Attention : ce petit livre peut vous sauver la vie et, peut-être, aussi, celle de la planète…

Dans « Le règne du vivant », l’écriture précise, sensible mais dénuée de toute sensiblerie de la romancière Alice Ferney, devient celle d’un journaliste-cameraman norvégien, Gérald Asmussen, embarqué à bord de l’Arrowhead pour une campagne en Antarctique, aux côtés de Magnus Wallace, opposant écolo actif et charismatique à la pêche illégale en zone protégée et d’une poignée de militants.

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Une fiction bien réelle

Le dernier livre de la romancière française, véritable plaidoyer écologique, est construit comme un témoignage-fiction, dans lequel toute ressemblance avec les actions des militants de l’ONG Greenpeace et toute ressemblance avec un personnage existant réellement, Paul Watson, 63 ans, fondateur de l’ONG écolo activiste Sea Shepherd, dont l’emblème est un drapeau de pirate, ne sont absolument pas fortuites. En effet, comme le héros qui fascine le personnage principal du roman, Asmussen, Paul Watson s’est mis à dos un pays – dans la vraie vie le Costa Rica- suite à une opération menée en 2002 dans les eaux guatémaltèques contre le braconnage des requins, espèce menacée et protégée. Et comme Paul Watson et les militants activistes de Greenpeace, Magnus Wallace lutte avec des moyens dérisoires mais un courage et un sens de la communication exceptionnels contre le pillage illégal organisé des richesses de la mer et le massacre de la faune. Et, alors qu’il défend le droit, au péril de sa vie.

La cruauté imbécile des hommes

Ce pirate de l’écologie traque les bandits qui pêchent illégalement les espèces en danger d’extinction, théoriquement protégées par les lois internationales des hommes, comme les baleines et les requins. Dans toutes les mers du globe et jusque dans les réserves naturelles, où ses bateaux s’interposent. Le cameraman embarqué avec lui filme et découvre -et nous avec- que la pêche illégale, c’est aussi la cruauté imbécile des hommes qui harponnent les requins pour couper leurs précieux ailerons, avant de les rejeter ensuite à la mer, toujours vivants, où ils coulent à pic et se noient, pitoyables troncs sanglants, désormais incapables de nager. Ou ces baleines, que l’on continue de massacrer dans leur sanctuaires du sud de la Terre, (20.000 ont été massacrées en 20 ans), et que l’on dépèce sur le pont des bateaux-usines, souvent encore vivantes…

Tuerie annoncée

Tout est question d’échelle: aujourd’hui, la chasse à la baleine n’est plus une activité dangereuse pour l’homme et artisanale, mais une tuerie annoncée. Grâce aux satellites, bien à l’abri sur leurs bateaux-usines, les pêcheurs du XXIème siècle suivent les baleines et gagnent à tous les coups. Car si la chasse à la baleine est interdite, elle est permise par la Commission baleinière internationale, pour certains quotas à caractère « scientifique ». Alibi commode pour continuer une activité illégale au nom de la science. Comme si l’on ne savait pas aujourd’hui tout sur le cétacé… et avant tout qu’il faut le protéger, afin qu’il ne soit définitivement rayé des profondeurs des océans.

Question de vie et de mort

Les questions pleuvent sous la plume d’Asmussen : pourquoi faut-il légiférer pour créer un droit des animaux, pourquoi leur disparition serait-elle synonyme de mort pour la planète et les êtres humains, comment alerter les gens ? « Nous faisons éclater ces bombes : le spectacle des braconnages en mer. Réveillerons-nous les défenseurs ? Il le faut. Sans quoi la Terre sera bientôt vide. Humains et non-humains auront disparu. Car leurs sorts sont liés. Voilà ce que nous répétons à un système qui s’est emballé et fonce dans les dangers qu’il a programmés. », réfléchit le caméraman. C’est une question de vie et de mort pour l’humanité aussi : telle est la justification des images violentes et insoutenables qu’il filme.

Améliorer la vie des hommes sur Terre, en protégeant le vivant sous toutes ses formes

Nous vivons à l’ère de l’anthropocène. Cela signifie que pour la première fois dans l’histoire de la Terre, l’homme, c’est le patron ultime. Il a les moyens par son action de modifier le climat, de faire disparaître des pans entiers de la biodiversité et encore de provoquer des pollutions majeures et sur des millénaires. Mais le haut niveau de technicité auquel il est arrivé lui donne aussi une responsabilité immense…. et tous les moyens de faire l’inverse : améliorer la vie des humains sur Terre, en protégeant le vivant sous toutes ses formes. Tel est le message d’Alice Ferney qui, en célébrant la beauté souveraine du monde marin et en rendant hommage à la dissidence nécessaire face au crime et au cynisme organisé, questionne le devenir de « cette Terre que nous empruntons à nos enfants ». Dans quel état allons-nous la laisser ? Pourront-ils y vivre encore, et comment ?

Oui, ce petit roman qui veut alerter le monde peut le sauver, comme le font les images d’Asmussen qui filment l’action de Wallace, et dans la vraie vie, celles qui montrent les bateaux de Greenpeace ou ceux de Sea Shepherd arraisonnant les bateaux des « criminels de pêche ». Pour que le règne de l’homme ne soit pas la fin du règne du vivant. Et vous savez quoi ? Si Wallace meurt dans le roman, dans la vraie vie, Watson, lui, est bien vivant : tout espoir n’est donc pas perdu.

Cathy Lafon « Le règne du vivant », d’Alice Ferney, est publié chez Actes Sud, 19 €.

A SAVOIR

– Pour échapper à un mandat d’arrêt international relayé par Interpol, Paul Watson de Sea Shepherd a choisi la France comme terre d’asile où il séjourne actuellement et où il entend continuer à oeuvrer pour la protection des océans.

– Contraint en avril dernier par une décision de la Cour internationale de justice (CIJ) d’arrêter la chasse à la baleine dans l’océan Antarctique, cette année, après bien des tractations, le Japon a annoncé le 18 septembre qu’il enverrait ses bateaux en Antarctique pour conduire des recherches non létales sur les cétacés et qu’il ne tuera pas de baleines. Info ou intox ? A suivre…

– Selon une étude récente du WWF, l’action de l’homme a entraîné la disparition, en 40 ans, de plus de la moitié des animaux sauvages de la planète.

– Si nous vivions tous comme les Qataris, il faudrait 4,8 planètes. 3,9 si nous étions tous Américains, et 1,4 si nous étions tous Sud-Africains.

Source & infos complémentaires :  maplanete.blogs.sudouest.fr (12.10.14)

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