Le cycle de la vie est intimimement dépendant de la mort. Quand un être s’éteint, il fournit les conditions et les ressources pour que la vie apparaisse. C’est ce que montre une observation rare : celle d’une baleine morte étendue sur le fond marin. L’énorme mammifère marin représente une aubaine pour les organismes des grands fonds avec d’innombrables niches dans sa chair et dans son squelette, capables de nourrir pendant des décennies des communautés entières de créatures étranges.


C’est à un tel buffet des grands fonds qu’ont pu assister en 2010 des chercheurs sur le bateau R.R.S. James Cook grâce à un véhicule télé-guidé, dans la zone des îles Sandwich sud, de l’Antarctique. Jamais une telle découverte de carcasse de baleine n’avait été faite dans cette zone.

Bien plus surprenant encore, la biologiste marine Diva Amon et ses collègues du Natural History Museum de Londres révèlent dans le journal Deep Sea Research Part II, que le corps de la baleine Minke de l’Antartique (Antartic minke whale)(Balaenoptera bonaerensis) abritait au moins neuf espèces d’animaux encore inconnues : 4 nouvelles espèces de vers, 2 de crustacés et 3 de gastéropodes.

Les baleines mortes qui coulent pour finir sur le fond marin ont une deuxième vie très étonnante. Dans un premier temps, les requins, crabes et autres charognards nettoient la carcasse de toutes les chairs molles comme la graisse et les muscles, un recyclage qui permet à d’autres organismes de continuer à vivre.

Puis, une nouvelle histoire commence, moins connue. Des vers s’incrustent dans le squelette, des palourdes et d’autres organismes opportunistes s’installent dans le corps et tout autour pour consommer les ressources présentes dans le squelette.

Une fois que ces créatures éphémères ont pris tout ce qu’elles pouvaient sur la baleine, d’épais tapis de bactéries s’installent sur le squelette. Ces pâturages microscopiques attirent alors de petits escargots qui s’y nourrissent. Les deux premières phases se succèdent assez rapidement, en quelques années, et la dernière phase s’étend sur plusieurs décennies.

Une découverte rare

On ne repère que rarement des corps de baleine. Depuis que des biologistes marins ont identifié le phénomène il y a trente ans, seuls six cas naturels avec les communautés qu’ils abritent, ont été trouvés.

Les biologistes marins ont eu recours à l’envoi par le fond de carcasses de baleines pour mieux comprendre les communautés qui élisent domicile dans ces corps immenses.

Leur intérêt s’explique par l’aspect inhabituel de ces agrégats d’organismes qui semblent se spécialiser dans la découverte et l’exploitation de cette ressource rarissime.

Dans le case de la baleine minke trouvée dans l’Antarctique par Amon et ses collègues, la carcasse du cétacé abritait une nouvelle espèce de moule, de vers gélatineux le « snotworm », qui creuse l’os, et des sortes de cloportes, appelés isopodes, et d’autres créatures étranges.

La carcasse n’était plus qu’une squelette quand les chercheurs l’ont trouvée. Ils estiment que le corps de la baleine reposait sur le fond marin depuis plusieurs décennies avant qu’ils ne le trouvent.

D’une carcasse à l’autre

Le site semblait désolé mais le corps de cette baleine a toujours abrité un large éventail d’organismes vivants. La liste des espèces trouvées sur place allait des coraux, anémones, calamars, escargots, aux isopodes sans compter une espèces encore inconnue de vers du genre des Osedax. Ce sont des vers qui se nourrissent des os en les creusant avec l’aide de bactéries symbiotiques présentes dans leurs intestins. Ce genre de vers a été découvert pour la première fois sur le corps de baleines mortes. Mais comment cet invertébré a-t-il pu élaborer un mode de vie aussi particulier reste un mystère.

Parmi les différentes espèces trouvée sur le corps de la baleine, on a aussi trouvé une nouvelle espèce de moule « Lepetodrilus », particulièrement fascinante et qui n’a pas encore reçu de nom. Des espèces de ce cousin de l’escargot se rencontrent souvent dans les profondeurs marines dans les cavités hydrothermales et ou libérant du méthane, des endroits où des épanchements d’énergie chimique forment de véritables oasis de vie. En fait, selon le Pr Amon et ses collaborateurs, cette nouvelle espèce de moule semble être identique à celle qui vit dans les cavités hydrothermales localisées à 250 m de distance de la carcasse de la baleine.
Ces moules, selon les chercheurs, pourraient se servir des carcasses de baleine comme de tremplins entre deux cavités hydrothermales, ce qui tendrait à indiquer que leur espèce est adaptée à l’exploitation de milieux marins relativement éphémères, et qu’elles sont capables de migrer vers d’autres carcasses pour s’y installer.

Au final, l’espérance de vie d’une baleine est comprise entre 50 et 75 ans, à sa mort, sa carcasse va abriter de la vie pendant cette même durée. Source & autres liens en rapport : notre-planete.info  (17.05.13)

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