La Commission européenne vient de lancer ses objectifs de la décennie pour éviter les «changements catastrophiques» induits par l’érosion de la biodiversité et la dégradation des écosystèmes.
L’Union européenne s’est donné une mission : stopper net la perte de biodiversité en Europe d’ici à 2020. Et même, d’ici à 2050, restaurer peu à peu ce « capital naturel » : un capital car, au-delà de sa valeur intrinsèque, c’est la valeur économique de la nature qui, de plus en plus, motive sa préservation. La plupart des activités humaines sont dépendantes des écosystèmes qui nous rendent, dit la Commission européenne, un tas de « services », de l’eau à l’alimentation en passant par une fonction non négligeable : la « récréation ».
L’objectif décennal est ambitieux. Surtout quand on sait, selon la Commission toujours, que le rythme d’extinction des espèces est aujourd’hui de 100 à 1000 fois supérieur au taux normal, et ce en grande partie à cause des activités humaines. Selon la liste rouge de l’UICN, 38% des animaux de la planète sont menacés de disparition. En Europe, on s’en sort un peu mieux, mais le bilan n’est pas non plus glorieux : un quart des espèces sont menacées. Et les politiques actuelles de protection de la biodiversité ne portent pas assez leurs fruits : 90% des écosystèmes et plus de 80% des habitats et des espèces protégés en UE sont en mauvais état. Selon l’UICN, en France, le macareux moine est en danger critique d’extinction. Et un quart des oiseaux nicheurs pourrait disparaître du pays. Six objectifs
Face à l’ampleur des dégâts, l’UE a donc un plan :• Mieux protéger les oiseaux et les milieux naturels. L’ambition : arriver en 2020 avec notamment 50% de plus d’espèces volatiles et deux fois plus d’habitats préservés.
• Restaurer 15% des écosystèmes dégradés. Une solution serait d’aménager des corridors de nature pour relier les zones protégées, et étoffer des milieux naturels à l’étroit entre les routes et les immeubles.
• Intégrer, dans la révision de la PAC (Politique agricole commune) et dans la politique forestière, des critères pour rendre ces activités plus vertes et plus durables.
• Réduire les captures de pêche en introduisant des quotas, selon l’âge des poissons et la taille de leur population. Aujourd’hui, 88% des réserves halieutiques de l’UE sont surexploitées.
• Lutter contre les espèces exotiques invasives, sans hésiter à éradiquer celles identifiées comme les plus redoutables. En UE, ces espèces menacent presque un quart des plantes indigènes, et coûtent 12,5 milliards d’euros de dommages par an.
• Augmenter la contribution de l’UE à la lutte contre l’érosion de la biodiversité dans le monde.
« Pas de mesures contraignantes »
Autant de grands objectifs, chiffrés pour certains… « Mais on reste globalement dans une déclaration d’intention, sans mesure concrète ni contraignante, » réagit Sandrine Bélier, députée européenne EELV, visiblement déçue par la nouvelle feuille de route de l’UE. En fait, selon elle, cette stratégie pêche par manque de maturité : on est resté au même stade que lors du Sommet de Nagoya sur la biodiversité, en octobre 2010, qui avait déjà dicté certains de ces objectifs noir sur blanc. Aujourd’hui, l’heure est – ou du moins devrait être – à envisager les moyens pour les mettre en oeuvre : « Au lieu de recommander des critères de durabilité dans la PAC, pourquoi ne pas dire, aujourd’hui, quels sont précisément ces critères et comment les appliquer ? Pourquoi ne pas proposer, par exemple, de supprimer les aides au développement régional dans les pays qui ne respectent pas les zones Natura 2000 ? »
Ces 25 000 zones Natura 2000 – qui couvrent 18% des terres de l’UE – sont l’une des principales avancées de la précédente feuille de route 2001-2010. Mais, selon la députée, leur mise en œuvre est loin d’être réglée partout. Plus généralement, les derniers objectifs de l’UE ont largement démontré leur inefficacité. Constat d’échec de la Commission européenne dans son bilan 2010 : « L’objectif d’enrayer la perte de biodiversité en Europe d’ici à 2010 n’a pas été atteint. En outre, il est estimé que les services écosystémiques en Europe sont dans un état inégal ou dégradé, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent plus offrir la qualité et la quantité de services de base telles que la pollinisation des cultures et la propreté de l’air et de l’eau. »Espérons que dans 10 ans, le bilan sera moins sévère.
Source : terra-economica.info (05.05.11)