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Le premier nouveau-né de baleine noire de l’année retrouvé mort

À peine né et déjà mort. La saison des naissances des baleines noires de l’Atlantique nord débute cette année avec un premier baleineau décédé, ont annoncé lundi les scientifiques américains. Une énième mauvaise nouvelle pour cette espèce en voie de disparition qui fréquente assidûment le Saint-Laurent et qui a connu des mortalités très importantes au cours des dernières années, notamment en eaux canadiennes.

Selon les informations publiées lundi après-midi par l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), le baleineau âgé d’à peine quelques jours a été retrouvé mort sur le rivage d’une île située près des côtes de la Caroline du Nord. Par voie de communiqué, la NOAA a évoqué « un début dévastateur » pour la saison des naissances, qui se déroule de la fin de novembre et le début du mois de mars, principalement au large des côtes des États de la Géorgie et de la Floride.

« Chaque naissance apporte un espoir pour cette espèce en danger critique d’extinction, alors que chaque décès comme celui-ci a un impact significatif sur le rétablissement », a résumé l’agence, qui est responsable de la protection des mammifères marins dans les eaux américaines.

Plus tôt cette année, un autre baleineau avait été retrouvé mort. Le jeune animal avait été frappé à deux reprises par des navires en l’espace de quelques semaines, au large de la côte est américaine.

Cette nouvelle mauvaise nouvelle s’ajoute aux très lourdes pertes subies au cours des dernières années par cette population menacée. Alors que les évaluations de la NOAA faisaient état l’an dernier d’une population d’environ 400 bêtes, le plus récent bilan mis à jour en octobre estime qu’il ne subsiste pas plus que 366 baleines noires de l’Atlantique nord.

Cela comprend moins de 100 femelles en âge de se reproduire, ce qui est de mauvais augure, en raison du rythme de reproduction relativement lent de ce cétacé.

« Les femelles donnent naissance à un seul baleineau à la fois, à partir de l’âge de dix ans, en moyenne », et on peut compter plusieurs années entre chaque naissance, selon le Comité sur la situation des espèces en péril du gouvernement du Canada.

Reproduction en déclin

Pour la saison des naissances 2019-2020, les experts avaient recensé une dizaine de baleineaux. Ce chiffre se situait nettement sous la moyenne des dernières années, exception faite de la saison 2017-2018, au cours de laquelle aucun baleineau n’avait vu le jour. Sur la période 2007-2017, la moyenne annuelle était de 18 baleineaux, avec des pointes à 22 en 2013, 22 en 2011 et 39 en 2009.

Selon le North Atlantic Right Whale Consortium (NARWC), qui regroupe des scientifiques canadiens et américains, le taux de reproduction a nettement reculé au cours des dernières années, si bien que « les faibles naissances chaque année ont éliminé la capacité de la population à croître et faire face à la mortalité causée par les humains ».

« Beaucoup de femelles peuvent être incapables d’accumuler assez de graisse pour réussir à tomber enceintes ou mener une grossesse à terme en raison de possibles réductions de la disponibilité de la nourriture et d’un effort accru pour trouver de la nourriture », avance le regroupement.

Selon les chercheurs du New England Aquarium, qui étudie l’espèce depuis plus de 30 ans, il est aussi possible que des femelles qui ont subi un empêtrement dans des engins de pêche ne soient pas en mesure de se reproduire, en raison des répercussions importantes sur leur condition physique.

Pour les scientifiques, les mauvaises nouvelles des dernières années sont d’autant inquiétantes que les efforts des dernières décennies ont démontré qu’il était possible de faire croître la population. On ne comptait que 275 individus au début des années 1990. Mais grâce à des mesures de protection importantes mises en place dans les eaux américaines, dont des modifications des routes de navigation, des règles pour la pêche commerciale ainsi qu’un système de surveillance, la population avait atteint 500 individus en 2010.

Mortalités exceptionnelles

La situation de la baleine noire, qui est surtout victime de collisions avec des navires et d’empêtrements dans des engins de pêche, s’est aggravée en raison de mortalités exceptionnelles dans les eaux canadiennes. En 2017, pas moins de 17 baleines noires adultes ont été retrouvées mortes, dont 12 dans les eaux canadiennes. Un total de 10 baleines noires sont mortes en 2019, dont une femelle qui s’était empêtrée à au moins quatre reprises en 15 ans.

La NOAA calcule aujourd’hui qu’un total de 32 baleines sont mortes en trois ans, en plus d’une dizaine de baleines observées empêtrées ou « sévèrement blessées ».

« Cela représente environ 10 % de la population, ce qui implique un impact négatif significatif pour une espèce en danger critique », insiste l’organisation.

Selon un récent rapport de l’Institut océanographique Woods Hole, 85 % des décès de baleines noires entre 2010 et 2015 étaient imputables à des empêtrements. De plus, les taux de cas d’accrochages mortels et non mortels sont en hausse.

Le Canada a d’ailleurs dû mettre en place des mesures sans précédent de protection de la baleine noire, après les mortalités records de ces animaux dans le golfe du Saint-Laurent. Une zone de pêche peut être fermée si une baleine y est observée et des limites de vitesse ont été imposées dans certains secteurs. De la surveillance aérienne est prévue pour suivre les déplacements des animaux dans le golfe.

Il faut dire que 124 baleines noires ont été observées cette année (essentiellement durant l’été) dans les eaux canadiennes, soit le tiers de toute la population, qui migre ensuite le long de la côte est américaine à l’automne.

Au-delà de la possibilité d’éviter la disparition de la baleine noire, les mesures de protection de l’espèce mises en place en eaux canadiennes sont aussi importantes pour protéger l’accès à un marché américain vital pour les pêcheurs, et notamment pour le crabe des neiges et le homard.

Les mortalités de baleines noires menacent en effet l’accès à ce marché. La législation américaine Marine Mammal Protection Act (MMPA) impose à l’industrie de la pêche, des États-Unis ou d’ailleurs, de démontrer que ses activités ne mettent pas en péril les mammifères marins. Si cette démonstration n’est pas faite, les Américains sont en droit de « bannir les importations » des produits de la pêche.

Source : Le Devoir – Publié le 23.11.2020
Photo de une : Wikipedia

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