Il y a un an, CNN diffusait Blackfish, une enquête sur la mort, en 2010, d’une soigneuse d’orques employée du géant américain des parcs aquatiques, Seaworld. Le film, qui établit un lien entre la mort de la jeune femme et les méfaits de la captivité chez les cétacés – en proie à développer des psychoses et à devenir agressifs lorsqu’ils vivent en bassins –, a déclenché un débat international sur le bien-fondé de la captivité des orques.

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Lire nos explications : Blackfish lève le voile sur les conditions de captivité des orques

Manifestations, tables rondes, législations. De nombreuses initiatives émanant du grand public et remettant en question le concept de parc aquatique traditionnel ont vu le jour ces douze derniers mois, témoignant de l’existence d’un « effet Blackfish ».

Les spectacles durant lesquels orques, mais aussi dauphins et otaries effectuent des pirouettes et autres performances en musique ne sont plus critiqués par les seuls militants des droits des animaux. Sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #blackfish , des internautes dénoncent désormais des représentations dangereuses pour les soigneurs et dégradantes pour les animaux.

Mais si l’évolution des mentalités a poussé certaines petites structures à changer de modèle économique, d’autres institutions ne sont pas sur le point de revoir leur façon de fonctionner.

LE DOCUMENTAIRE CONTESTÉ

Lorsque la polémique autour de Blackfish est née, Seaworld a fermement démenti la thèse du documentaire . En France, le parc Marineland d’Antibes a fait de même . Les deux structures expliquent qu’en permettant aux visiteurs de voir leurs animaux de près, elles sensibilisent à la préservation de ces espèces. En présentant des animaux en captivité, les parcs aquatiques participeraient au bien-être des espèces vivant dans la nature.

Aux Etats-Unis, même la proposition de loi californienne visant à interdire la captivité des orques dans les parcs aquatiques, leur reproduction en captivité, ainsi que leur participation aux spectacles n’a pas fait changer Seaworld de discours. L’entrée en vigueur de cette loi, à l’étude jusqu’en 2015, affecterait pourtant fortement le groupe, qui possède un parc à San Diego.

Lire : Faut-il libérer les orques en captivité ?

C’est en fait à l’aune de ses derniers résultats financiers que Seaworld a changé de stratégie.

CHUTE DE FRÉQUENTATION

Le 13 août, le groupe américain a annoncé que son chiffre d’affaires avait plongé de 5 % au premier semestre 2014 et que la fréquentation de ses parcs était en baisse. S’en est suivie une chute vertigineuse du cours de son titre coté à New York, qui n’a toujours pas récupéré. Il a atteint sa valeur la plus basse le 15 octobre. L’agence Standard & Poor’s a également dégradé sa note de BB à BB –, indiquant que la réputation du parc s’était dégradée et qu’il allait être difficile d’améliorer son image. Le fameux « effet Blackfish » est désormais quantifiable aux Etats-Unis.

Lire : Seaworld touche le fond après la diffusion d’un documentaire

Fragilisé, Seaworld – qui a reconnu pour la première fois que le film avait eu un impact négatif –, a fait deux annonces principales destinées à rassurer le grand public et ses investisseurs : le lancement du projet « Blue World » , qui prévoit notamment l’agrandissement de ses delphinariums, ainsi que le versement de 10 millions de dollars pour « l’étude et la protection des orques dans leur environnement naturel ».

Le groupe assure que son projet est dans les cartons de longue date et n’est pas lié aux développements qui ont suivi la sortie de Blackfish. Mais cette annonce tombe bien, puisqu’elle répond à une des critiques du film, qui observe que les conditions de captivité des orques en bassin sont extrêmement éloignées de celles des orques en liberté. Avec « Blue World », Seaworld met l’accent sur la pédagogie et avance que ses animaux évoluent dans un environnement qui reproduit le plus fidèlement possible leur environnement naturel.

NOUVEAUX PARCS

Les arguments de Seaworld sont cependant à relativiser, selon Gabriela Cowperthwaite, la réalisatrice de Blackfish. Pour elle, l’agrandissement des bassins ne garantit pas que les orques aient plus d’espace, car le nombre d’animaux par aquarium peut être augmenté, notamment dans le cas où le groupe accroît la fréquence des naissances en captivité.

Par ailleurs, ce chantier ne correspond pas à une réelle remise en question du fonctionnement de Seaworld : « Il s’agit d’une opération de communication destinée à rassurer les investisseurs à court terme », confie-t-elle au Monde.fr. Avec ces nouveaux bassins – dont les travaux n’ont pas encore débuté –, il n’est pas question de discuter de la possibilité de relâcher ses orques en semi-captivité ou même de mettre un terme aux spectacles dans lesquels apparaissent des animaux, ce que préconise le film.

En France, le Marineland d’Antibes est régulièrement interpellé sur les réseaux sociaux depuis la diffusion du film sur Arte , le 29 juin. Le plus grand parc d’Europe a également enregistré une légère baisse de ses entrées cet été par rapport à la saison 2013 (– 3 %), que la direction n’attribue « pas du tout » à Blackfish, mais à une baisse généralisée de la fréquentation touristique sur la Côte d’Azur.

Seaworld, qui possède onze parcs dans le monde, et Parques reunidos, propriétaire de Marineland, qui en possède soixante-neuf, ont également annoncé avant l’été leur intention de développer leur activité à l’international, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Des projets d’expansion qui montrent qu’il n’est pas question pour ces imposantes structures de revenir sur leur modèle.

Une poignée de parcs aquatiques ont cependant décidé de revoir certaines pratiques. Le Orlando Sentinel cite le cas  de l’aquarium de Baltimore dans le Maryland, qui a arrêté de faire participer ses dauphins à des spectacles et annoncé leur transfert dans un enclos en mer. Le Clearwater Marine Aquarium en Floride a, lui, renoncé à la construction d’un nouveau stade pouvant accueillir 2 000 spectateurs, de nombreuses voix s’étant élevées contre le parc, soupçonné de vouloir commencer à introduire des dauphins dans ses spectacles. Preuve que la pression du public peut parfois infléchir la politique des parcs.

Source :  lemonde.fr (27.10.14)

Voir également :

Blackfish chez nos Députés et Sénateurs… !

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