Nicolas Guichoux est le directeur Europe du MSC (Marine Stewardship Council), le principal programme international de certification et d’éco-étiquetage des produits de la pêche. Il s’est confié à notre rédaction.

Nicolas GUICHOUX, très présent dans les pays germaniques et d’Europe du Nord, l’éco-label MSC est désormais aussi bien implanté dans l’Hexagone. Quelles ont été les principales étapes de cette percée ?

L’enjeu pour le MSC à ses débuts en France a été – avec des moyens très limités – de susciter l’intérêt des pêcheurs et de l’ensemble de la filière. La démarche de certification est en effet quelque chose de relativement nouveau pour ce secteur et il a fallu démontrer le sérieux, la crédibilité et l’intérêt de notre programme. Ce qui est aujourd’hui réussi, avec déjà deux pêcheries certifiées, quatre autres en cours d’évaluation, et plus de 400 produits portant le logo bleu.

Le ministère de l’Écologie contribue-t-il à favoriser votre présence et votre popularité sur le territoire ?

Le MSC est un organisme à but non-lucratif et indépendant mais notre approche dans chaque pays est de collaborer avec tous les acteurs de la filière y compris, si possible, les ministères. Il y a en effet de nombreuses possibilités de coopération. Maintenant que nous avons une petite équipe en place en France, avec à sa tête Edouard Le Bart, nous comptons être plus pro-actifs afin de développer ces relations.

Nous avons notamment été ravis de voir que l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a récemment intégré l’écolabel MSC dans ses recommandations pour un repas de Noël plus responsable, ce qui constitue un soutien important de la part d’un organisme public.

Basée à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), la pêcherie de lieu noir de l’armement EURONOR a été la première du pays à se voir attribuer la certification MSC. Quels critères faut-il remplir pour la recevoir ?

La certification MSC est établie après l’évaluation de la pêcherie par un organisme et des experts indépendants. Les pratiques de pêche sont notées selon trois grands principes fondamentaux : l’état de santé du stock de poissons, le respect des écosystèmes et des habitats et enfin le système de gestion efficace de la pêcherie. Chaque principe est ensuite décliné en indicateurs très précis… dont je vous épargnerai ici l’énumération exhaustive mais que vous pouvez trouver sur notre site www.msc.org. Tursiops -Play -Brasil (C) FLickr.jpg« 60 % des produits de la mer consommés en France sont achetés en grande surface »

D’autres pêcheries françaises pourraient-elles l’obtenir cette année ?

Quatre pêcheries sont actuellement en cours d’évaluation : le homard du Cotentin (Manche) et de Jersey, le lieu noir pêché par deux armements bretons, la légine dans les eaux de Kerguelen et Crozet (au sud de l’océan Indien) et le cabillaud et églefin ciblés par deux armements français dans la zone nord-est arctique. Nous attendons les résultats de ces évaluations avec impatience et espérons que de nouvelles pêcheries se joindront bientôt au programme.

Vous collaborez avec plusieurs marques réputées comme Carrefour, Findus et Labeyrie. Quelles autres grandes enseignes françaises pourraient s’associer à vos efforts en 2011 ?

Nous travaillons déjà avec d’autres acteurs de la grande distribution, qui est pour nous un maillon clé de la filière dans la mesure où 60% des produits de la mer consommés en France sont achetés en grande surface. Des enseignes comme Monoprix, Casino et Aldi proposent elles aussi des produits certifiés et d’autres groupes de distribution mais aussi de restauration vont bientôt suivre le mouvement. L’ensemble des produits disponibles en France sont exposés sur notre site.

L’éco-responsabilité des consommateurs est elle aussi fondamentale…

Leur rôle est très important. Ils peuvent en effet influencer le marché à travers leurs choix et leurs actes d’achat. L’application d’un éco-label sur les produits permet de leur faciliter la vie, eux qui ont peu de temps et sont très souvent confus au moment d’acheter un produit en raison des choix multiples qui leur sont proposés. L’objectif du MSC est qu’à terme la durabilité des pêches devienne un critère d’achat aussi important que le prix ou la qualité pour les consommateurs. Cela prendra bien entendu du temps mais nous avons déjà constaté, grâce à nos succès dans d’autres pays, que l’utilisation des forces du marché est un outil efficace pour contribuer à une meilleure gestion des pêcheries et ainsi à une plus grande protection de l’environnement.

Avec cet objectif en tête, nous organisons par exemple du 17 au 23 février prochains une opération de sensibilisation en magasins baptisée «  Les Jours Bleus ». En partenariat avec le groupe Carrefour et les marques Findus et Labeyrie, nous souhaitons mobiliser les consommateurs en faveur de produits certifiés MSC.

« Le MSC est le seul programme d’éco-label et de certification environnementale pour la pêche sauvage reconnu au niveau international »

Dans quelles zones du globe l’écolabel MSC doit-il encore gagner en notoriété ?

En France bien sûr, où nous devons encore réaliser un important travail de sensibilisation auprès des consommateurs et de la filière, mais aussi en Europe du Sud, dans des Etats comme l’Italie, le Portugal et l’Espagne. Ces pays sont les plus grands consommateurs de produits de la mer sur le Vieux Continent et sont donc des marchés importants à sensibiliser. Notre champ d’action est cependant mondial et des efforts conséquents seront donc aussi consentis en Asie, sachant que nous sommes déjà présents au Japon et dans les pays émergents, lesquels s’intéressent de plus en plus au développement durable.

En ce qui concerne les pêcheries, de gros efforts on été accomplis pour adapter notre méthodologie d’évaluation aux pays en développement (PED) et aux petites pêcheries en particulier, qui souvent ne possèdent pas les données scientifiques nécessaires à une évaluation dite « classique ».

Une étude commandée par le WWF et réalisée par le cabinet de conseil indépendant Accenture Development Partnerships a désigné le label MSC comme étant le meilleur programme d’éco-labellisation et de certification des produits de la mer issus de la pêche sauvage. Qu’est-ce qui selon vous fait la différence entre le label MSC et ses concurrents ?

Le MSC est aujourd’hui le seul programme d’écolabel et de certification environnementale pour la pêche sauvage reconnu au niveau international. En matière de certification des pêcheries, c’est aussi le seul qui répond aux exigences de bonne conduite pour la mise en place de référentiels sociaux et environnementaux de l’ISEAL (Alliance Internationale d’Accréditation et d’Etiquetage Social et Environnemental).

Le MSC est par ailleurs l’unique organisation qui respecte les directives pour l’étiquetage écologique des produits de la pêche établies par la FAO (Food and Agriculture Organization). Ces critères comprennent notamment une évaluation objective des pêcheries par un tiers, basée sur des preuves scientifiques, des processus transparents, consultatifs et ouverts à opposition ainsi que des normes basées sur la durabilité des espèces, des écosystèmes et des pratiques de gestion.

À la suite de critiques formulées en septembre dernier par le scientifique Daniel Pauly et certains membres du Scripps Institution of Oceanography, lesquelles portaient sur l’octroi des certifications à de grandes entreprises à leurs yeux suspicieuses, vous avez insisté sur la nécessité d’« adapter l’effort de pêche ». Par quels moyens le label MSC peut-il y parvenir ?

De nombreux facteurs influencent l’évolution d’un stock de poisson, par exemple le changement de température des océans. La baisse d’un stock n’est donc pas forcément due à la surpêche. Une pêcherie bien gérée adaptera son effort de pêche suivant les recommandations des scientifiques en fonction de l’évolution de ce stock… Pour faire simple, si les stocks baissent, la pression de pêche doit baisser et s’ils augmentent, les quantités pêchées peuvent être revues à la hausse. Nos détracteurs nous reprochaient de maintenir la certification du colin d’Alaska parce que les stocks avaient chuté fortement entre 2004 et 2009 mais il faut noter que les quotas définis par les scientifiques avaient aussi diminué en conséquence. Ces bonnes pratiques de gestion payent puisque la dernière évaluation a révélé que les stocks de colin d’Alaska en Mer de Béring ont doublé depuis 2009, ce qui a permis de relever le quota pour cette année. Des hausses similaires se sont produites dans d’autres pêcheries qui elles aussi avaient été pointées du doigt.

« Le futur des océans est entre nos mains à tous »

Alors que l’opinion publique mondiale est aujourd’hui très sensibilisée au sort de cette espèce, la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction) s’est opposée lors de la conférence de Doha (Qatar) en mars à l’inscription du thon rouge à son Annexe I. En fin d’année l’ICCAT (Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique) lui a en quelque sorte emboîté le pas en adoptant des réductions a minima des quotas de pêche. Deux décisions qui ont fait couler beaucoup d’encre…

En tant que programme de certification, le MSC se doit d’être impartial et a donc pour principe d’éviter tout commentaire sur le système de gestion de pêcheries qui ne sont pas en évaluation ou certifiées. Comme je l’ai indiqué, l’un des principes de base pour une bonne gestion des pêches est le suivi des recommandations scientifiques. Lorsque les quotas sont systématiquement établis au-delà de ces recommandations, cela aboutit très souvent sur le long terme à la raréfaction de la ressource, voire pire… Les principes du MSC sont basés sur l’utilisation de la meilleure information scientifique disponible et sur les meilleures pratiques reconnues en termes de gestion de pêcheries.

Le rapport que vient de publier la FAO sur la situation mondiale des aquacultures et de la pêche fait état d’une consommation record de poisson en 2008. L’éco-label MSC ne pouvant remédier seul à la dégradation des ressources halieutiques, quelles décisions préconisez-vous pour endiguer cet inquiétant phénomène ?

Le MSC n’est en effet qu’une solution parmi d’autres. Le programme est volontaire et ouvert à tous mais certaines pêcheries bien gérées et durables ne voient pas d’intérêt particulier à solliciter une certification ou une éco-labellisation, choix que nous respectons entièrement.

Nous sommes convaincus que la solution réside dans des approches collaboratives et une compréhension mutuelle à échelle mondiale, pas seulement dans les pays développés. Pêcheurs, défenseurs de l’environnement, institutions publiques, distributeurs et autres parties prenantes de chaque pays doivent apprendre à travailler ensembleet trouver des solutions. Le futur des océans est entre nos mains à tous.

Source : zegreenweb.com  (14.02.11)   

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