Des niveaux de radioactivité très élevés, 100 à 1000 fois la normale, ont été mesurés au large de Fukushima-Daiichi. L’ONG Greenpeace tente de réaliser ses propres mesures. Récit de notre correspondante au Japon.
Des niveaux de radioactivité de 100 à 1000 fois plus élevés que la normale dans l’océan, voilà ce que révèlent les mesures réalisées au large de la centrale nucléaire de Fukushima.
Alors qu »on pensait que les niveaux de radioactivité baissaient régulièrement, deux échantillons prélevés le vendredi 29 avril par Tepco, l’opérateur de la centrale, recèlent des taux de radioactivité très préoccupants : entre 98 et 190 becquerels/kg d’iode radioactive et entre 1200 et 1400 becquerels de césium radioactif. Fuites radioactives
Les échantillons ont été prélevés à 20-30 mètres de profondeur, à trois kilomètres au large des communes de Minamisoma et de Naraha, soit environ à 15 – 20 kilomètres de la centrale endommagée. L’origine de cette eau contaminée doit encore être définie. Tepco indique qu’elle peut provenir de fuites radioactives de la centrale ou de particules radioactives présentes dans l’air qui seraient retombées dans l’océan.
« Ces résultats sont très inquiétants, estime Ike Teuling, experte en radiation de Greenpeace, à bord du Rainbow Warrior actuellement au large de Fukushima. Le césium radioactif pourrait rester au fond de l’océan pendant des centaines d’années ». Le césium 137 a en effet une durée de demi-vie de l’ordre de 30 ans (lire Radioactivité, la forte capacité d’absorption des océans )
Résultats contraires à la baisse attendue
Des mesures en mer sont effectuées quotidiennement par Tepco – en général dans le cercle des 30 kilomètres sauf deux points de prélèvement situés au-delà – et par le ministère de l’Education et des Sciences japonais qui réalise des mesures au-delà du périmètre des 30 kilomètres.
Le Raimbow Warrior de l’ONG Greenpeace est au large de la centrale nucléaire de Fukushima pour réaliser des mesures sur la contamination de l’océan. Greenpeace
Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, « l’analyse de presque tous les prélèvements (au-delà du cercle des 30 kilomètres) montre une baisse générale des niveaux de concentration en particules radioactives ». Plus près de la centrale, dans les prélèvements menés près du réacteur 2, la concentration en césium avait considérablement diminué. Surtout, l’AIEA s’attendait à ce que les niveaux mesurés initialement baissent rapidement du fait de la «dilution de la radioactivité vers les couches plus profondes de l?océan et par dispersion du fait des courants marins». Ces nouveaux résultats prennent de cours les pronostics.
Recherches bloquées
Depuis mardi, une équipe de Greenpeace (23 personnes, dont deux experts en radioactivité) tente par ailleurs de réaliser des contre-mesures de radioactivité en mer. Mais elle n’a pas reçu l’autorisation d’entrer dans le périmètre des 20 kilomètres autour de la centrale. «On bloque nos recherches, assène Ike Teuling, une des expertes à bord jointe par Sciences et Avenir. On a besoin de pouvoir s’approcher de la centrale pour obtenir des résultats plus intéressants. C’est d’ailleurs étrange qu’ils dévoilent des données sur des prélèvements réalisés dans la zone des 20 kilomètres alors qu’on demande à y accéder depuis plusieurs jours».
Contrainte de rester au-delà des 20 kilomètres, l’ONG basée aux Pays-Bas réalise des prélèvements d’eau de mer à 10 mètres de profondeur, collecte des algues qui flottent à la surface de l’eau et enfin récupère des poissons de la part des pêcheurs. Greenpeace n’a pas de plongeurs à bord et n’a pas prévu de collecter des échantillons de sédiments. « Nous n’avons croisé qu’un seul bateau de pêche, ils nous ont donné cinq poissons », précise Ike Teuling. La pêche dans la zone des 20 kilomètres autour de la centrale nucléaire et interdite. Depuis le 20 avril, le Japon a formellement interdit la vente et la consommation de lançons après que des taux de radioactivité anormalement élevés ont été mesurés sur un poisson de cette espèce.
Greenpeace doit rendre public ses résultats en milieu de semaine prochaine. « Les gens ont besoin de mesures indépendantes, estime Ike Teuling. Ils n’ont plus confiance en Tepco. Et ils ont besoin de savoir quelles vont être les implications de ces mesures pour leur vie quotidienne, et pour la pêche notamment ».
Source : sciencesetavenir.fr (06.05.11)
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