En 1998, la quasi-totalité du fiord du Saguenay ainsi qu’une large bande du fleuve Saint-Laurent à l’embouchure du Saguenay ont reçu le statut de parc marin, une désignation destinée à protéger l’exceptionnelle diversité biologique de cette zone où se rencontrent eaux douces et eaux salées.Pas moins de 13 espèces de mammifères marins viennent s’alimenter dans ces eaux et près de la moitié d’entre elles sont considérées comme menacées. La région est également très fréquentée par un mammifère terrestre, l’être humain. Les quelque 1000 rorquals, bélougas, baleines à bosse et baleines bleues qui nagent dans ces eaux attirent chaque année des touristes qui font plus de 10 000 excursions d’observation en mer, sans compter les 5000 cargos qui franchissent annuellement le parc marin traversé par la voie maritime.  t-Laurent_ On ne manquera pas de relever le nombre important de mammifères marins s’y déplaçant_.jpgEn 2002, le parc a adopté des normes pour règlementer la vitesse des bateaux d’excursion, la distance permise entre eux et les baleines ainsi que la durée d’observation d’un même animal, le tout pour réduire les pressions exercées par cette activité touristique sur les baleines.

Certaines espèces, comme les baleines à bosse, sont particulièrement ciblées et seulement une petite partie de l’estuaire du Saint-Laurent est protégée par la règlementation.

De nouvelles mesures doivent entrer en vigueur en 2012 et le succès de l’ensemble repose à la fois sur la coopération des capitaines de bateaux et sur une bonne connaissance de la dynamique fort complexe de tous les éléments en présence: nombre de navires et de baleines, endroits où les uns et les autres passent, courants, marées, météo, facteurs humains, impératifs économiques des cargos, etc.

Pour être en mesure de bien gérer la situation, Parcs Canada a fait appel à l’expertise du Département de géographie de l’Université de Montréal, qui a conçu un programme informatique d’aide à la prise de décision en pareille situation.

«L’objectif est de réduire les risques de collision avec les baleines tout en tenant compte des conséquences pour l’industrie et le transport maritime», précise Lael Parrott, qui a dirigé l’équipe de travail. Le modèle, conçu dans son laboratoire de systèmes complexes, reproduit la cartographie de l’estuaire, les mouvements de cinq espèces de mammifères (petit rorqual, rorqual commun, bélouga, baleine à bosse et baleine bleue), la présence et les déplacements de trois types de navires (plaisance, excursion et transport maritime) ainsi que les conditions environnementales. Neuf scénarios ont été élaborés afin d’observer les effets de diverses prises de décision.

Le système est basé sur les conditions réelles observées durant deux semaines en juillet et aout 2007 et tient compte des comportements humains relevés au cours d’entrevues avec les capitaines et les pilotes.

Diminuer la vitesse

On sait que les baleines se tiennent principalement près de la côte des Escoumins, où elles viennent s’alimenter dans une immense fosse marine. C’est aussi là que les cargos s’approchent de la côte pour laisser monter les pilotes de la voie maritime qui prennent alors les commandes du navire.

«Il existe peu de données sur le nombre de collisions parce que les pilotes ne se rendent pas compte des impacts et parce que les carcasses coulent, souligne Clément Chion, doctorant qui a consacré une partie de ses travaux à l’élaboration de ce modèle. Mais plusieurs “quasi-collisions” sont rapportées et ces accrochages font partie des menaces qui pèsent sur le rétablissement de certaines espèces. Pour diminuer ce risque, nous pouvons jouer sur deux facteurs, soit la vitesse des cargos et leur trajectoire.»

La vitesse maximale des cargos dans le parc est de 25 nœuds (46 km/h). À cette vitesse, 100 % des collisions sont réputées mortelles. À la hauteur des Escoumins, la vitesse est réduite à 12 nœuds et le risque de mortalité en cas de collisions est alors de 50 %. «Il faut limiter la vitesse à 10 nœuds pour abaisser à 35 % le taux de mortalité lors de collisions», précise le chercheur.

Une autre possibilité est d’imposer aux cargos un détour de trois kilomètres vers le sud afin d’éviter qu’ils longent trop longtemps la côte des Escoumins et l’embouchure du Saguenay. Le modèle montre que ce scénario ne réduit que de très peu le risque de collision dans la zone des Escoumins alors que le risque est accru pour les bélougas qui nagent au centre du fleuve ou plus près de la côte sud. Comme on le sait, la population de bélougas est très fragile, le troupeau ne s’étant pas rétabli malgré la fin de la chasse dans les années 70.

Un tel outil s’avère donc fort précieux pour guider les décideurs dans l’adoption de nouvelles règles. Les autorités du parc, qui ont participé à la conception du système, se disent très satisfaites des résultats obtenus à ce jour. L’équipe de Lael Parrott poursuit ses travaux dans le but d’ajouter d’autres données au modèle, notamment la vitesse des courants ainsi que l’effet de la dynamique des eaux douces et salées sur la présence des mammifères.

On peut avoir un aperçu de cette modélisation sur le site du Laboratoire de systèmes complexes (geog.umontreal.ca/syscomplex) à l’onglet du projet 3MTSim.

Daniel Baril

Source : nouvelles.umontreal.ca (03.10.11)

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