Au XVe siècle déjà, certains savants d’Europe supposaient que les fameuses « cornes de licorne » vendues en Europe appartenaient à un animal marin et au cours du XVIe siècle, quelques écrits y firent référence sans être remarqués, les auteurs s’étonnèrent que les « cornes de licorne » semblent venir d’Angleterre, du Danemark ou d’Islande. Ambroise Paré pensait dans son Discours de la licorne que ces « cornes » étaient en réalité des défenses de morses. Les récits de voyageurs maritimes regorgeaient aussi d’exploits attribués à des bêtes aquatiques à cornes, le navigateur anglais Martin Frobisher décrivit ainsi une rencontre avec une « licorne de mer » en 1577. Des rapports d’observation comme celui du camphruch d’André Thevet firent de la licorne une créature aquatique, ce qui la rapprocha du cétacé qu’est le narval. La première mention d’un narval cornu figure dans un ouvrage savant de 1607 en ces termes « La chair du Nahwal fait soudain mourir celui qui en mange, et il a une dent de sept coudées sur l’inférieure partie de la tête. Aucuns l’ont vendue pour corne de monocéros, et croit-on qu’elle résiste aux venins. Cette bestiasse a quarante aulnes de longueurs ». Une autre description détaillée du narval paraît en 1645, mais sans faire le lien entre ce mammifère marin et la licorne.
En 1704, le lien est établi entre la défense du narval et la « corne de licorne » grâce à un célèbre dessin comparant un narval, le squelette reconstitué de licorne et une représentation équine de la licorne, avec la défense du narval au-dessous, sous le nom d’ unicornu officinale. La licorne est classée comme une créature légendaire sous le nom d’unicornu fictium. Au fil du temps, et avec la montée du rationalisme, l’opinion générale fut que la licorne n’existait pas, et que toutes les « cornes de licorne » qui s’échangeaient jusque-là étaient en réalité des dents de narval particulières, poussant dans la partie gauche de la mâchoire de cet animal. Le narval vit au large du Groenland, dans les eaux glacées de l’Arctique, ce qui rend son étude difficile. La défense du narval fut longtemps considérée comme une corne et non pas comme une dent, probablement en raison d’un refus de la dissymétrie selon Carl von Linné dans son Systema Naturae. Le narval est nommé depuis la « licorne de mer », la découverte de ce mammifère marin fit s’effondrer le cours des « cornes de licorne » et mit à terme fin à leur commerce, mais elle ne fut pas fatale à la licorne, car jusqu’au milieu du XIXe siècle, de courageux explorateurs, cryptozoologues avant l’heure, la recherchèrent dans des lieux inaccessibles : au centre de l’Afrique, en Inde, au Tibet…
Aujourd’hui, il nous faut admettre que si la corne de licorne existe, ce n’est pas dans ce monde…
Tsaag Valren
Source : mythologica.net