Fait rare : une équipe de biologistes dirigée par la Wildlife Conservation Society de New York a identifié une nouvelle espèce de dauphin à bosse au large des côtes septentrionales de l’Australie. Thibaut Bouveroux, chargé de mission scientifique à l’Observatoire pour la Conservation et l’Etude des Animaux et Milieux Marins (OCEAMM) revient pour L’Express sur cette découverte et explique le long processus d’identification de nouvelles espèces.
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La découverte de cette nouvelle espèce de dauphin à bosse vous étonne-t-elle ?

C’est une bonne nouvelle, mais cela ne m’étonne pas particulièrement. Si par le passé, les espèces ont été décrites et identifiées sur base morphologique, anatomique et géographique, aujourd’hui, le développement de nouveaux outils tels que la génétique nous permettent d’améliorer nos connaissances en sciences de la classification des espèces. Il n’est d’ailleurs pas impossible que ces progrès en génétique et en biologie moléculaire remettent en cause la classification ou l’appartenance d’une espèce à un genre, une famille, voire même un ordre.

Au début du 19ème siècle, les morphologistes ont classé les animaux, sur base des différences morphologiques entre les espèces. Aujourd’hui, certains de ces classements sont remis en cause en raison des progrès de la génétique. De la même manière, deux espèces très proches morphologiquement ont été distinguées grâce à la génétique. C’est le cas de la nouvelle espèce qui vient d’être identifiée. Il y a une dizaine d’années, la communauté scientifique reconnaissait deux espèces appartenant à cette sous-famille : les dauphins à bosse du Pacifique et les baleines à bosse de l’Atlantique. Les récentes analyses ont permis de distinguer quatre espèces : Sousa chinensis, S. teuszii, S. plumbea et cette nouvelle espèce encore non nommée officiellement.

Pourquoi s’agit-il d’une découverte d’importance comme l’a affirmé la Wildlife Conservation Society ?

D’un point de vue conservation, il est essentiel de connaître ces différences génétiques, afin de protéger l’espèce et donc sa variabilité génétique. Si cette population était déjà connue depuis longtemps par les chercheurs, ils ne savaient pas qu’elle faisait partie d’une nouvelle espèce, présente seulement à cet endroit. Dès lors, si un problème de mortalité massive causée par une épidémie virale ou de capture accidentelle se pose dans la région, nous pourrions avoir affaire à l’extinction d’une espèce, plutôt qu’à une disparition locale d’une population d’une espèce plus largement répandue sur Terre.

Cette perte de patrimoine génétique serait beaucoup plus problématique. Une espèce est considérée menacée ou en voie d’extinction en fonction du nombre d’individus existants sur Terre, c’est-à-dire du stock, et de la possibilité qu’elle a à se rétablir à partir des stocks voisins. Pour ce qui est de l’espèce Sousa chinensis, dont la population de la nouvelle espèce découverte est issue, son stock est automatiquement devenu plus faible, la rendant ainsi plus vulnérable.

Pourquoi est-il rare de découvrir de nouvelles espèces de mammifères marins ?

Les mammifères marins sont situés en haut de la chaîne alimentaire. Ils vivent dans des habitats homogènes, ouverts, dans lesquels il y a de nombreux échanges génétiques entre les populations et les individus. Ce brassage de gènes limite la création de nouvelles espèces. A l’inverse, les écosystèmes plus fermés favorisent l’isolement génétique, qui peut engendrer à terme la création de nouvelles espèces.

Il faut savoir que le milieu marin est le milieu le moins bien connu. On préfère envoyer des robots sur Mars, que de savoir ce qui vit dans la fosse des Mariannes, à seulement 11 kilomètres de la surface de la mer. On dépense plus d’argent dans la recherche de vie sur les autres planètes que dans la recherche marine et il est grand temps que cela change.


Source & capture d’écran : lexpress.fr (01.11.13)

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