociales stables qui se réunissent et se séparent régulièrement », a précisé Greg O’Corry-Crowe.

Ces recherches ouvrent de nouvelles voies vers une meilleure compréhension de la vie sociale des bélugas mais de nombreuses zones d’ombre demeurent. Le spécialiste suggère par exemple que la communication vocale très développée des bélugas pourrait les aider à garder un contact acoustique avec leurs proches même lorsqu’ils ne sont pas rassemblés. Mais la théorie demeure à confirmer.

Les mécanismes à l’origine de la formation des différents groupes restent également à élucider.

« Les relations que nous avons constatées entre le type de groupe, le comportement, les dynamiques et la parenté indiquent que les éléments moteurs derrière la structure sociale des bélugas sont complexes », écrivent les auteurs dans leur rapport.

Mieux les connaitre pour mieux évaluer les menaces

En plus de révéler la complexité sociale de l’espèce, ces conclusions pourraient aider à mieux évaluer les menaces qui pèsent sur elle et donc mieux la protéger. Elles suggèrent ainsi par exemple qu’au vu des groupes formés par les cétacés, la mort de mâles ou de femelles âgés pourrait avoir plus de conséquences que prévu sur la population affectée et sa capacité d’adaptation.

« Cette nouvelle compréhension sur les raisons pour lesquelles les individus forment des groupes sociaux […] aidera, avec espoir, à promouvoir de nouvelles recherches sur la résilience des espèces et comment elles peuvent réagir à des menaces émergentes telles que le changement climatique », a conclu Greg O’Corry-Crowe.

Source : Geo.fr – Publié le 13.07.2020
Vidéo de une : Youtube

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