Sur la côte sud-ouest de Maurice, au large de la baie de Tamarin résident des groupes de cachalots. Des passionnés emmènent des écotouristes à la rencontre de ces géants. Recherche, observation et mise à l’eau : une expérience d’une rare intensité.   

 «Je ne pourrai jamais oublier, c’était magique!» Le regard perdu sur l’horizon, le sourire jusqu’aux oreilles, les cheveux ruisselants, Véronique a l’impression d’avoir rêvé. Il y a cinq minutes, elle nageait au milieu d’un groupe de femelles cachalots et leurs bébés. Dans la famille des mammifères marins, le grand cachalot est la plus grosse des baleines à dents. La femelle mature mesure 12 m et pèse 30 à 40 tonnes. Le mâle atteint 18 m, et 50 à 60 tonnes. Dix fois le poids d’un éléphant! Avec sa grande tête lisse et carrée, qui occupe près d’un tiers de son corps plissé, ses nageoires pectorales en forme de palettes et sa bouche soulignée de blanc, le cachalot n’a pas la grâce de certaines baleines. Son attitude débonnaire et pacifique le rend sympathique. Il vit dans tous les océans du globe. Mais rares sont les endroits où l’on peut l’approcher. «A l’île Maurice, nous avons la chance d’avoir entre Port-Louis et Le Morne, à quelques kilomètres de la côte sud-ouest, des fonds jusqu’à 2000 m. Dans ces canyons marins, il y a beaucoup de calmars géants très appréciés des cachalots, explique le skipper Alain Dubois. En novembre, décembre, mars et avril, on les voit presque tous les jours. Parfois, ils descendent plus au sud, dans des houles où nos bateaux ne peuvent pas s’aventurer.» Passionné par les cétacés, Alain Dubois travaille pour Dolswim, un prestataire mauricien spécialiste des sorties en mer.

Depuis près de dix ans, il va ainsi avec des touristes, à la rencontre des cachalots. À Maurice pourtant, ces géants sont peu connus des populations côtières et les pêcheurs, craintifs, restent à bonne distance. Au village de Flic-en-Flac, ils disent que les cachalots sont les sous-marins qui protègent l’île. D’autres les appellent «les camions du sucre», parce que ces mammifères sont aussi énormes que les poids lourds transportant la canne…

Si les sorties dauphins constituent aujourd’hui la majorité de l’activité de Dolswim, les rencontres avec les cachalots gardent la préférence d’Alain Dubois: «Ce sont des moments toujours différents, et chaque fois très excitants», confie-t-il. Depuis quatre ans, il partage cette exaltation avec Michel Vély, un vétérinaire français installé à Tamarin. Ses différents postes en Afrique et dans l’océan Indien occidental lui ont permis d’approcher de nombreux cétacés. Il a fondé, avec d’autres passionnés, l’association Megaptera pour la connaissance, l’observation et la conservation des mammifères marins. Poussé par 180 CV, le bateau baptisé Moby Dick file sur l’eau calme du lagon. La plage de Rivière-Noire s’éloigne rapidement. Christofer – skipper mauricien de 25 ans – explique: «Avec l’hydrophone directionnel, on écoute les clics que les cachalots émettent pour chercher leurs proies, et pour communiquer entre eux. On peut savoir quelle direction prendre pour les rejoindre.» Parfois, le cachalot se cache «Au repos, à 10 m de fond, il n’émet aucun son. On peut passer à côté d’un groupe sans le voir.»

Soudain, à 5 nautiques (9 kilomètres) de la côte: «Cachalots droit devant!» lance Alain. L’instinct de ces spécialistes chevronnés est bluffant. «Quand les cachalots font des breachs (sauts spectaculaires), on les aperçoit à 1 km», assure Alain. Moteurs au ralenti, l’embarcation s’approche doucement d’un premier groupe de trois individus. Michel Vély les mitraille et note les coordonnées GPS pour identifier les individus. Leurs dos lisses luisent au soleil. Leurs nez carrés sortent de l’eau, puis leurs corps ondulent; ils plongent lentement, exhibant leurs larges nageoires caudales. «Souvent, le cachalot sort sa tête de l’eau, nous regarde et choisit de changer de direction ou de sonder, explique le plongeur Hugues Vitry. Les cachalots décident. S’ils veulent nous laisser approcher tant mieux, sinon tant pis», poursuit Alain qui a su transmettre à son équipe une pratique du tourisme baleinier responsable: ne pas toucher les animaux, ne pas leur barrer la route, ne pas séparer une maman d’un petit… du bon sens.Un second groupe de six mammifères tranquilles accepte la présence du bateau. Alain les observe longuement puis propose la mise à l’eau. Le coeur battant, Julien et Caroline, des Français de Montélimar, enfilent palmes, masque et tuba. Accompagnés par Christofer, ils se glissent sans bruit dans l’eau. Dernières recommandations de Michel: «Restez groupés, nagez doucement, les bras le long du corps, les palmes bien dans l’eau. Les frappes en surface peuvent effrayer les animaux.» Le spectacle commence. Dans le bleu intense du large, les rayons du soleil fuient vers les profondeurs abyssales. On entend les clics saccadés des cachalots, mais rien n’apparaît dans le champ de vision. On perd rapidement le sens de l’orientation.

«À gauche, ils arrivent!» Toute appréhension disparaît…

Depuis le bateau, Alain donne des indications: «Àgauche! ils arrivent vers vous!» On cherche les mammifères en surface. Ils ont plongé. Et soudain, trois grandes silhouettes sombres passent à 10 m de fond. Toute appréhension disparaît. Les cachalots nagent sur le dos, laissant voir de grands dessins blancs sur leurs abdomens. Avec une aisance fabuleuse, les mammifères s’enfoncent en silence dans le bleu profond. Le temps semble suspendu.Bon apnéiste, Christofer descend vers le reste du groupe: des femelles et leurs petits. L’une d’elles est en train d’allaiter. Il entend des clics très rapprochés, comme le son d’une machine à écrire. Par ce «coda», une maman appelle ses «cachaloteaux», qui se rapprochent. Impossible de les suivre même en palmant vite. «C’est un privilège qu’ils nous tolèrent à leurs côtés pendant quelques instants», assure Sylvie, membre de Megaptera. Elle n’oubliera jamais cette fois improbable où elle s’est mise à l’eau au milieu d’un groupe d’une douzaine de cachalots se reposant en «chandelle» (position verticale). C’était au cours de sa grossesse: «Les femelles, avec leur sonar naturel, ont dû sentir quelque chose de différent chez moi. Elles se sont approchées tout près, puis sont parties dans une danse les unes autour des autres, c’était vraiment très beau.»

Source & contacts utiles pour organiser un voyage : lefigaro.fr  (01.03.12)  Plus d’infos sur l’espèce & fiche pédagogique téléchargeable : Le grand cachalot Actualité récente en rapport :Mayotte invite les plongeurs dans son Parc naturel marin…   Destination la Dominique : danse avec les cachalots…    

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