Le projet est supervisé par le Dr Bernd Würsig ; il vise à mesurer l’impact de l’écotourisme sur les Dusky Dolphins (Lagénorhynques obscurs) en Nouvelle-Zélande. Le projet a débuté il y a une douzaine d’années ; il semble prouver qu’il n’y a pas d’effet négatif sur les dauphins, en tout cas actuellement. Néanmoins, l’écotourisme augmente d’année en année, il est donc essentiel de continuer la surveillance et les mesures sur le terrain. Pratiquement, les volontaires sont divisés en deux équipes : la première à bord d’un zodiaque, la seconde sur la falaise. L’équipe sur le bateau est chargée de suivre un groupe de dauphins, de prendre des photos des nageoires dorsales pour l’identification, mais aussi de dénombrer le nombre d’individus et de juvéniles dans les groupes et d’observer leur comportement. L’équipe sur la falaise repère les groupes de dauphins à l’aide de jumelles, ensuite elle mesure les déplacements relatifs des dauphins et des bateaux à l’aide d’un théodolite. La péninsule de Kaïkoura est un lieu tout à fait exceptionnel où les hauts fonds sont très proches des côtes. L’océan y est riche en plancton, en algues gigantesques, en crustacés, et en poissons. De nombreux cétacés s’y retrouvent tout au long de l’année. Pas étonnant que cette ville soit devenue la Mecque du whale watching avec plus d’un million de touristes par an ! Pour ce qui est du tourisme, les opérateurs se répartissent de la façon suivante : Les “whale-watchers” ont de gros catamarans à moteur qui vont assez loin en mer à la rencontre des cachalots. “Dolphins Encounter” de son côté propose des sorties dans la baie sur de plus petits bateaux avec lesquels on peut aller observer et aussi nager avec les dauphins. Finalement, et cela m’a fort surpris, une compagnie propose de découvrir les baleines à l’aide d’avion ou d’hélicoptère. Tous ses opérateurs se sont auto-réglementés en s’imposant des limites comme :

– pas plus de trois bateaux autour d’un groupe de dauphins,
– ne jamais couper la route des cétacés,
– ne jamais approcher à moins de 50m des baleines,
– ne jamais survoler les baleines à trop basse altitude,
– pas de sorties en mer entre 12h et 14h,
– pas plus d’une douzaine de nageurs avec un groupe de dauphins.

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(Photo : André Heughebaert)

Comme l’écotourisme est la principale activité de la ville, ces règles sont relativement bien respectées.  Les Duskies sont des dauphins très sociables, ils vivent en groupe de 10 à 40 individus, mais certains jours nous nous retrouvions entourés de plusieurs centaines de dauphins. C’est difficile de savoir pourquoi de tels rassemblements ont lieu, mais cela laisse toujours un souvenir extraordinaire : celui d’être invité chez eux, dans un autre monde, de se sentir tout petit, perdu au sein d’une société bien organisée et tellement différente des rassemblements d’humains. Les Duskies nagent souvent de concert par deux ou par trois en se frôlant ou même en se touchant. Nous avons même eu l’occasion d’assister furtivement à un accouplement. Cela a été si rapide que certains n’ont pas eu le temps de le voir ! Ils sont parfois très individualistes dans leurs acrobaties. Ils semblent adorer se lancer dans l’air et retomber sur le coté. Il nous est arrivé de voir un seul dauphin répéter le même saut une douzaine de fois d’affilée. L’amplitude du saut va en diminuant ce qui est probablement dû à l’effort que le dauphin doit fournir à chaque saut. Ces dauphins sont très nombreux au large de Kaïkoura et nous en voyons à chaque sortie en mer.

Ils peuvent rester une heure sur place si cela leur chante, ils peuvent tout aussi bien disparaître d’une minute à l’autre sans raison apparente pour nous. Chaque rencontre est différente, il faut apprendre à s’en satisfaire et à profiter de chacune d’elles, telles qu’elles se présentent… comme un cadeau inestimable. Un jour alors qu’ils venaient de disparaître brusquement, on nous a signalé qu’un pod d’une quinzaine d’orques entrait dans la baie… Les mâles, de par leurs dimensions, avec leurs nageoires dorsales de près de 2 mètres, sont très impressionnants. Même de loin, il est impossible de les confondre avec n’importe quel autre cétacé ou animal marin. Les orques nagent en groupe de manière très synchrone, ils viennent tous respirer en même temps dans un ballet majestueux qui force le respect et l’admiration.

A l’opposé, les dauphins d’Hector sont très amusants. Leur petite taille (1m50) et leurs nageoires arrondies leurs donnent une attitude très joviale, presque enfantine. Ils se rencontrent dans les eaux peu profondes, à quelques dizaines de mètres seulement de la côte. Ils adorent suivre le bateau lorsque celui-ci va suffisamment vite. Si nous réduisons la vitesse, cela ne les intéresse plus et ils s’en vont. Ils vont par petits groupes de quelques individus. Ils sont très rapides et changent rapidement de direction. Difficile de les suivre et de garder le contact visuel. Après le travail sur le terrain, il fallait entrer les données dans l’ordinateur, consulter le catalogue de photos afin d’essayer de reconnaître les dauphins, une tâche laborieuse mais nécessaire si l’on veut recouper les observations et identifier les individus qui reviennent régulièrement dans la baie de Kaïkoura. Le soir nous avions droit à une présentation sur les cétacés, sur la protection de la nature en général ou encore sur la protection d’une espèce en danger : les tortues marines ou les phoques à fourrure. L’ambiance était très agréable et c’est avec une certaine mélancolie que notre équipe s’est dissoute pour faire place aux volontaires de l’équipe suivante. Je suis ravi de cette expérience, où j’ai pu approcher des dauphins en liberté et apprendre tant de choses sur les cétacés, les dangers qui les menacent d’extinction et les moyens que nous pouvons mettre en place pour les sauver.

En savoir plus : Earthwach

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