Hatay, Turkey (CNN) – Deux dauphins ont été remis en liberté cette semaine après des années de captivité. Ils avaient été secourus d’un bassin crasseux dans une station touristique Turque.
Jusqu’ici, les deux mâles ont dépassé les espérances de leurs entraineurs : Les transmetteurs GPS indiquent que Tom et Misha ont parcouru plus de 150 kilomètres, et ils ont été vus chassant en équipe et interagissant avec d’autres dauphins sauvages.
« C’est incroyable de les voir se déplacer autant et si rapidement, » raconte Jeff Foster, un expert en mammifères marins de Seattle, USA qui a supervisé la réhabilitation des dauphins et leur préparation pour le monde sauvage.
« Nous supposons qu’ils retournent à l’endroit où vivait leur groupe. En tous cas, ils sont en mission, » selon Foster.Foster a parlé avec la CNN par téléphone depuis un voilier dans la Mer Égée, où son équipe et lui suivent les dauphins à l’aide des transmetteurs GPS placés sur leur nageoire dorsale. A cause du mauvais temps, l’équipe n’a pas été en mesure de garder un contact direct avec les dauphins depuis leur libération mercredi, mais ils les suivent par satellite.
Foster soupçonne que les dauphins retournent en toute hâte vers les eaux avoisinant la ville Turque de Izmir, où l’on pense qu’ils auraient été capturés il y a des années.
Tom et Misha font partie d’un programme onéreux, ambitieux et risqué, sponsorisé par la Born Free Foundation (Fondation Né Libre), qui veut prouver que les dauphins captifs peuvent être relâchés dans le monde sauvage.
Pendant plus d’un an, Foster et son équipe ont travaillé dans une petite baie de la Mer Égée, apprenant aux dauphins à attraper leur propre nourriture. Selon lui, l’entrainement intensif était nécessaire pour que les dauphins puissent par la suite se débrouiller tous seuls.
« C’est comme si vous relâchez votre chien dans les bois. Si vous ne le préparez pas à ça, ça ne marchera jamais. »
Foster raconte que lorsqu’il fit la connaissance de ces dauphins il y a plus d’un an, ils ne mangeaient que si un humain plaçait le poisson mort directement dans leur bouche.
« On mettait des milliers de poissons dans leur enclos et ils ne les remarquaient même pas. Ils étaient tellement habitués à recevoir leurs poissons de la main d’un humain qu’ils ne reconnaissaient pas un poisson comme source de nourriture. »
Foster a eu une expérience similaire avant cela, avec un programme de libération très en vue qui s’est finalement terminé en échec. C’était il y a plus de 10 ans, un effort de plusieurs millions de dollars pour préparer l’orque Keiko, star du film « Sauvez Willy », en vue de le relâcher dans l’océan.
Moins d’un an après sa libération, Keiko est mort près des côtes Norvégiennes. Mais Foster est convaincu que Tom et Misha ont des chances de survie bien plus grandes.
« Ces animaux n’ont pas été en captivité aussi longtemps que Keiko. Keiko a passé plus de 20 ans enfermé, la majeure partie du temps tout seul dans un bassin, » explique Foster.
Tom et Misha ont environ 12 ans selon les estimations, et auraient été capturés dans la Mer Égée il y a cinq ou six ans.
« Ils ont probablement passé la majeure partie de leur vie en liberté. De plus, le fait que ce soit deux mâles nous permet de développer un esprit de compétition pour la nourriture… Ce sont des candidats idéaux pour être restitués à la vie sauvage. »
Tom et Misha ont commencé à attirer l’attention des défenseurs des droits des animaux en 2010. A l’époque, ils étaient gardés dans une station touristique Turque, où les touristes payaient pour nager avec eux dans une piscine crasseuse et peu profonde.
« Cette piscine de Hisarony en Turquie, où Tom et Misha ont passé les mois d’été de 2010, contenait une si grande quantité de bactérie que c’était un danger significatif pour la santé des dauphins et celle des touristes insouciants qui nageaient avec eux, » écrit Shirley Galligan, porte-parole de la Born Free Foundation, dans un courriel à la CNN. « L’eau était crasseuse, avec des matières fécales, des poissons morts et une couche de boue au fond. »
D’après Born Free, l’organisme à but non lucratif basé au Royaume Uni, les dauphins étaient maigres et dépourvus d’enthousiasme, ils n’auraient pas survécu bien longtemps dans la piscine qui de plus « avait été construite à la hâte et menaçait de s’effondrer. »
Une coalition de groupes de protection de l’environnement fit campagne afin de sauver les animaux et de les transporter à l’arrière d’un camion vers un enclos de la Mer Égée.
Dans les derniers jours précédant leur remise en liberté, Foster et son équipe placèrent des émetteurs GPS spécialement conçus sur la nageoire dorsale de Tom et Misha. Ces émetteurs, de la taille d’un téléphone portable, transmettent la position des dauphins par satellite et radio à haute fréquence (VHF).
Les sponsors du programme admettent qu’il n’y a aucune garantie de succès.
Selon le courriel de Galligan, « il n’y a eu que quelques programmes remises en liberté et leurs résultats sont mitigés, rendre un animal captif à la vie sauvage n’est jamais sans risque. »
L’une des expériences concluantes de réintroduction de cétacé impliqua Springer, une orque femelle orpheline. Foster faisait partie de l’équipe qui aida à la réhabilitation de l’animal alors squelettique, avant de la réintroduire dans un groupe d’orques au large de la côte Pacifique du Canada il y a une dizaine d’années. Selon les rapports, elle n’a cessé de parcourir ces eaux et de se développer depuis ce jour.
Michael Moore est expert en en mammifères marins à l’institut Woods Hole Oceanographic Institution, il parle des challenges que Tom et Misha vont rencontrer lors d’un entretien téléphonique avec la CNN.
« Peuvent-ils briser le lien avec les humains, et recréer ce lien avec d’autres dauphins sauvages ? C’est ironique parce que si ces animaux sont relâchés dans le monde sauvage, c’est un grand et méchant monde qui les attend, et ils devront apprendre à ne pas s’emmêler dans les filets de pêche. »
D’après Moore, la libération de Tom et Misha n’aura quasiment aucun impact sur la population de dauphins sauvages, qui fait face à l’assaut des filets de pêches, aux bancs de poissons décimés et à la pollution marine.
Mais lui et d’autres experts en dauphins disent que le succès de la réintroduction pourrait augmenter la conscience de la Turquie sur la biodiversité et donner l’exemple pour l’industrie du spectacle de mammifères marins, qui pèse plusieurs milliards de dollars.
Il y a eu une forte augmentation du nombre de « dolphinariums » et de programmes de « nage avec dauphins » dans toute la Turquie cette dernière décennie.
« La Turquie est une destination touristique magnifique et très courue, répond malheureusement à la demande du public pour les ‘expériences avec des dauphins’ en fournissant plus de lieux avec des dauphins captifs que partout ailleurs en Europe. Et les conditions sont en général assez sommaires, » écrit Galligan de la fondation Born Free.
Born Free n’a pas annoncé publiquement le jour où Tom et Misha seraient relâchés afin de les protéger des regards curieux. Mercredi, après que les plongeurs aient retiré la dernière barrière les séparant de la liberté, les deux dauphins ont hésité un peu.
Foster raconte que les deux animaux sont restés dans l’enclos une quinzaine de minutes après que les barrières aient été ouvertes pendant que les entraineurs leur indiquaient la sortie, ajoutant que ce sont des animaux prudents.
Les caméras sous-marines des plongeurs montrent Tom se tournant lentement avant de prendre le large, rejoint par Misha peu après.
Dans les heures suivantes, l’équipe de Born Free photographia Misha retournant un gros poisson hors de l’eau. Et puis ils furent témoins d’une scène étrange d’un dauphin à la surface de l’eau, ça a pris du temps pour identifier l’animal par sa nageoire dorsale.
« C’était un dauphin complètement différent ! » raconte Fisher. « Un dauphin seul qui jouait avec Misha. A peine quatre ou cinq heures après leur libération, ils chassaient des poissons et interagissaient avec des dauphins sauvages. Au delà de toutes nos espérances. »
Bien que ce comportement soit plein de promesse, Born Free ne crie pas encore victoire.
« Nous devons rester prudent, » annonce l’organisation sur son site web (en anglais). « Il y a encore du chemin avant d’être 100% sûrs que Tom et Misha se sont réadaptés complètement à la vie sauvage. »
Article original : After years in captivity, dolphins released

Source :  tahiti-infos.com  (23.01.12) 

 

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