AYUKAWAHAMA – Dans son restaurant niché au coeur de ce port baleinier du nord du Japon, Katsuji Furuuchi découpe une fine tranche de viande rouge et une lamelle de graisse qu’il dépose délicatement sur une boulette de riz vinaigré, avant d’enrouler le tout d’un ruban d’algue.

« La viande de baleine est un mets raffiné, et c’est la seule façon d’offrir des sushi de baleine à nos clients », explique-t-il, debout derrière le comptoir de son échoppe dont les murs sont couverts de figurines de baleines.

Ayukawahama, située au nord-est de l’île principale de Honshu, était autrefois un grand port baleinier. Les vieux habitants se souviennent de la puanteur qui se dégageait des carcasses de cétacés après leur dépeçage dans la rade dont les eaux prenaient la couleur écarlate du sang des baleines.

dolphin slaughter japan (C) Okinawa Soba_Flickr.jpg

Mais l’activité du port est en net déclin depuis l’interdiction de la pêche commerciale imposée en 1986. Les pêcheurs peuvent encore participer deux fois par an à des campagnes de chasse dans le Pacifique destinées à « la recherche scientifique », seule entorse accordée par la Commission Baleinière Internationale (CBI).

Aujourd’hui, Ayukawahama a des allures de ville à l’abandon. Sa population s’est rétrécie des trois-quarts depuis les années 60 et ne compte plus que 4.000 habitants, dont une quarantaine seulement travaille encore dans l’industrie de la baleine.

M. Furuuchi se plaint des difficultés pour s’approvisionner en chair de baleine, dont le volume a encore baissé cette année en raison des campagnes de harcèlement des écologistes dans l’Antarctique.

« La consommation reste basse parce qu’il n’y a pas suffisamment d’offre, pas parce qu’il n’y a pas de demande », affirme-t-il. « Si la viande était disponible et moins chère, j’en vendrais beaucoup plus. »

Le Japon pêche chaque année plusieurs centaines de baleines pour étudier leur évolution, et une partie de cette viande est vendue par les canaux officiels.

La poursuite de cette pratique est désapprouvée par beaucoup de pays dans le monde, et la question va de nouveau être discutée lors de la conférence annuelle de la CBI qui se tient cette semaine au Maroc.

Comme beaucoup de Japonais, M. Furuuchi considère que la viande de baleine est une nourriture comme une autre.

« Les Japonais mangent de la baleine depuis la Restauration de l’empereur Meiji (1868) et c’est dur de penser qu’on pourrait ne plus jamais en manger », dit-il.

Pour les vieux Japonais, qui mangeaient du bacon de baleine pendant les dures années de privation qui ont suivi la fin de la Deuxième Guerre, c’est un plat teinté de nostalgie. Pour les jeunes générations, c’est devenu une curiosité gastronomique coûteuse qu’ils ne s’offrent qu’occasionnellement.

La viande est servie le plus souvent crue, en sashimi ou sushi, ou bien encore frite dans du beurre, bouillie dans la sauce de soja, trempée dans un shabu-shabu (sorte de fondue) et plus récemment, hachée en accompagnement de spaghettis ou en brochette.

Un kilo de viande pêchée et congelée en Antarctique est vendu environ 3.000 yens (27 euros). La baleine pêchée près des côtes du Japon, plus tendre, se vend elle plus du double, à 7.000 yens (63 euros) le kilo.

La partie la plus grasse située dans la queue est la plus recherchée : Un morceau s’est vendu récemment au prix de 100.000 yens (900 euros) le kilo.

Beaucoup de résidents locaux espèrent que la CBI acceptera la reprise de la pêche commerciale le long des côtes du Japon en échange d’une réduction de la chasse dans l’Antarctique.

« Le Japon devrait démontrer par des voies scientifiques qu’on peut continuer à chasser la baleine », estime Toshihiro Saito, 59 ans, un commerçant de la ville. « C’est insolent de la part de certains pays de vouloir nous imposer ce qu’on doit manger. »

Source : google.com (20.06.10)

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