LOS ANGELES (AP) – Officiellement sauvées de l’extinction depuis 1994, les baleines grises font le bonheur des touristes qui se pressent pour les regarder passer le long des côtes de Californie. Mais les experts s’inquiètent du nombre anormalement bas d’individus repérés cette année.

Les observations sont tombées de 25 baleines les bons jours il y a cinq ans à cinq cette saison, ce qui fait à nouveau craindre pour l’avenir de ces géants de la mer. Pourtant, le gouvernement américain a relâché sa surveillance et la Commission Baleinière Internationale (CBI) envisagera en juin d’autoriser des autochtones russes et amérindiens à tuer 1.400 baleines d’ici 2020, sur la foi d’un rapport controversé qui estime cette population florissante.

L’étude se fonde sur des évaluations datant de 1967, et seuls trois recensements ont été conduits depuis dix ans, le dernier en 2006. Or depuis, le nombre estimé de baleineaux a dégringolé, de plus de 1.000 en 2006 à 312 en 2009, et plusieurs milliers de baleines sont mortes en 2000. « On ne peut pas fixer de quotas sur dix ans en se basant sur des chiffres de 2006. C’est irresponsable », s’indigne Sara Wan, membre de la Coalition de la baleine grise de Californie et commissaire côtière régionale.

L’Administration Nationale Océanique et Atmosphérique (NOAA) vient de recenser les baleines grises à la demande de la Commission côtière de Californie, mais ne rendra son analyse que longtemps après la décision de la CBI.

Les scientifiques de la NOAA assurent que leurs estimations sont fiables et qu’un recul des naissances pourrait refléter une adaptation naturelle du cheptel. La population reste plus que deux fois plus nombreuse que dans les années 1960 et est à peu près stable depuis 20 ans, affirme Paul Wade, l’un des auteurs de l’étude et membre du comité scientifique de la Commission. « S’il y a vraiment un déclin important, cela ne se fera pas du jour au lendemain. Nous le verrons », estime-t-il. 

 

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Pour le recensement, les biologistes s’installent sur la côte de Californie et comptent les cétacés adultes qui nagent vers le sud. Les baleineaux sont comptabilisés lors de la migration vers le nord, et les chiffres sont extrapolés pour évaluer la population totale et surveiller la reproduction. Les baleines grises migrent par milliers à l’automne, de l’Alaska à la Basse-Californie, sur la côte nord-ouest du Mexique, puis vers le nord entre février et mai. Elles passent l’été dans la mer de Béring et l’océan Arctique.

Quand elles ont été classées espèce en voie d’extinction en 1970, on estimait qu’il n’en restait que 12.000. Grâce à un moratoire sur la chasse commerciale et une surveillance étroite, la population est remontée jusqu’à plus de 20.000. On les pensait sorties d’affaire. D’annuels, les recensements se sont espacés de cinq ans, et les fonds spécifiques d’environ 170.000 dollars (124.500 euros) ont été supprimés.

Le recensement de 2006 faisait état d’environ 2.500 baleines grises, d’où les chercheurs en avaient estimé la population totale à environ 20.000 individus, mais le recensement le plus récent des baleineaux, qui date de 2009, a révélé le nombre le plus bas depuis 2001. « Ces chiffres sont inquiétants », estime Randy Reeves, qui dirige le groupe des spécialistes des cétacés à l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).

Pas de quoi s’affoler, rétorque Wayne Perryman, superviseur du recensement des baleines grises à la NOAA, qui suppose une corrélation entre la baisse des taux de reproduction et les hivers plus froids, où la glace empêche les cétacés de rejoindre leurs réserves alimentaires.

La CBI autorise les autochtones russes de Tchoukotka et les Indiens Makah de l’Etat de Washington (nord-ouest des Etats-Unis) à chasser 140 baleines grises par an et envisage cette fois de reconduire ce quota pour dix ans, au lieu de cinq habituellement.

Douglas De Master, commissaire adjoint de la délégation américaine, souligne que ce nombre représente moins d’1% de la population estimée, mais Liz Alter, biologiste marine au Conseil de défense des ressources naturelles, tire la sonnette d’alarme. « Etant donné que nous avons peu de moyens de prédire l’impact du changement climatique, de l’acidification des océans et d’autres menaces sur la population de baleines dans les prochaines années, il me semble imprudent de fixer des quotas de chasse sur d’aussi longues périodes », prévient-elle.

Source : nouvelobs.com (07.05.10)

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