Encercler et pousser des dauphins vers le rivage, pour ensuite les égorger à la chaîne : c’est la technique du « Grindadrap », une tradition de pêche estivale, décriée aux Îles Féroé. Elle est notamment dans le collimateur de l’ONG Sea Shepherd, qui a déployé cet été des volontaires dans l’archipel, pour tenter d’empêcher la chasse jusqu’à ce que quatorze d’entre eux, dont notre Observatrice, se fassent arrêter fin août et qu’un premier abattage ait lieu.
De juin à octobre, les globicéphales, mammifères marins au front volumineux aussi appelés dauphins-pilotes ou baleines-pilotes, nagent dans les eaux environnantes de l’archipel des Féroé, situé en mer du Nord, entre l’Écosse et l’Islande. Quand un groupe de ces mammifères est repéré, une horde de bateaux quitte les côtes, les encercle et les rabat vers une baie. Paniqués, les globicéphales foncent vers le rivage et se retrouvent coincés en eaux peu profondes. Sur la plage, ils sont égorgés vifs par des hommes attendant leur arrivée, ce qui peut tourner régulièrement au massacre généralisé, comme le montre cette vidéo tournée en 2013.
La technique du « Grindadrap », ou « Grind », remonte au moins au XVIe siècle, et a eu cours au Groenland et dans d’autres territoires de l’Atlantique Nord. À l’origine, en plus d’être un test de virilité pour les jeunes pêcheurs, elle devait surtout permettre de faire des stocksde viande pour l’hiver. Un argument qui, pour ses pourfendeurs, n’a plus lieu d’être au XXIe siècle aux Îles Féroé, territoire autonome dépendant du Danemark, qui affiche un des meilleurs niveaux de vie du monde.
Opposé de longue date au Grind, l’ONG Sea Shepherd a mené à plusieurs reprises des opérations pour tenter d’empêcher le massacre. Elle a recommencé cette année, mobilisant plus de 500 volontaires qui se sont relayés tout l’été pour l’opération « Grindstop ». Objectif : repousser des globicéphales qui s’approcheraient des côtes, et tenter de couper court à tout début de Grind. Si les volontaires de l’ONG ont réussi à repousser au large un groupement de globicéphales fin juillet, d’autres ont dû s’incliner, le 30 août. Un Grind a été mené depuis l’île de Sandoy. Les bateaux de l’ONG étaient trop éloignés de cette zone pour intervenir : les six volontaires sur la palge et huit volontaires qui étaient mobilisés sur des bateaux, ont été arrêtés par la police, non sans avoir tenté de faire fuir les 33 globicéphales qui seront finalement massacrés, comme le raconte notre Observatrice. Un procès se tiendra aux Iles Féroé le 25 septembre.
« Je ne pensais pas que c’était aussi atroce et que les globicéphales souffraient autant »
Alexandra Sellet est infographiste et vit à Royan en France. Elle a participé à l’opération « Grindstop « et fait partie des volontaires de Sea Shepherd, arrêtés le 30 août.
Dans les jours qui ont précédé, nous avions, comme on pouvait s’y attendre, fait face à la défiance des Féringiens. Des gens, y compris des enfants, nous insultaient, nous faisaient des doigts d’honneur quand nous les croisions pendant nos patrouilles. Je ne pensais pas que le « Grind » était aussi atroce et qu’on faisait autant souffrir les globicéphales. J’ai découvert la manière dont cette tradition était organisée : des responsables sont désignés, la procédure de chasse est précise. Elle est d’ailleurs enseignée dans des livres. Nous risquions au pire quatre mois de prison, mais je n’ai jamais pensé que nous serions lourdement condamnés. Je suis rentrée en France et j’encours désormais trois à cinq ans d’interdiction de territoire aux Îles Féroé. Peu importe : si je ne peux pas y retourner, d’autres volontaires iront !
« Chasse alimentaire d’une espèce non-menacée »
Contacté par France 24, la représentante des Îles Féroé auprès de l’Union européenne fait valoir que le « Grind » est « une chasse alimentaire, les mammifères qui sont tués sont consommés par la population tout au long de l’année. Par ailleurs, les globicéphales ne sont pas une espèce menacée, cette chasse ne compromet pas leur survie. Il y a donc un soutien massif de la population pour la continuation de cette tradition séculaire ». Kate Sanderson estime par ailleurs que « Sea Sheperd place les baleines sur un piédestal et ne raisonne que du point de vue de l’animal, sans prendre en considération les autres arguments. C’est très difficile de débattre avec ces gens, qui ont une approche extrême de tout ce qui concerne la vie animale ». La diplomate affirme par ailleurs que « l’ensemble de la viande est consommée sur l’année », ce que contredit Sea Shepherd.
« Il faut comprendre que les Féringiens, comme d’autres peuples de l’Atlantique Nord et de l’Arctique, n’apprécient guère quand des ONG viennent chez eux avec un discours en quelque sorte néocolonial sur leurs pratiques culturelles, avec l’intention de leur expliquer ce qu’il est bien de faire ou non », explique par ailleurs Mikå Mered, qui dirige Polarisk, un bureau de prospective sur l’Arctique. Pour lui, l’action de Sea Sheperd pourrait par ailleurs avoir un effet négatif sur l’économie des Îles Féroé, en provoquant une baisse de la fréquentation touristique en 2015.
Jusqu’à 1000 mammifères peuvent être tués chaque année. La consommation de viande a toutefois baissé aux Îles Féroé au cours des années 2000, plusieurs études faisant état de taux de mercure élevés dans la viande de globicéphale. Les autorités vétérinaires féringiennes ont conseillé en 2011 de limiter la consommation de cette viande à un repas par mois. Source : observers.france24.com (15.09.14) Actualité récente en rapport :
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Voir également : seashepherd.fr/ferocious-isles