Une équipe de spécialistes de la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal a procédé à la nécropsie du jeune béluga retrouvé sur une plage de Saint-Fabien-sur-Mer, mercredi dernier. Les spécialistes espèrent que cette dissection et le prélèvement d’échantillons leur permettront de comprendre pourquoi autant d’animaux marins sont morts cette année. La baleine, qui s’est échouée à Saint-Fabien-sur-Mer, est le 24e béluga retrouvé mort cet été sur les rives du Saint-Laurent. L’animal, un jeune de quelques années, est par contre un peu plus âgé que la majorité des carcasses retrouvées en 2012 En effet, l’été aura été marqué par la découverte de 16 carcasses de veaux, soit des bélugas âgés de quelques jours. C’est exceptionnel, commente Stéphane Lair, professeur en médecine zoologique à l’Université de Montréal et directeur du Centre québécois sur la santé des animaux sauvages. Dissection d’une baleineDepuis 30 ans, les bélugas échoués sont transportés à Saint-Hyacinthe où on tente d’établir la cause de leur décès. C’est donc l’équipe du Dr Lair qui a examiné la carcasse de la baleine retrouvée cette semaine. Les étapes d’une nécropsie d’une baleine sont sensiblement les mêmes que pour d’autres animaux ou celles d’une autopsie pour l’homme. L’équipe examine la carcasse, découpe l’animal, inspecte les organes, prélève des échantillons qui seront ensuite examinés au microscope. « Ce qu’il faut comprendre, c’est un peu comme si on avait une photo qui nous était soumise et qu’avec cette photo, on devait raconter le film de la mort de cet animal », résume le Dr Lair. « Par exemple, poursuit le spécialiste, si vous avez un béluga qui a été frappé par un bateau, on peut voir des fractures de côtes. On peut voir des abcès au niveau du foie, un changement de morphologie au niveau de la rate, etc. » La baleine disséquée, une femelle, est probablement morte d’une pneumonie, selon le spécialiste en médecine vétérinaire. Ce dernier explique qu’il s’agit d’une des deux principales causes de mortalité habituellement repérée chez les bélugas. Les jeunes, les animaux immatures, précise Stéphane Lair, vont souvent mourir d’une pneumonie causée par une infection par ver naturel, un nématode. « Mais, ajoute-t-il, comme on a beaucoup de jeunes qui meurent, il semble y avoir un problème de recrutement soit une mortalité excessive chez les animaux qui fait en sorte qu’on a une diminution du nombre de reproducteurs 10, 15 ans plus tard. » Le docteur en médecine vétérinaire souligne que la première cause de mortalité du béluga est le cancer qui frappe l’animal adulte. « On a mis en évidence, raconte le Dr Lair, un nombre de cancers que nous jugeons relativement élevé pour une espèce sauvage ce qui nous suggère que les bélugas sont exposés à des composés cancérigènes, probablement des composés d’origine industrielle. » Un nouveau mystèreSur les seize veaux retrouvés jusqu’à maintenant, seulement trois nécropsies ont pu être pratiquées en raison de l’état de décomposition avancée des carcasses. Aucune cause de mortalité n’a pu être déterminée. « On a pu éliminer les causes traumatiques et infectieuses. Ceci nous pousse à croire que les veaux meurent à la suite de la séparation avec la mère », précise Stéphane Lair. Les chercheurs ont retenu deux hypothèses pour expliquer cette séparation précoce. Dans un premier temps, l’exposition de la mère à des algues toxiques et dans un second temps, l’exposition de la mère à des contaminants susceptibles de toucher les fonctions de la glande thyroïde, très importante pour la mise bas. Cette dernière hypothèse pourrait expliquer l’augmentation des difficultés des mères bélugas à mettre bas. « On peut penser que si une mise bas est difficile, si la mère est faible, si le veau est faible en raison d’une mise bas qui est prolongée, cela pourrait favoriser l’abandon », conclut le Dr Lair. Un écosystème en mutation? Pour Stéphane Lair, les bélugas peuvent être vus comme un baromètre de la santé de l’écosystème du St-Laurent. Un écosystème qui nous a révélé cet été toute sa fragilité, selon le vétérinaire. Le troupeau de bélugas a d’abord été victime de la chasse, raconte Stéphane Lair, puis de l’industrialisation et des composés chimiques. « J’ai presque l’impression, poursuit le spécialiste des animaux sauvages, qu’on entre dans une troisième ère, c’est-à-dire l’ère des changements globaux. On peut se poser de sérieuses questions sur les gros changements à l’écosystème qui vont arriver avec le réchauffement global par exemple. » D’après le chercheur, l’été dans l’estuaire fut étrange : « On a eu des températures d’eau plus élevées que la normale et on a vu des phénomènes comme des fous de Bassan incapables de trouver leur nourriture, morts de faim. On a eu les échouages de bélugas. » Cela suggère, poursuit l’homme de sciences, qu’il y a probablement une espèce de déséquilibre dans l’écosystème du Saint-Laurent. « Des déséquilibres qui sont probablement importants et qui auront des effets à long terme. Il y a de quoi être préoccupé », croit Stéphane Lair. Le programme de récupération des carcasses qui permet l’analyse des carcasses de baleines échouées existe depuis les années 80, mais son financement doit être renouvelé chaque année. Les coupes dans la recherche scientifique annoncées par le gouvernement fédéral inquiètent donc ceux qui suivent de près le troupeau de béluga du Saint-Laurent, considéré comme en voie de disparition. Source : radio-canada.ca (05.10.12) L’autopsie d’un béluga en vidéo…
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Plus d’infos sur l’espèce & fiche pédagogique téléchargeable : Le béluga