Chez le béluga, la connaissance des routes migratoires serait transmise aux jeunes par leur mère et par d’autres membres de leur parenté. Cette transmission culturelle pourrait expliquer pourquoi l’espèce peine à recoloniser des habitats d’où elle a été balayée, avance une équipe de biologistes dans un récent numéro de la revue Proceedings of the Royal Society B.

640px-White_Whale_(Delphinapterus_leucas) 12 03 15.jpg

Gabriel Colbeck, Pierre Duchesne et Julie Turgeon, du Département de biologie de l’Université Laval, et leurs collègues de Pêches et Océans Canada, Lianne Postma, Véronique Lesage et Mike Hammill, arrivent à cette conclusion après avoir étudié la génétique des trois troupeaux de bélugas qui fréquentent la région de la baie d’Hudson. Ces trois groupes ont des aires de reproduction et d’hivernage communes dans les parages du détroit d’Hudson, de la baie d’Ungava et de la côte du Labrador. Ce chevauchement de leurs aires vitales assurerait un échange de gènes entre les trois populations. Au printemps, les bélugas retournent à leurs aires d’estivage respectives en empruntant des routes migratoires distinctes.

Les chercheurs ont analysé des échantillons d’ADN provenant de 1524 bélugas des trois populations récoltées par des chasseurs inuits à différents moments de l’année. Leurs analyses révèlent que les mères et leurs descendants s’attroupent tout au long du cycle annuel. « C’est quelque chose qui était prévisible pour les mères qui allaitent leurs petits, mais cette association se poursuit même après le sevrage, qui a lieu vers l’âge de deux ans », souligne Julie Turgeon.

Une chose plus étonnante survient pendant les migrations: les attroupements se font entre proches, mais ils vont au-delà de la famille immédiate. Un réseau familial élargi, qui comprend surtout des femelles, se formerait pendant ces périodes. « Les jeunes bélugas apprendraient les routes de migration de leur mère, leurs soeurs, leurs tantes ou leurs cousines, résume la professeure Turgeon. Ce mode d’apprentissage des comportements migratoires existe chez l’humain et chez quelques espèces de baleine, mais ce n’est pas courant dans le reste du monde animal. »

Cette caractéristique expliquerait pourquoi les habitats autrefois fréquentés par d’abondantes populations de bélugas restent inoccupés longtemps après que la chasse a décimé celles-ci, même si les conditions sont propices à l’espèce. C’est le cas de la rivière Mucalic et de la Grande rivière de la Baleine, au Nunavik, et probablement celui de la rivière Manicouagan sur la Côte-Nord. « Le rétablissement de ces populations se fait attendre même si leur disparition est survenue il y a 150 ans », constate Julie Turgeon.

La gestion du béluga doit tenir compte de cette particularité, poursuit la chercheuse. Par exemple, la population de l’est de la baie d’Hudson, qui ne compte que 3300 têtes, est désignée « en voie de disparition » par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Une étude antérieure réalisée par la professeure Turgeon et ses collaborateurs a démontré que cette population est surreprésentée dans la récolte des chasseurs inuits. « Il faut tenir compte de cette vulnérabilité dans l’établissement des quotas de chasse pour cette région, estime la chercheuse. Si cette population est éliminée, les bélugas de l’ouest de la baie d’Hudson ne viendront pas prendre leur place. Les aires d’estivage de l’est de la baie pourraient rester vacantes, même si l’habitat est parfait pour l’espèce. »


Source :  techno-science.net (09.03.15)

Source photo :  wikimedia.org

Plus d’infos sur l’espèce & fiche pédagogique téléchargeable :

Le béluga

Loading...