Les orques ont une apparence facilement reconnaissable. Elles arborent un dos noir, un ventre blanc et surtout une tache blanche caractéristique située à proximité de l’œil. Mais c’est un spécimen beaucoup plus insolite que des chercheurs ont observé au large des côtes sud de l’Alaska : une orque dont la peau est apparue entièrement blanche.

C’est alors qu’elle se trouvait début août à bord d’un navire au large du village de Kake, sur l’île Kupreanof, que Stéphanie Hayes a repéré le groupe d’orques. Les cétacés évoluaient à environ 400 mètres du bateau. En s’approchant, l’équipage a constaté que l’un des spécimens sortaient du lot et semblaient « briller » plus que les autres dans les eaux.

Ils ont rapidement compris pourquoi quand ils ont réalisé que l’orque n’avait pas la même apparence que ses congénères. « Il y a eu un sursaut collectif parmi tous ceux qui se trouvaient à l’avant » du navire, a raconté la doctorante de l’université de l’Alaska de Fairbanks. Ayant étudié les cétacés par le passé, elle n’a pas tardé à réaliser le caractère très spécial de cette observation.

Selon la biologiste spécialisée dans la vie marine, à peine dix orques blanches auraient été répertoriées jusqu’ici. « C’est une observation unique », a-t-elle expliqué sur son compte Instagram. « Un rêve qui devient réalité », a-t-elle renchéri auprès de CBC News. En 45 ans de navigation, Dennis Rogers, propriétaire de Alaska Sea Adventures qui était aux commandes du bateau, n’avait jamais vu ça non plus.

Alors, quelques jours plus tard, quand il a de nouveau observé l’orque blanche, il s’est empressé de prévenir Stéphanie Hayes. Arrivée sur place, elle a constaté que le spécimen se trouvait toujours au sein de groupe, connu sous le nom de T046, à environ 100 mètres des côtes et a profité de cette seconde occasion pour prendre de nouvelles photos.

Un spécimen atteint de leucisme

En raison de leur rareté, on dispose de très peu d’informations au sujet de ces spécimens. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’orque blanche ne souffre pas d’albinisme mais d’une autre anomalie appelée leucisme ou leucistisme. Comme l’albinisme, ce trouble affecte la pigmentation de la peau, des poils, etc. mais à la différence du premier, il n’aboutit pas à des individus dépourvus de toute coloration.

En observant de plus près les photographies captées par Stéphanie Hayes, on peut d’ailleurs s’apercevoir que le spécimen n’est pas complètement blanc. On distingue bien sa tache au niveau de l’œil tandis que le reste de son corps apparaît comme délavé. C’est pourquoi, dans le cas présent, la biologiste a défini le leucisme comme « un manque d’éclat » dans la pigmentation.

Cette anomalie est causée par une mutation affectant un gène associé à la pigmentation. Mais il s’agit d’un défaut récessif. Autrement dit, chaque parent doit transmettre le gène muté à leur enfant pour que celui-ci soit atteint de leucisme. C’est ce qui explique que cette particularité soit si rare et que certains facteurs tels que la consanguinité puissent augmenter sa fréquence.

Un mâle âgé de deux ans

Après quelques recherches, Stéphanie Hayes s’est aperçue que le spécimen n’était pas totalement inconnu des scientifiques. Il aurait déjà été observé par une équipe de Colombie-britannique. L’individu serait un mâle âgé d’environ deux ans qui n’a pas encore quitté son groupe familial connu pour voyager de l’Alaska à l’Oregon.

« Voir ce groupe emmener leurs plus jeunes membres et leur montrer l’étendue de leur territoire est vraiment excitant », a commenté la biologiste pour CBC. Le jeune mâle a été nommé Tl’uk, un mot signifiant « lune » dans le dialecte halq’eméylem, la langue parlée par les peuples salishes qui vivent dans le nord-ouest du Pacifique.

Le leucisme peut être délétère pour les individus qui en sont atteints et affecter leurs capacités de survie. En raison de leur coloration claire, ils sont généralement plus visibles dans leur environnement, ce qui peut rendre les proies plus vulnérables face aux prédateurs ou inversement, rendre la chasse plus difficile pour ces derniers.

Il est également possible que les individus leucistiques soient rejetés par leurs congénères. Ça ne semble pas être le cas ici puisque Tl’uk est apparu en bonne santé chassant les phoques parmi les siens. Sa coloration pourrait toutefois lui poser quelques problèmes à l’avenir. « Un nouveau groupe pourrait ne pas l’accepter après qu’il a atteint sa maturité sexuelle », a confirmé la spécialiste.

Une opportunité rare pour en savoir plus

Le jeune mâle pourrait ainsi constituer une opportunité précieuse pour en savoir plus sur le développement de ces spécimens rares.

« Les scientifiques peuvent avoir un aperçu d’eux mais ils n’en ont jamais eu un aussi proche dont vous pouvez vraiment suivre le développement », a-t-elle relevé, soulignant la chance qu’elle a eu non seulement d’en voir un mais de pouvoir l’observer chasser au sein de son groupe.

Si les orques ont pour le moment disparu de la zone, elle ne désespère donc pas que les cétacés fassent leur réapparition. Elle a appelé quiconque observerait le spécimen blanc à prendre une photo, noter le lieu et à l’envoyer aux institutions locales spécialisées afin que les scientifiques en apprennent davantage sur l’animal et sa particularité.

« Ce serait vraiment formidable d’être capable de répondre à des questions basiques sur les orques atteintes de leucisme et d’observer un merveilleux groupe grandir », a-t-elle conclu pour CBC.

Source : Geo.fr – Publié le 20.08.2020
Photo de une : Facebook

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